JOUR 1
Samedi 8 Décembre 2007
De Washington D.C. à la surface de Mars
Aujourd’hui marque donc mon départ de Washington D.C. après six mois passé à travailler au Goddard Space Flight Center (NASA) pour le projet GOES (Geostationary Operational Environmental Satellite). Ma prochaine destination : Mars, ou plutôt la Mars Research Desert Station (MDRS), véritable base martienne retranchée en plein cœur du désert de l’Utah. Cette base de la Mars Society a pour rôle de permettre à un équipage de six personnes de simuler une mission martienne pendant deux semaines. Je fais parti du crew 62, premier équipage de la saison, il se compose de Jon Pineau, Mission Commander et ingénieur pour Stellar Solutions, Ben Huset, Executive Officer et astronome, Chris Cassell, Flight Engineer et ingénieur pour Lockheed Martin, Catherine Fourrel de Frettes, Crew Biologist et étudiante en microbiologie et enfin moi, Thomas Hiriart, Field Engineer et étudiant à Supaero.
A mon arrivée, l’aéroport de Salt Lake City est sous la neige. Après quelques heures de route en compagnie de Chris et Ben, au milieu de superbes paysages que seul l’Ouest Américain peut nous offrir, nous retrouvons Jon et Catherine au motel de Hanksville, dernier bastion de civilisation avant la MDRS. L’arrivée à la station est impressionnante, le paysage, excepté le ciel bleu, ressemble à notre imaginaire martien et le silence qui nous entoure est vivifiant.Une fois à l’intérieur, nous n’avons pas le temps de nous ennuyer. Il faut ranger les vivres, organiser nos affaires dans nos « cabines », prendre contact avec l’équipe de Support Mission et rédiger les premiers rapports de situation. Dans la soirée, nous trinquons aux 29 ans de Jon autour d’une vraie bonne bouteille de vin californien et nous en profitons pour commencer à planifier notre mission. La suite s’annonce passionnante !
JOUR 2
Dimanche 9 Décembre 2007
Le premier lever de soleil martien
Notre Commander, Jon, avait réglé son iPod à 7 h du matin, pour notre premier réveil à la MDRS. Après une bonne nuit de sommeil, chacun des cinq membres d’équipage commence à émerger de sa cabine l’air un peu hagard. Je suis instantanément saisi par la beauté des premiers rayons du soleil qui nous parviennent. Le paysage est tout aussi bluffant et malgré le ciel d’un bleu encore sombre, l’impression d’être à la surface de Mars est saisissante.
Rapidement, les choses s’organisent. Les amateurs de café mettent la machine en route alors que Jon préfère faire chauffer de l’eau pour le thé. Pendant que nous déjeunons, Jon fait la liste des tâches qu’il nous faudra accomplir ce dimanche. Beaucoup d’entre elles sont des tâches d’ingénierie et de maintien opérationnel de la station. Ainsi, une fois la fin du petit déjeuner annoncée, Chris et moi filons vers la zone d’ingénierie pour s’occuper entre autres du générateur et aussi pour se familiariser avec les procédures quotidiennes. C’est à nous qu’incombera la mission de surveiller en permanence la production d’électricité et d’énergie nécessaire au bon fonctionnement de la station. Pendant ce temps, Ben, vétéran de quatre missions à la MDRS, s’occupe de l’installation d’eau chaude qui pose problème en ce début de mission alors que Catherine fait l’inventaire du laboratoire de biologie et de géologie.
Le temps passe rapidement et il est déjà l’heure de déjeuner. Après quelques sandwiches, nous décidons d’effectuer une marche de deux heures pour se familiariser avec l’environnement autour de la station. Nous partons vers le sud pour atteindre « Phobos Peak », une petite colline du haut de laquelle la vue sur les environs est grandiose. Je reste sidéré par l’immensité des paysages de l’Utah. Ce pic ne fait pas plus que quelques dizaines de mètres de haut mais il est possible de voir à plusieurs centaines de kilomètres aux alentours. Nos deux photographes attitrés, Ben et Chris, s’en donnent à cœur joie. D’un point de vue géologique, c’est extraordinaire, la géologie du sol et des rochers peut changer du tout au tout en quelques mètres. Nous regrettons déjà de ne pas avoir de géologue parmi nous pour nous expliquer la formation des canyons, collines et autres plaines peuplant cet étrange désert. Scientifiquement, la mission s’annonce donc riche pour Catherine, notre biologiste et ses recherches sur les Halophiles.
Cette randonnée a également été une bonne opportunité pour connaître d’avantage les autres membres d’équipage. Notre « crew » se lie peu à peu autour de notre passion commune pour la conquête spatiale. Dans la soirée, chacun se retrouve occupé avec les différents rapports de situation. Pour ma part, je travail chaque jour avec Chris sur le rapport d’état des systèmes du module d’habitation (Hab) : générateur, batteries, système d’eau et de gaz, chauffage… Cela me permet de mettre un peu les mains dans le cambouis, chose que l’on ne fait plus beaucoup en école d’ingénieur ! Dans la soirée, nous prenons un plus de temps de parler entre nous et d’échanger des photos. L’ambiance est très bonne malgré le sérieux qui domine. Et demain, nous lançons officiellement le début de la simulation, l’aventure prend de l’ampleur !
JOUR 3
Lundi 10 décembre 2007
Début de simulation
Ce coup-ci, Jon a réglé le réveil à 6h30. Le soleil ne s’est pas encore levé sur Mars qu’il est déjà temps de se mettre au travail. Dur dur ! D’autant plus que je n’ai pas le temps d’avaler mon café matinal que le générateur réclame d’être allumé d’urgence. L’autonomie des batteries du module d’habitation ne cesse de diminuer à cause de la chute de température de ces derniers jours. Après le petit déjeuner, les ingénieurs de l’équipage se réunissent autour du tableau blanc où Jon commence à dresser la liste des tâches qu’il nous incombera d’assumer. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne risque pas de s’ennuyer.
Briefing matinal | Casques et packs des scaphandres |
Durant la matinée, alors que Jon, Chris et moi travaillons dans la serre pour organiser les prochaines plantations et pour élaborer le plan d’action en vue de l’amélioration du système d’eau, Ben et Catherine essayent de localiser précisément les sites de présence potentielle des Halophiles. Ces recherches sur les Halophiles, ces étranges et ancestrales cellules vivant dans les environnements riches en sel, seront le principal but scientifique de notre mission. Bien que le désert de l’Utah soit connu pour protéger des Halophiles, seul un seul équipage a pour l’instant réussi à en trouver. Ils ont également configurés nos GPS ce qui, éventuellement, pourrait nous permettre de ne pas nous perdre là dehors !
A midi, nous, pauvres ingénieurs travaillant dehors, furent bien heureux d’être appelés pour la soupe et bien surpris de trouver Ben déguisé en « Marvin le Martien » afin de célébrer le début officiel de la simulation. Nous avons officiellement atterri sur Mars ce lundi à 13h32 !
Malheureusement, cela ne nous n’a pas empêché, Chris et moi, de travailler d’arrache pied dans la serre pour nettoyer des réservoirs servant à alimenter… la chasse d’eau du Hab. Pendant ce temps, les autres firent l’inventaire des équipements dédiés aux sorties extra-véhiculaire. Dans la soirée, après avoir envoyé nos rapports à l’équipe de Support Mission, nous avons regardé un épisode de « From the Earth to the Moon », en buvant une tasse de thé chaud, alors que la neige recouvrait les environs…
JOUR 4
Mardi 11 Décembre 2007
Nous garderons un œil sur vous
Il faisait encore noir là dehors lorsque nous nous sommes levés. Il n’a cependant pas fallu plus de quelques minutes au soleil pour faire apparaître une version neigeuse de la planète rouge. Objectivement, nos photographes n’étaient pas en mesure de résister à la tentation de grimper jusqu’à l’observatoire pour prendre quelques clichés du levant. Malheureusement, la neige tombée cette nuit signifiait également l’annulation des EVA programmées. En effet, le sol devenait bien trop boueux pour que l’on s’y aventure en combinaison. Malgré cela, le moral et l’ambiance restent très bons.
Après le petit déjeuner, Chris et moi retournons dans la serre, où nous avons élu domicile depuis quelques jours ! A la fin de la journée, nous avons en fin de compte réussi à finir de nettoyer les réservoirs d’eau. Nous avons eu beau demandé à Catherine si notre odeur n'était pas trop repoussante, nous n’avons même pas eu à prendre une douche (froide, nous n’avons toujours pas d’eau chaude).
Chris dans la serre | Catherine et Thomas à leurs ordinateurs |
Pendant ce temps, Catherine restait toujours fasciné par ses Halophiles, ces étranges particules vivant dans l’eau salée, Ben continuait de dresser une carte précise de nos prochaines EVA, configurait l’observatoire, et dressait fièrement au sommet du Hab, le drapeau de la Mars Society. Jon faisait « des trucs de Commandant » comme il le dit ! Plus sérieusement, il travaillait sur une fuite d’huile du générateur principal.
Et dans la soirée, tout le monde a été étonné par le talent de cuisinier de Chris. Nous avons réellement apprécié les Chinese Pork Egg Rolls surgelés !! Mais pour le moment, il est l’heure d’aller observer les étoiles dans l’Observatoire adjacent du Hab, nous garderons un œil sur vous…
JOUR 5
Mercredi 12 Décembre 2007
La première EVA
La première bonne nouvelle de la journée arriva lorsque Chris et moi mirent le nez dehors pour stopper le générateur, le ciel était bleu et le sol dur. Ce qui signifie instantanément dans la tête d'un membre de l' équipage : « Aujourd'hui, EVA ». Ainsi, directement après le petit déjeuner, nous sommes descendus frénétiquement au premier étage du Hab pour écouter les vétérans nous expliquer comment fonctionnent les combinaisons de sorti extra-véhiculaire. Je dois bien admettre avoir été un peu trop excité pour avoir écouté attentivement du début à la fin ! Quelques minutes plus tard, nous étions transformés en aventuriers astronautes.
Vous pouvez penser qu'être un astronaute est quelque chose d'excitant, cela ne nous empêche cependant pas de sortir les poubelles comme tout le monde. Avant de sortir, j'ai donc dû attendre 5 minutes dans le sas de décompression (procédure oblige) avec Chris, Catherine, et trois charmant sacs poubelles… Après que Ben et Jon nous aient rejoints devant le Hab, et après m'être débarrassé des poubelles, l'exploration a enfin pu commencer.
Evidement, nous avons d'abord procédé aux traditionnelles photos officielle de l'équipage. On ne peut jamais savoir, vous pourriez très bien succomber soudainement d'une soudaine et inexpliquée fièvre et sans ces précieuses photos, votre maman pourrait n'avoir aucune preuve de votre aventure martienne. Ce serait triste, en effet… Ensuite, nous avons décidé de jeter notre dévolu sur « Radio Ridge », après une courte randonnée, nous sommes arrivés en haut du pic. La vue est toujours aussi étourdissante du haut de ces collines qui font rarement plus de quelques dizaines de mètre de haut. Pendant cette première sortie extra-véhiculaire, nous avons eu l'occasion de nous familiariser avec nos combinaisons. J'ai été très surpris par le réalisme ressenti durant la sortie mais également par le fait que tout devient vraiment plus difficile et plus fatigant et il convient de réguler son allure pour ne pas être trop essoufflé !
Dans l'après midi, nous sommes rentrés au module d'habitation. Catherine a continué ses recherches, et nous avons finalement réussi à faire repartir le système d'eau du Greenhab après bien des efforts et tiré la chasse d'eau ne sera plus longtemps un acte angoissant. Dans la soirée, nous allons peut-être retourner à l'observatoire puisque hier soir, le ciel s'est couvert en début de nuit.
J'allais oublier l'essentiel, ce soir, j'ai pris la première douche de tout l'équipage ! Depuis, même Catherine a réussi à supporter l'eau froide…
JOUR 6
Jeudi 13 Décembre 2007
Panique à bord
Hier soir, malgré un ciel un peu brumeux, nous avons tout de même réussi à observer quelques magnifiques chutes de météorites. Ce matin, lors de notre visite matinale du générateur, nous avons d'emblée remarqué que quelque chose n'allait pas à la pompe chargée d'alimenter le module d'habitation en eau. Cependant, personne ne s'attendait à passer une telle journée…
Mais commençons par le début. Les prévisions météo étant mauvaises et annonçant des chutes de neige dans l'après midi, nous avons décidé de partir en EVA directement après le petit déjeuner. Catherine voulant absolument investiguer trois zones de Gypses, Ben, Chris, Catherine et moi partirent donc là-bas avec notre Rover pressurisé (un gros 4×4 de location) pendant que Jon restait au chaud pour s'occuper de quelques réparations. Après deux bonnes heures de recherche intensives, nous retournons au Hab avec plusieurs kilos de cailloux ! Malheureusement, nous ne connaîtrons le ou les gagnants que dans quelques mois, une fois que Catherine les aura analysés. Signalons au passage la très bonne prestation de Ben au volant du Rover, il nous fit quelques bonnes frayeurs au milieu des collines martiennes.
Tout se passait pour le mieux jusqu'à ce que nous rentrions à la base pour voir Jon faire une pâle figure. La pompe à eau ne fonctionnait pas, l'alimentation du générateur en fuel ne marchait pas plus et pour pimenter le tout, le froid menaçait de faire geler toutes les canalisations. Autant dire que nous n'en menions pas large… Nous avons passé l'après midi dehors dans le froid pour essayer d'y changer quelque chose, mais rien n'y a fait. Nous nous sommes retrouvés à passer quasiment 24h avec en tout et pour tout une quinzaine de litres d'eau. Ma seule consolation a été de ne pas être en mesure de me ridiculiser en essayant de faire la cuisine ! Sandwiches pour tout le monde pour limiter l'eau.
L'ambiance ce soir était plutôt tendue. Nous travaillons dur et physiquement, nous commençons à marquer un peu le coup. Heureusement, le Commandant, a ce soir décrété une soirée film + bière et à offert une heure de sommeil de plus pour tout le monde demain matin ! L'équipage 62 ne perd pas la foi
JOUR 7
Vendredi 14 Décembre 2007
J'ai toujours été très étonné de voir à quel point deux jours peuvent se suivre sans se ressembler. Hier, rien ne fonctionnait et tout ce que nous avons essayé n'a guère été plus efficace. Heureusement, aujourd'hui a été différent. Les nuages ont disparu pour laisser la place à un beau soleil qui nous a aidé à dégeler les conduites prises dans la glace. De plus Jon été hier soir d'humeur généreuse et nous a octroyé une heure de sommeil en plus pour compenser la pénible journée d'hier.
Jon, Ben, Chris et moi avons travaillé sur beaucoup de problèmes et nous sommes fiers que la station soit en bien meilleur état ce soir qu'elle ne l'était hier. Nous avons finalement réussi à remplir le réservoir d'eau potable du module d'habitation, ce qui signifie que nous pouvons désormais nous laver les mains, faire la vaisselle et cuisiner à nouveau. Je ne parle pas de prendre de douche. Nous devrons attendre. Concernant la serre, nous avons remis en état le système de traitement d'eau et nous sommes près à commencer la plantation de végétaux dès demain.
Notre tableau récapitulant les tâches d'ingénierie est maintenant bien rempli de croix rouges signifiant « The job is done! » et Catherine a dessiné une jolie note de remerciement pour nous, les ingénieurs. Nous avons vraiment travaillé dur pour remettre la station en état et j'espère que nous aurons désormais un peu plus de temps pour faire des recherches plus intéressantes et faire plus d'EVA. A noter également que l'équipe de Support Mission nous a annoncé que nous aurons des quads flambant neuf d'ici la fin de notre mission.
Vers cinq heures de l'après midi, Ben lance un appel à la radio : « Quelqu'un voudrait il voir la Lune ? ». Quelques secondes plus tard, nous déboulons en trombe à l'observatoire et nous voyons une magnifique lune se profiler de l'autre bout de la lunette. Je suis convaincu de ne pas avoir été le seul, à cet instant, à avoir souhaité aller là-haut un jour. Ensuite, Jon nous a cuisiné un bon repas arrosé de vin chilien puis nous avons rédigé nos rapports malgré la très mauvaise connexion internet. Mais pour l'heure, je dois vous laisser, une nouvelle soirée d'observation s'annonce. Les étoiles m'appellent.
JOUR 8
Samedi 15 Décembre 2007
Tout d'abord, j'aimerai revenir plus en détail sur la soirée d'hier. Après avoir finis de rédiger nos rapports de situation, nous avons rejoint Ben à l'Observatoire pour une heure d'observation céleste. Malgré le froid mordant (autour de -10°C), nous étions très enthousiastes devant un ciel si beau. Entre autres, nous avons observé Mars, véritable petit soleil ainsi que la célèbre nébuleuse d'Orion. Pendant que deux d'entres nous étaient à l'intérieur avec Ben (l'Observatoire est trop petit pour nous accueillir tous les cinq), deux autres étaient dehors regardaient le ciel aux jumelles en discutant de tout et de rien, échangeant blagues et expériences diverses. Ca a vraiment été une chouette nuit.
Ce matin, Chris m'a réveillé avec un étrange « La chasse d'eau des toilettes de marche plus ! ». Sans avoir but la première tasse de café, cette annonce a quelque peu compliqué mon réveil. Le soleil a finalement réglé le problème en dégelant la canalisation coupable. Aujourd'hui, nous avons prévu de faire une EVA cette après midi, dédiée à la recherche de Halophiles et de travailler au maintien de la station ce matin. Nous étions cependant affectés de ne plus avoir de bonne connexion internet. Il reste difficile de vivre sans, même sur Mars !
Si vous avez lu mon rapport d'hier, vous pourriez croire que tout a été réparé dans la station. Malheureusement, il n'en est rien et je commence à croire que Ben et Jon ont raison quand ils disent qu'il y a toujours quelque chose à re-réparer. Nous avons de nouveau eu des soucies avec notre approvisionnement en eau. Ayant remarqué une importante fuite d'eau sur le réservoir principal durant une vérification matinale, nous avons du pomper en urgence l'eau potable dans un autre réservoir qui, malheureusement, est toujours à plusieurs dizaines de mètre à l'extérieur du Hab. Depuis, en dépit de tous nos efforts, nous n'avons pas été en mesure d'avoir de l'eau à l'intérieur.
Cet après-midi, Jon et Catherine sont partis en EVA avec les tous nouveaux quads que nous avons reçu à midi. Nous sommes tous impatients de les utiliser. Jon et Cath sont allés à Candor Chasma et ont passé quelques heures à collecter des échantillons de roches. De ma perspective d'alpiniste, j'aurai aimé avoir eu la chance de voir les falaises de Candor Chasma. Pour dire vrai, j'avais envisagé, en venant ici, de faire des expériences de test de matériel d'escalade en condition d'EVA. Candor Chasma était un de mes sites potentiels. Je garde l'idée en tête pour une prochaine mission…
JOUR 9
Dimanche 16 Décembre 2007
Aujourd'hui, c'est dimanche, et pour cette occasion spéciale, nous avons décidé de prendre un peu plus notre temps pour cuisiner un vrai petit déjeuner (américain). Nous avons bu nos tasses de café et de thé accompagnées de pancakes et d'œufs. Ben, pour célébrer ce dimanche spécial, est arrivé à table dans un magnifique uniforme de Star trek. A table, nous avons discuté de Noël et de nos différentes façons de le fêter. Catherine étant belge, moi français et les autres, américains, nos discussions sont toujours très ouvertes et enrichissantes. J'ai toujours aimé apprendre des autres et partager des expériences nouvelles. En tant que Français, une mission ici est donc très intéressante pour moi.
Aujourd'hui, Catherine, Ben et Chris sont sortis pour une longue EVA dans un endroit très poétiquement appelé « Salt Wash and the Valley of the Stars ». C'est la première fois, à notre connaissance que des recherches sont effectuées dans cet endroit. Encore une fois, Ben a joué le rôle du pilote de Rover à la perfection et les membres de l'équipe sur place ont pu profiter de la beauté de ce large canyon. La géologie particulière de l'endroit à fourni des échantillons de Gypse de taille impressionnante à Catherine.
Pendant ce temps, à la Station, Jon et moi avons travaillé…sur le système de ravitaillement en eau. Encore et encore. Nous avons fait de bons progrès dans la matinée, nous faisant espérer que nous pourrions ravitailler le Hab en eau dans l'après midi. Nous avons donc été très déçus lorsque toutes nous tentatives de l'après midi échouèrent. C'est la raison pour laquelle, nous avons du interrompre la simulation ce soir pour pouvoir aller à Hanksville acheter de l'eau. A ce moment, la santé de l'équipage est primordiale et se ravitailler en eau, la priorité numéro un. Ce soir, l'atmosphère est calme, la fatigue commence à se faire sentir. Nous travaillons dur. Cependant, pas d'inquiétude, tout rentrera dans l'ordre dès demain, avec la bonne humeur, après une bonne nuit de sommeil.
JOUR 10
Lundi 17 Décembre 2007
Aujourd’hui, nous avons décidé de passer une journée un peu plus cool. Ce matin, nous avons donc tous pu prendre le temps de faire de ce que nous n’avions pas encore pu faire : se lever sans alarme, répondre aux emails des proches, lire les livres que nous étions sensés lire quand nous nous ennuyons, essayer de trouver d’où vient l’odeur de souris brûlée (la réponse est oui, nous avons trouvé de la vie sur Mars : les souris…), se brosser les dents (je plaisante !), et surtout éviter de penser au manque d’eau. Sérieusement, se reposer un peu n’a pas été un luxe. Cependant, Ben a quand même travaillé dans l’Observatoire, Chris et moi avons gardé un œil sur le générateur et la serre, pendant que Catherine parlait à ses Halophiles et que Jon essayait de la convaincre que les Halophiles ne parlent pas.
A midi, nous avons rapidement avalé quelques sandwiches. En effet, le froid du matin et de la fin d’après midi gelant toutes les canalisations, nous n’avons pas une grande marge de manœuvre pour essayer de réparer le système d’alimentation en eau. Donc, nous avons essayé directement après le déjeuner. Quel bonheur ce fut que d’entendre le bruit de l’eau dans le réservoir du module d’habitation après de longues heures de travail. Ce lundi marque le jour où l’équipage 62 a trouvé de l’eau. Pourvu que ça dure !
Ensuite, Jon a expliqué à Chris et moi comment utiliser les nouveaux quads. Nous les avons conduits pendant quelques minutes. C’était la première fois que je conduisais ce genre de véhicule et étant donné que je n’ai même pas mon permis de conduire, cela m’a beaucoup amusé. Chris et moi avions aussi besoin d’eau usagée pour remplir des réservoirs dans la serre. Nous avons alors essayé de mettre tout le monde sous la douche. Cela n’a pas été trop dur. Dans l’après midi, nous avons reçu la visite surprise de « teenagers » américains en balade dans le coin et se demandant ce que cette drôle de station faisait là. Ils nous ont même gratifié d’un « You guys are so cool ! ». Dans l’imaginaire des gens, « Cool » n’est pourtant généralement pas l’adjectif s’appliquant le plus aux ingénieurs en aérospatial!
Durant le dîner, tout allait jusque là comme d’habitude, jusqu’à ce que notre Commandant se mette en tête qu’il était l’heure pour un concours de blague… Malheureusement, je n’ai pas été autorisé à vous en dévoiler les secrets. Je peux en revanche vous dire que Jon n’a pas gagné le concours de la blague la plus distinguée. Après que Catherine se soit consolée en faisant des cookies après ma blague sur les Belges (Catherine est belge), nous avons décidé de regarder un film. Nous en sommes encore à l’heure du choix. Je vous dirai demain si nous avons choisi celui avec la jolie blonde ou bien celui avec l’horrible martien.
JOUR 11
Mardi 18 Décembre 2007
Si vous vous rappelez mon texte d’hier, je disais que nous allions regarder un film mais que nous hésitions encore entre la jolie blonde ou le vilain martien. Même si un certain nombre d’entre nous avaient choisi la jolie blonde (je tairai les noms), nous avons choisi de regarder une série de science-fiction appelée « Firefly ». C’est plutôt bon dans le genre western de l’espace.
Ce matin, Catherine et Ben ont effectué une EVA à « Hab Ridge ». Le but scientifique de la sortie était de recueillir des échantillons de roches susceptibles d’abriter des Halophiles. A la base, Chris, Jon et moi avons travaillé à planter des végétaux dans la serre. Au lieu de notre habituel travail sur l’eau usagée, planter des carottes, laitues, oignons et autres herbes a même réussi à rendre Catherine jalouse de notre travail pour la première fois de la mission ! J’aurai aimé pouvoir profiter des nos futurs légumes, ou tout du moins les voir pousser. Malheureusement, ce sera pour les futurs équipages.
L’après midi, nous avons échangé les rôles, Catherine, Jon et Ben sont restés à la station pour travailler aux tâches courantes alors que Chris et moi sommes sortis avec les nouveaux quads. Ça a été très amusant de les utiliser. Conduire ces engins loin de la base, et se sentir perdu au milieu du désert de l’Utah augmentent de façon impressionnante le réalisme de la simulation. Le principe de la sortie était d’avoir plus d’entrées pour une autre étude que nous essayons de mener. Le but de l’étude est de déterminer, en fonction de critères simples et concrets si une pente est franchissable à pied en combinaison, de façon sure. Nous avons donc passé l’après midi à essayer de franchir des pentes en combinaison. C’est bien plus compliqué que ça en a l’air. Malheureusement, un événement imprévu nous a obligé à rentrer prématurément à la base. Je suis heureux d’avoir pu participé à cette sortie. A chaque fois que je vois de si beaux paysages, je me dis que c’est dommage de rester enfermé à l’intérieur du module d’habitation. Mais je suis sur que savoir gérer ce genre de sentiments fait aussi partie de la mission.
Une fois tout le monde de retour à la base, nous avons eu un dîner mexicain. Puis Jon a fait une présentation au sujet des missions sur lesquelles il a travaillé : Genesis, Stardust et les Rovers Martiens. C’était très intéressant mais la principale réussite de l’exposé a été d’avoir prouvé à notre biologiste que les ingénieurs pouvaient aussi faire des choses intéressantes !
JOUR 12
Mercredi 19 Décembre
Aujourd’hui nous avons fait deux EVA’s. Catherine et Ben ont fait la première le matin. Ils sont partis avec le Rover pressurisé vers « Lith Canyon ». L’objectif était encore une fois de trouver des Halophiles cachés dans les roches salines. Apparemment, ils ont aimé l’endroit mais ils sont revenus très fatigués. De ce que j’en ai compris, la marche n’a pas été facile. Pendant ce temps, Jon, Chris et moi avons essayé de réparer un problème inattendu. Aujourd’hui, alors que nous avons lutté pendant plusieurs jours pour avoir de l’eau dans les toilettes, ce coup-ci, l’eau s’écoule sans s’arrêter… Nous avons donc vérifié les interrupteurs et les canalisations. Le problème est venu d’une défaillance d’une valve pressurisée. Nous l’avons court-circuité et tout est rentré dans l’ordre.
L’après midi, Jon et moi sommes sortis en EVA avec les quads pendant que Chris, Ben et Cath étaient chargé de surveiller la station. Avec Jon, nous avons réellement apprécié la sortie, les paysages étaient fabuleux. La raison de cette sortie était de compléter notre étude sur les déplacements en pentes inclinées. Nous essayons de construire une base de donnée de pentes en fonction de l’inclinaison, de caractéristiques du sol, et de la sécurité. Cette après midi, nous avons étudié une douzaine de pentes : rocheuses, sableuses, ou boueuses.
Ce soir, après le dîner et les rapports, j’ai donné une présentation sur mon travail à la NASA sur le projet GOES et sur mon été à la NASA Academy. Chaque membre de l’équipage en fera un. Hier, Jon a fait le sien sur son travail chez Stellar Solutions.
JOUR 12
Jeudi 20 Décembre
Le réveil ce matin a été particulièrement difficile. Cela n’a pas semblé être le cas pour mes coéquipiers mais je commence à être fatigué physiquement, principalement à cause de notre incroyablement longue liste de tâches d’ingénierie. Etre le premier équipage de la saison n’est pas chose facile ! Pendant le petit déjeuner, Jon a décidé qu’il était temps d’ajouter une croix rouge de plus à notre tableau devant la case « Nettoyer les environs ». D’habitude je suis plus que content de sortir en EVA mais cette fois je savais que ça allait être pénible. Jon, Ben, Chris et moi nous sommes donc mis en combinaison pour une de nos dernières EVA's. Une des premières choses qui nous a choqué en arrivant ici fut le désordre autour de la station et particulièrement autour de la zone du générateur (que l’on ne montre généralement jamais sur les photos…). Malheureusement, nous n’avons pas eu le temps de nous en occuper avant aujourd’hui.
Aujourd’hui, nous avons donc passé deux heures pour nettoyer et organiser cette zone. Une fois encore, j’ai pu remarquer à quel point il est difficile de porter et de déplacer des choses lourdes et encombrantes en combinaison spatiale. A midi, nous étions crevés ! Mais au moins, Catherine, en voyant les photos, nous a dit que nous avions fait du bon boulot. Bien sur, nous n’avons pas tout nettoyé et cela ne peut être considéré que comme un début but j’espère sincèrement que chaque équipage fera un geste en continuant cette tâche pénible.
Après le déjeuner, Chris a fait une présentation sur la Mécanique Orbitale, sujet qu’il maitrise bien puisque qu’il fait son PhD (équivalent à une thèse), sur le sujet. Il a été suffisamment brillant pour complètement perdre notre biologiste ! Après la présentation, nous avons continué à ajouter autant de croix rouges au tableau des tâches d’ingénierie que possible. Chris et moi avons fini le processus de « Biostarters » pour le traitement des eaux usées pendant que Jon a réparé le pipeline d’eau potable et que Ben a testé avec succès le nouveau générateur de secours.
Ce soir, Ben a fait sa propre présentation à propos de la Mars Society. Mais pour l’heure, nous venons juste de recevoir un message de la Mission Support Team nous disant que puisque nous avons été les premiers à essayer le nouveau générateur de secours, il nous incombait de lui donner un nom. Ben a choisi, ce sera « Mei Mei », ne me demandez pas, je n’ai pas compris non plus, c’est chinois paraît-t-il.
JOUR 13
Vendredi 21 Décembre
Aujourd’hui, nous avons eu un réveil tardif à 8 heures. La fin de notre mission approchant, même le Commandant préfère rester au lit un peu plus longtemps. Cette matinée à été dédiée à l’écriture des rapports de fin de mission. Même si nous en avons maintenant rédigé un certain nombre depuis le début de la mission, ces rapports de fin de mission sont plus délicats puisqu’ils synthétisent tout ce que nous avons pu faire pendant toute la durée de la mission.
A midi, nous avons décidé de nous offrir un « restaurant » pour fêter la fin officielle de la simulation. Je mets des guillemets à restaurant puisqu’il s’agit simplement du fast food de Hanksville, une ville complètement perdue au milieu de désert où il n’y a pas âme qui vive. Au restaurant, ils sont d’ailleurs fiers de vendre des t-shirts avec pour slogan « Where the hell is Hanksville ? », je comprends bien pourquoi ! Personnellement, après sept mois passé aux USA, j’ai eu la joie de savourer mon dernier vrai burger américain avant mon retour en France, plus que quelques jours avant de retrouver nos bons restos et nos bonnes bouteilles…
L’après midi, nous avons fait notre dernière sortie EVA. Tout le monde a revétu sa combinaison spatiale pour une courte marche au nord du module d’habitation. Nous avons simplement marché à travers les collines rouge de l’Utah en en profitant pour prendre des photos et pour apprécier pour la dernière fois les superbes collines qui bordent la station. Puis, de retour à la base, nous avons profité de notre avant dernière soirée pour porter un toast (au vin Californien) à l’équipage 62, et au travail effectué.