par Philippe Coué
C’est maintenant officiel, la Chine effectuera sa première mission d’exploration de la planète Mars en 2021.
A chaque session annuelle de l’Assemblée nationale du Peuple, de nombreuses déclarations annoncent de manière officielle les futurs programmes que la Chine compte réaliser. Et lorsqu’un nouveau plan quinquennal débute – c’est le cas cette année – ces annonces peuvent être spectaculaires et font l’objet d’une grande publicité dans les médias. Pour ces raisons, les observateurs du spatial chinois ne manquent jamais cet évènement important de l’Empire du Milieu.
Cette année, ils n’ont pas été déçus. L’accent a d’abord été mis sur le lanceur lourd CZ-5 dont le tir inaugural est attendu au second semestre de 2016. On a appris que dix exemplaires de cette fusée avaient déjà été commandés. Toutes les charges utiles du CZ-5 n’ont pas été révélées en dehors de la sonde Chang’E-5 (qui doit retourner des échantillons lunaires sur Terre en 2017) et des trois modules de 20 t de la future station permanente Tiangong-3. Mais l’annonce la plus importante concernant l’exploration de l’espace fut sans conteste le fait que la CZ-5 lancera aussi en 2020 la première mission martienne chinoise. Il y a cinq ans, les observateurs attendaient son approbation pour la période 2011 / 2016. Mais une nouvelle fois, la troisième depuis 2001, le projet martien avait été reporté. La Chine affirmait vouloir se consacrer complètement à la Lune.
Aujourd’hui, le contexte a beaucoup évolué. Primo, le programme d’exploration lunaire automatique Chang’E est dans sa dernière phase de réalisation. Il est probable que des ressources sont maintenant disponibles pour faire autre chose dans l’espace lointain. La Chine n’abandonne pas la Lune pour autant, elle devrait désormais préparer l’arrivée à la surface de ses ressortissants. Secundo, la réussite de la mission indienne Mangalyaan autour de Mars a dû interpeller les responsables politiques à Pékin plutôt habituées à applaudir les premières spatiales chinoises en Asie. Officiellement, il n’existe aucune compétition entre la Chine et ses voisins, mais le sentiment d’être dépassé dans un secteur d’excellence et d’avant-garde a pu être diversement apprécié. Tertio, la Chine étudie depuis 20 ans tous les détails de l’exploration de la planète Mars. Plusieurs concepts et maquettes de sondes ont déjà été présentés. De même, dans la foulée du programme lunaire, de nombreux équipements et matériels ont été testés et optimisés pour l’environnement martien, y compris des rovers. Enfin, sur le plan opérationnel, des sondes sont encore actives autour et sur la Lune (Chang’E-5T1 et Chang’E-3) et une autre arpente l’espace interplanétaire depuis plusieurs années (Chang’E-2). Les Chinois ont très vite appris à se mouvoir dans l’espace lointain et toutes ces misions sont des réussites.
Bref, vous l’aurez compris, l’exploration de la planète Mars par la Chine est devenue très crédible. La configuration définitive et officielle n’a pas encore été communiquée par les Chinois, mais on sait qu’un rover doit être déposé à la surface. Cela aussi a été confirmé début mars à Pékin. Dans ces conditions, il est probable que les maquettes exposées ces deux dernières années soient assez représentatives des futurs engins martiens chinois : un orbiteur associé à un atterrisseur porteur du rover. En maquette et sur les films d’animation chinois, cette automobile était une variante évoluée du Yutu déposé sur la Lune en décembre 2013 par Chang’E-3. En toute logique, le prochain rover qui sera déposé sur la face cachée de la Lune par Chang’E-4 en 2018 pourrait être « l’ultime prototype » du modèle martien chinois qui évoluera sur Mars en 2021. Moins lourd et perfectionné que le Curiosity américain, il s’apparenterait davantage aux MER de la Nasa.
Assurément, l’exploration de la planète rouge n’est pas prête de s’arrêter. Avec la Lune, elle constitue le corps céleste le plus convoité par les Hommes. Qu’ils soient Chinois ou non, ils finiront bien par suivre les traces laissées par les robots.
Une vue d’ensemble des missions robotiques actuelles et futures auxquelles on peut à présent ajouter une mission chinoise: probablement un orbiteur et un rover au sol en 2021. La mission se placerait dans la même chronologie que le rover 2020 US, frère de Curiosity. Les lancements auront lieu en juillet août 2020 pour une arrivée début 2021. (Doc. NASA/APM)
La maquette du « train martien » (orbiteur & capsule) la plus récente. Elle a été présentée dans un salon technologique à Shanghai en novembre 2015. (Doc. DR)
Maquette de rover martien chinois présentée au salon aérospatial de Zhuhai en 2014. (Doc. DR)