La Maison Blanche retarde la décision finale sur la configuration du lanceur lourd. L’administratrice adjointe de la NASA, Lori Garver, a annoncé le 7 juillet que la NASA allait conduire une nouvelle analyse de coût sur le concept dérivé de la navette choisi par l’administrateur Charles Bolden le mois dernier. Le cabinet Booz Allen va conduire de son coté une évaluation indépendante. La décision finale est maintenant annoncée pour la fin de l’été.
Lors des préparatifs du dernier vol de navette, Charles Bolden a déclaré : « La décision sur le lanceur lourd sera très critique et très coûteuse pour la nation. Elle doit nous transporter dans une prochaine ère qui, j’espère, durera plus longtemps que les trente ans de la navette. Nous sommes très proches de la décision mais pas encore tout à fait prêts. »
Le congrès avait donné 90 jours à la NASA en décembre dernier pour démarrer le programme de lanceur lourd à objectif 130 t en orbite basse.
En juin Charles Bolden avait accepté la proposition de sa direction des missions d’exploration sur la configuration du lanceur : un corps central à oxygène et hydrogène propulsé par 3 ou 5 moteurs de navette, un deuxième étage également à oxygène et hydrogène liquide propulsé par le moteur J2X en cours de développement et dont le premier exemplaire est au banc au Stennis Center près de la Nouvelle Orléans. Une première version de lanceur utiliserait les boosters de la navette en version 5 segments (quatre sur la navette). Dans une version ultérieure ces boosters à ergols solides seraient remplacés par des boosters à oxygène liquide et kérosène dont la propulsion reste à développer.
Les différents lanceurs en projet ou étudiés récemment dans le monde ayant une performance égale ou supérieure à 30 t en orbite basse sont les suivants par ordre croissant :
Angara A7 (Russie) :35 t
CZ-5DY (Chine) :50 t
Falcon 9 Heavy (USA) :54 t
Ariane 543C (Europe) :57 t
Ariane 5SH (Europe) :100 t
CZ-X (Chine) :100-150 t
HLLV (USA) :130 t
A priori la configuration du lanceur lourd est toujours celle affichée comme de référence il y a 6 mois, mais la décision officielle tarde (doc. NASA)
Le développement du lanceur lourd US me paraît plutôt mal engagé. Des tergiversations qui s’éternisent sur fond de crise financière et économique. Comment justifier un tel lanceur en l’absence d’un véritable programme d’exploration (qui implique, évidemment, un financement approprié)? C’est donc la fuite en avant qui est proposée avec ce lanceur lourd. Aura-t-on plus de moyens financiers dans 10, 20 ou 30 ans? Personnellement j’en doute et je ne vois pas le Congrès s’engager sur un terrain aussi hasardeux.
Ainsi, après l’abandon du programme Constellation, après l’abandon des navettes, le lanceur lourd US pourrait devenir la prochaine victime sur l’autel des économies. Par effet domino la poursuite de l’exploitation de l’ISS risque d’être à son tour contestée. N’était-elle pas sensée préparer le vol vers Mars? Mais si on décide d’abandonner la station, sera-t-il encore nécessaire de développer un remplaçant à la navette? Un effet domino aux conséquences désastreuses pour les aficionados des vols habités.
Certains diront que j’ai été excessif dans mon analyse. Bien sûr j’espère me tromper. Néanmoins, la situation effarante dans laquelle se trouve la NASA aujourd’hui n’était-elle pas prévisible depuis déjà pas mal d‘années, et ce en dépit de toutes les déclarations optimistes et volontaristes des spécialistes du spatial?