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Le voyage vers Mars

Depuis la Lune le delta V pour atteindre Mars est nettement plus faible que depuis la Terre. Il faut donner 11,5 km/s au départ de la Terre et seulement 3,4 km/s au départ de la Lune. Mais cela n’a d’intérêt que si on dispose sur la Lune de l’infrastructure industrielle qui permet la production des différents éléments du vaisseau martien (habitat interplanétaire, module d’atterrissage, module de retour et ergols pour les systèmes de propulsion). Et il faut aussi imaginer que l’on souhaite envoyer vers Mars des équipiers habitant déjà la Lune. S’il faut déposer le matériel sur la Lune en provenance de la Terre, il faut comprendre que l’atterrissage sur la Lune est plus couteux que l’envoi direct vers Mars et l’atterrissage sur Mars; il demande 13,5 km/s (car tout le freinage d’atterrissage doit être effectué en mode fusée) tandis que l’atterrissage sur Mars va demander un total de 11,8 (les 11,5 d’élancement de la Terre plus un freinage final de l’ordre de 300 m/s), la majorité du freinage étant assuré par l’atmosphère martienne.

La station orbitale ISS tourne sur une orbite inclinée à 51,6 ° qui n’est pas très favorable à un élancement vers Mars. Compte tenu du renflement de la Terre à l’équateur, le plan d’orbite de la station n’est pas fixe dans l’espace inertiel mais fait un tour sur lui même en 70,5 jours. La Terre avançant aussi sur son orbite pendant cette période, c’est en fait tous les 87 jours que l’on va retrouver une position de la station favorable pour un départ vers Mars. Cet intervalle est un peu trop long compte tenu que la fenêtre favorable pour un départ vers Mars est d’une durée plus courte.

Il est donc préférable de prendre en compte le temps d’assemblage des différents constituants d’un vaisseau martien en orbite terrestre pour choisir une orbite qui, au moment de la fenêtre de lancement vers Mars, se trouvera dans la bonne position et de ne pas s’imposer l’orbite de la station.

Un autre moyen de se débarrasser de ces contraintes de rotation de plan d’orbite est de constituer l’assemblage assez loin de la Terre. La NASA privilégie ainsi les points de Lagrange du système Terre Lune. Le départ vers Mars (total de ce qu’il aura fallu donner pour atteindre le point de Lagrange plus impulsion d’élancement vers Mars) est un peu plus élevé que pour un départ direct depuis la Terre mais on a plus de latitude pour le processus d’assemblage.

Mission habitée vers Mars

Oui. Il y a bien sûr des points à développer et un certain nombre de défis (voir le livre Embarquement pour Mars chez A2C media), mais il n’y a pas besoin de révolutions technologiques. Nous sommes plus murs (technologiquement parlant) aujourd’hui pour un voyage vers Mars que les américains ne l’étaient en 1962 quand ils ont décidé d’aller sur la Lune. A l’époque il n’y avait pas encore maitrise de la propulsion hydrogène/oxygène, du rendez-vous, de l’atterrissage sur la Lune, du retour dans l’atmosphère à 11 km/s. Aujourd’hui pour une mission martienne, il faut travailler sur la rentrée atmosphérique martienne et l’atterrissage de charges lourdes (passer de une tonne pour Curiosity aux 30 t d’une mission humaine), le fonctionnement des scaphandres en ambiance poussiéreuse sur de très longues périodes, la production des ergols de retour (méthane et oxygène) sur place, les sources d’énergie puissantes et compactes (petit réacteurs nucléaires sur Mars), la fiabilité et la maintenabilité des systèmes sur de longues durées (à cet égard la station orbitale est intéressante par l’expérimentation opérationnelle qu’elle permet). La protection contre les radiations dont on connait les principes (couche protectrice de 15 cm à base de produit contenant de l’hydrogène comme l’eau, pendant les éruptions solaires) doit être mise en oeuvre et démontrée. Il faut aussi vérifier que la poussière martienne n’est pas agressive pour l’homme.
Il est reconnu que l’un des points faibles des voyages spatiaux de longue durée est l’homme lui-même, son comportement et sa santé. Pour assurer la réussite des missions de longue durée, il faut un équipage bien entraîné et surtout un équipage qui s’est entraîné ensemble. On imagine mettre en compétition comportementale plusieurs équipages dans des simulations sur Terre dans des conditions un peu difficiles (Arctique, Antarctique) pour sélectionner l’équipage à envoyer vers Mars, qui ne sera pas forcément celui composé des individus les plus brillants mais celui qui aura montré le meilleur fonctionnement en commun. Le moment de creux psychologique principal sera probablement le voyage de retour (compensé par l’excitation de revoir les proches). L’état psychologique de l’équipage fait déjà l’objet d’un suivi depuis la Terre pour les missions de longue durée à bord de la station orbitale. Il en sera de même pour les voyages interplanétaires. Dans les premières missions de 4 à 6 personnes il n’y aura sans doute pas la place pour une personne dédiée au support psychologique mais on peut imaginer que chacun aura été formé à pratiquer un autodiagnostic. Lors des opérations de simulation sur Terre il y a des expériences visant à quantifier l’état de stress ou de dépression. La mission Mars 500 a particulièrement étudié les problèmes de cohabitation et d’état psychologique et cela s’est plutôt bien passé.
Il faut déposer des modules de l’ordre de 20 à 30t sur Mars (d’où les problèmes de rentrée et freinage évoqués plus haut). Environ 3 de ces modules ou plus sont envisagés. Pour envoyer tout cela de la Terre il faut un lanceur de classe 100 à 150 t en orbite basse. C’est la gamme de ce que les USA développent avec le SLS.

Jusqu’à maintenant, combien d’argent à déjà été dépensé en vue de cette mission ?

Impossible à dire; il y a très peu d’argent consacré directement à la mission humaine vers Mars. Comptez-vous les programmes de sondes martiennes jusqu’à ce jour dans le montant recherché ? Si les USA se lancent dans un programme précurseur de visite d’astéroïdes, voulez-vous le prendre en compte ? Toutefois le développement du SLS peut être compté la dedans, ainsi que celui du vaisseau Orion.

Combien d’argent est-il nécessaire pour mener à bien le programme ?

Une centaine de milliards d’euros; mais là encore compte-t-on tout ce qui va se faire d’ici là dans ce montant ? Compte-t-on le fonctionnement des centres d’astronautes ?

Est-ce que les organes politiques accepteront-ils de débloquer autant d’argent ?

C’est la question; même si 100 milliards sur 10 ans divisés entre plusieurs pays n’est pas très élevé. A titre de comparaison, le coût du programme Apollo peut être estimé à 165 milliards de dollars de 2015 (25,4 milliards en 1969) sur 10 ans; la station spatiale internationale (ISS) à 110 milliards de dollars; le budget annuel de la NASA est d’environ 17 millards de dollars; la guerre en Irak est évaluée à 700 milliards de dollars.

Cela vaut-il la peine de dépenser autant d’argent pour cette mission ?

Tout d’abord il ne s’agit pas d’une mission unique mais de l’exploration de la planète sur la durée avec passage, comme dans l’Antarctique, à des stations scientifiques puis à des colonies plus importantes. L’exploration spatiale et celle de Mars en particulier présente de l’intérêt dans les domaines suivants :

  • La science (connaissance de l’évolution et du « fonctionnement » des planètes – la planétologie comparée -, recherche des origines de la vie)
  • La technologie (sources d’énergie efficaces et légères, équipements économes en énergie, toutes technologies de recyclage et réutilisation, fiabilité, robotique et interaction hommes robotique)
  • La politique (coopération internationale et facteur de paix, création de réseaux d’organismes capables d’aborder des problématiques complexes)
  • La dynamisation des sociétés, l’aventure, le rêve (le monde n’est pas borné aux limites de la Terre, motivation des jeunes aux carrières à bases techniques et scientifiques, incitations à l’innovation).
Mars One a eu d’abord l’avantage de montrer l’énorme intérêt qu’il y avait dans le public pour des missions martiennes habitées. Maintenant, compte tenu de l’impossibilité de réaliser la mission proposée dans les délais et les coûts, sans compter les aspects éthiques, Mars One décrédibilise plutôt les missions martiennes humaines.

Les technologies

L’objectif de la pesanteur artificielle est de maintenir les os en compression pour qu’ils ne s’affaiblissent pas et de maintenir une différence de pression à l’intérieur du corps pour maintenir la puissance du coeur. On peut maintenir les efforts sur les os avec des combinaisons avec des élastiques et recréer la tendance pour le sang à aller vers le bas avec des systèmes de pantalon à dépression (mais système non mobile). Un ensemble d’électro aimants dans le sol, d’abord pèserait bien lourd et ne pourrait que tenir les pieds vers le bas. Autant utiliser un sol métallique et des aimants permanents dans les semelles (méthode Tintin « On a marché sur la Lune »), mais ceci ne sert qu’à tenir debout ce qui n’a aucune utilité en zéro G. Il vaut mieux se déplacer en zéro G et utiliser des cale-pieds quand on veut se fixer qq part pour travailler. C’est ce qui se fait aussi dans l’Airbus zéro G. Autre variante (« 2001 l’odyssée de l’espace ») des semelles et un sol velcro. Mais là aussi il est vraiment inutile en zéro G d’essayer de marcher comme sur Terre. C’est comme si un plongeur sous marin essayait de marcher au lieu de nager.

Le pesanteur artificielle la plus simple est de mettre en rotation l’habitat lié par un câble à un contre poids qui peut être le dernier étage du lanceur après utilisation. Voir l’expérience effectuée par des élèves ingénieur de l’école Centrale Lille à bord de l’Airbus zéro G sponsorisée par Planète Mars.

La vie sur Mars

Si Mars a été habitable et qu’on n’y trouve pas traces de vie, il restera néanmoins des différences de conditions par rapport à la Terre (température, effets de marée sur Terre -beaucoup plus importants il y à 4 milliards d’années car la Lune était bien plus proche) qui auraient pu jouer sur l’apparition de la vie. il peut y avoir en effet différence entre être habitable pour une vie déjà apparue, et être propice à l’apparition de la Vie. De toute façon on imagine que l’apport de briques organiques de base (« prébiotiques ») dans les différents petits corps qui ont impacté la Terre a pu jouer un rôle important dans l’apparition de la vie. Mais en ce qui concerne cet apport Mars et la Terre ont été placés dans les mêmes conditions.

Habitats

Les structures pressurisées des habitats martiens (de 0,2 à 0,5 b) seront d’abord métalliques (aluminium) ou composites, comme ont tendance à l’être maintenant les cabines d’avion qui ont par rapport à l’extérieur une différence de pression voisine de ce qu’auront des habitats martiens. On peut envisager pour des étapes ultérieures après les premières missions d’exploration des structures gonflables, qui pourraient être recouvertes de terre, qui, à la fois constituerait une protection contre les radiations et diminueraient les tensions dans le tissu. Ultérieurement on peut envisager des structures souterraines dont les parois sont faites en éléments compactés de sol martien (briques, panneaux) éventuellement obtenus par des traitements type impression 3D. Un traitement de surface (enduit, film plastique) serait nécessaire pour l’étanchéité la masse de terre située au dessus permettant de tenir les efforts de pression.
L’aluminium lithium (réservoirs de la navette, réservoirs Falcon 9) semble être en brut à 5000 $/t. Mais après mise en forme les coûts sont plus élevés. La planche indique 12000 à 13000 $/t. Il va de soi que pour une structure spatiale (cas d’un habitat martien) ou aéronautique, le coût de la matière première n’est pas la part la plus importante du coût de la structure une fois réalisée. Pour les composites de type aéronautique, les fibres sont chères (80000 $/kg) mais ne composent qu’une partie du matériau. On trouve des sources qui indiquent qu’en général un matériau composite est 2 à 6 fois plus cher au kg que l’aluminium. Mais le coût du composite au kg a peu de signification car le matériau et l’objet que l’on réalise avec sont intimement liés dans le processus de fabrication. Il faudrait pouvoir comparer directement au niveau de structures achevées comme un fuselage d’avion en aluminium comparé à un fuselage en composite. On trouve des indications disant que le coût d’un fuselage en composite est plus élevé qu’un fuselage en aluminium (alors que le fuselage en composite est plus léger). Pour moi, compte tenu du prix très élevé du transport vers Mars, il n’y a pas de doute: les structures d’habitat seront très probablement en composite.
Pour le voyage martien en mode économique (ce que permettent seulement nos moyens à l’heure actuelle), on envoie la charge utile sur une orbite elliptique tangente d’un coté à l’orbite de la Terre et de l’autre à celle de Mars. Quand on veut raccourcir un peu (c’est le cas du transfert en 6 mois), on recoupe l’orbite de Mars avec un léger angle. La majeure part de la vitesse au départ de la Terre sur cette trajectoire est due à la vitesse de la Terre sur son orbite autour du soleil (30 km/s). On y a juste rajouté qqs km/s. Quand on part, Mars est devant et la vitesse de la charge utile est plus importante que celle de Mars et on dépasse (angulairement par rapport au soleil) Mars assez rapidement. Mais en « montant » dans le système solaire à la rencontre de l’orbite martienne, on ralentit et finalement quand on arrive à hauteur de l’orbite martienne, la vitesse est plus lente que celle de Mars et la charge utile est « rattrapée » par Mars. Cette trajectoire est donc bien une trajectoire pour intercepter Mars ou se faire intercepter par Mars, ce qui est strictement la même chose. Si on envoyait la charge utile sur une orbite identique à celle de Mars (au prix d’une impulsion positive au moment où on croise l’orbite de Mars), on serait effectivement sur l’orbite de Mars mais par définition à la même vitesse que celle ci donc sans jamais s’en rapprocher.

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