Article publié le 21 mai dans Space News par Robert Zubrin.
Traduction de Pierre Brisson
Un programme spatial auquel on puisse croire.
L’administration du président Barack Obama affirme qu’elle souhaite fixer une voie pour envoyer des hommes sur Mars. Si vraiment elle le souhaite, voici les caractéristiques essentielles dont un tel programme a besoin pour réussir.
• Les objectifs de la mission doivent être à la hauteur de l’effort. La raison d’envoyer des hommes sur Mars n’est pas de fixer un nouveau record d’altitude pour l’almanach de l’aviation. Il s’agit plutôt de procéder à une exploration sérieuse qui permettra de résoudre les questions de la présence potentielle et de la diversité de la vie dans l’univers et qui ouvrira un nouveau monde à l’expansion de l’humanité. Par conséquent les missions qui n’ont pas pour objet de se poser effectivement sur Mars, ou qui visent seulement d’y rester pour des durées brèves, doivent être écartées. Ça ne sert à rien d’aller sur Mars si ce n’est pour pouvoir y faire quelque chose d’utile une fois arrivé. Si le programme n’est pas solidement ancré sur un tel fondement rationnel, il sera annulé longtemps avant d’avoir conduit où que ce soit.
• Le délai de réalisation de la mission doit être court. Déclarer que l’on fixe l’objectif d’envoyer des hommes sur Mars en 2047, où à quelque autre date lointaine, est risible. Aucune personne vivant dans plusieurs décennies ne se souviendra ou ne se souciera de ce que des responsables de la NASA auront choisi de mettre aujourd’hui dans leurs agendas. Décider d’une mission dans ces conditions revient simplement à refuser de s’engager. Pour que le programme soit réel, il doit être planifié d’une manière qui lui permettra d’être rendu effectif par des gens qui sont aujourd’hui dans le corps des astronautes et non par des générations encore à naître. En outre, pour que le programme puisse réussir, il doit atteindre son objectif dans un temps limité. Sinon, les conditions politiques qui lui ont permis d’être lancé auront presque certainement disparu avant qu’il n’atteigne son but.
• Le plan de mission doit être faisable. La bonne façon de faire de l’ingénierie c’est de prendre l’approche la plus simple possible, avec besoin du moins de nouvelles technologies possible. La mauvaise façon est de suivre l’approche la plus complexe, avec le plus de dépenses pour de nouvelles technologies. La mission Mars ne devrait donc pas être conçue dans le but de justifier l’effort de développement de toute la panoplie de la NASA, ou de l’Industrie, en matière de technologies de pointe en quête de financement. Réaliser un programme de cette façon revient à diriger une entreprise dont les dépenses seraient déterminées par les fournisseurs. Le réalisme exige en outre que la mission soit conçue autour des technologies qui sont à portée de main ou facilement réalisables. Faire dépendre la mission de systèmes futuristes fantastiques, tels que des vaisseaux spatiaux gigantesques à propulsion électrique nucléaire de 100.000 kilowatts, est tout simplement une autre façon de faire en sorte que cela n’arrive jamais.
• La direction de la mission doit être responsable. Il est essentiel que les sujets soient traités comme des problèmes à résoudre plutôt que comme des excuses pour éviter l’action. Ainsi, par exemple, il faut que la NASA arrête de se chercher des excuses dans le rayonnement cosmique et les problèmes de santé liés à la gravité zéro pour différer la mission sur Mars jusqu’à ce que des systèmes de propulsion utopiques soient disponibles. Plus d’une demi-douzaine d’astronautes et de cosmonautes ont déjà reçu, sans dommage, des doses cumulées de rayons cosmiques au cours de séjours prolongés en orbite terrestre. Quant aux effets sur la santé d’une gravité nulle, ils peuvent être évités en mettant en rotation le vaisseau spatial pour créer une gravité artificielle.
• Le succès de la mission doit être la plus haute priorité. Cela peut sembler évident mais ça ne l’est pas. Faire en sorte que la mission réussisse nécessite de la faire voler vraiment (voir les points pertinents ci-dessus). En outre, placer la plus haute priorité sur la réussite de la mission, consiste à placer cette réussite au-dessus de la sécurité de l’équipage. Il y a un nombre illimité d’améliorations techniques, de missions précurseurs possibles et de programmes d’essai qui pourraient améliorer marginalement la sécurité de l’équipage de la première mission pour Mars. Mais si tous, ou même seulement une fraction importante d’entre eux, étaient entrepris, la mission ne volerait jamais et on garantirait en même temps l’échec du programme par un coût infini. Des activités précurseurs pourraient améliorer les chances d’un programme martien donné, mais elles se feraient au détriment du nombre de missions qui pourraient être lancées et on ne peut certainement pas les laisser se multiplier au point qu’elles ramènent le nombre de missions réelles à zéro. Le programme de vols habités de la NASA coûte des dizaines de milliards de dollars, sommes qui pourraient sauver des dizaines de milliers de vies si elles étaient dépensées ailleurs. Il y a donc une obligation morale d’arriver à un résultat. Priorité doit être donnée à la mission.
• Il faut fixer une date de démarrage au programme. Si l’engagement doit être pris au sérieux, il doit être initié aujourd’hui. Cela signifie que, plutôt que de mettre fin à la reconnaissance robotique de Mars, on doit l’intensifier, avec des sondes de différents types lancées vers la planète rouge à chaque occasion. En outre, un plan concret doit être établi pour envoyer des astronautes vers Mars dans un délai de 10 ans en utilisant une technologie disponible ou réalisable, et les dépenses de l’agence doivent ensuite être hiérarchisées et orientées vers la mise en œuvre effective de ce plan. Si le programme n’est pas lancé, cela n’arrivera jamais.
Le peuple américain veut et mérite une agence spatiale qui vraiment va quelque part. Mars est la bonne destination mais si on doit l’atteindre, l’engagement doit être réel. En raison de déficits hors de contrôle résultant de dépenses du budget fédéral dans d’autres domaines, une puissante exigence pour des coupes se manifestera bientôt. Une NASA sans but véritable sera un candidat de choix pour le billot. Il est temps de présenter un programme spatial auquel on puisse croire.
Robert Zubrin est président de Pioneer Astronautics et de la Mars Society, ainsi que l’auteur de « The Case for Mars » (« Cap sur Mars » en français).