Article paru dans Le Figaro du Samedi 22 décembre 2007, Page 11, Sciences Médecines
En élevant la température de la planète, le dioxyde de soufre aurait permis à de l'eau liquide d'être présente sur Mars il y a 3,8 milliards d'années.
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L'IDÉE est astucieuse. Pour expliquer la présence d'eau liquide sur Mars, il y a 3,8 milliards d'années, comme en attestent les indices recueillis récemment par la sonde européenne Mars Express et les petits rovers Spirit et Opportunity de la Nasa, trois chercheurs américains suggèrent que l'atmosphère de la planète rouge était, à ses débuts, très riche en dioxyde de soufre ou SO2.
En effet, pour qu'il y ait de l'eau liquide il faut qu'il fasse un minimum chaud. Or, vu sa distance au Soleil, la planète Mars ne pouvait, tout comme la Terre, bénéficier de températures clémentes que si son atmosphère recelait suffisamment de gaz à effet de serre susceptibles de retenir les rayons du Soleil réfléchis à sa surface. Chez nous, c'est surtout la vapeur d'eau et, accessoirement d'autres gaz comme le dioxyde de carbone (CO2) ou le méthane, qui jouent ce rôle de couverture chauffante. En leur absence, nos océans seraient entièrement gelés puisque la température moyenne ne dépasserait pas les - 15 °C, alors qu'elle est en moyenne de + 15 °C.
Les scientifiques ont d'abord pensé que Mars était enveloppée d'une atmosphère très riche en CO2 provenant de son volcanisme, très actif par le passé. De quoi élever la température au-dessus de 0 °C, juste assez en tout cas pour permettre à l'eau de couler. Mais plus l'exploration de Mars progresse et moins cette hypothèse tient la route. Les observations recueillies à ce jour par les sondes et les rovers, montrent que la surface martienne semble dépourvue de dépôts calcaires et autres carbonates. Or, ces roches, se forment à partir de CO2 atmosphérique en précipitant au fond des océans, comme cela se produit sur Terre. Leur absence, ou à tout le moins leur rareté, tendrait à prouver que l'atmosphère martienne primitive n'était pas suffisamment riche en dioxyde de carbone pour générer un effet de serre suffisant et permettre la formation de grandes étendues d'eau liquide, où la vie aurait pu apparaître.
Activité volcanique
Pour sortir de cette contradiction, l'équipe dirigée par le planétologue Daniel Schrag, de l'université Harvard (États-Unis) propose, dans un article publié, hier, dans la revue américaine Science de remplacer le CO2 par du dioxyde de soufre (SO2) et/ou de l'hydrogène sulfuré (H2S). De fait, ces composés soufrés sont des gaz à effet de serre générés eux aussi par l'activité volcanique. Ils pouvaient donc être abondants dans l'atmosphère primitive de Mars, d'autant que Spirit et Opportunity ont découvert quantité de roches riches en sulfates.
Mieux : en acidifiant les océans au contact de l'eau le SO2 se transforme en acide sulfurique ils ont pu empêcher la formation des carbonates, ce qui expliquerait l'absence de ces derniers. Les auteurs suggèrent même que ce mécanisme a pu se produire chez nous à la même époque. En effet, les couches géologiques terrestres datant de - 4 à - 2,5 milliards d'années sont étrangement dépourvues de carbonates…
Marc Mennessier
Commentaire :
Encore une avancée dans la compréhension de notre passé terrestre, rendue possible par la réflexion sur ce que nous constatons aujourd’hui sur Mars, résultat encore bien visible d’une histoire géologique très ancienne permis par une atténuation très forte de l’érosion sur Mars alors qu’elle ne faisait que commencer sur Terre et par l’absence de tectonique des plaques.
Le cycle du soufre, comme celui du carbone a existé sur Mars, comme sur Terre et probablement Vénus, mais le contexte, distance au soleil, masse de la planète, quantité de certains gaz par rapport aux autres a conduit à des situations totalement différentes. Grâce à l’étude de Mars, les pièces du puzzle commencent à faire image et c’est bien sûr un encouragement formidable à continuer la recherche.
Pierre Brisson