C’était la première fois que la section italienne de la Mars Society (« Mars Society Italia ») organisait un événement international et c’était aussi l’occasion pour elle de manifester publiquement son existence. On peut dire que cette opération a été vraiment réussie, tant au niveau de la qualité des présentations, que de la participation, non seulement des membres italiens mais également des membres étrangers venus des autres pays d’Europe. Près d’une dizaine de français avaient fait l’effort du voyage et ils ne l’ont pas regretté. Ce fut l’occasion de multiples contacts et échanges passionnants et, nous l’espérons, fructueux. La presse locale était présente et a donné une bonne couverture de la convention.
De gauche à droite:
Richard Heidmann, Antonio del Mastro, Juergen Herholz, Robert Zubrin, Bo Maxwell, Mateusz Josefowicz.
Robert Zubrin a ouvert et clos les débats. Plus encore que d’habitude, il s’est montré parfaitement maître de son sujet, passionné et convaincant. Dans son introduction, il a rappelé les principes de Mars Direct qui selon lui restent plus que jamais valables. Contrairement à la dérive de la NASA vers un projet de plus en plus complexe, lent et cher (DRA5), il maintient qu’il ne faudrait pas plus de 10 ans pour réaliser le projet de Mars Direct (exposé en 1996 dans The Case for Mars), insistant sur le fait qu’on peut aller sur Mars directement avec un seul lanceur lourd (sans rendez-vous en orbite basse terrestre, sans mise en parking en orbite autour de Mars de l’élément de retour sur la Terre), avec un ISRU complet pour les carburant et comburant de retour et avec une gravité artificielle créée par rotation du couple habitat / dernier étage du lanceur durant le voyage. Il insiste sur les dix ans (en fait deux « administrations » américaines) parce que, dit-il, tout programme sur une plus longue période n’engagerait plus personne et resterait donc simplement une intention ou un rêve. Il considère que pour rendre l’application de Mars Direct irréversible, deux administrations américaines suffiraient, le premier envoi de lanceur lourd sur Mars pouvant en fait se faire dans les 6 ans après avoir décidé sa construction.
Antonio del Mastro (Président de la Mars Society Italia, à gauche) et Robert Zubrin.
Dans sa conclusion, il évoque évidemment le problème crucial de choix que le président Obama doit exprimer. Il regrette profondément que la Commission Augustine n’ait pas su recommander la politique que, dans le fond, elle souhaitait (Mars First), pour des considérations hors sujet : refus d’assumer l’erreur de l’ISS, perfectionnisme dans la préparation, entretien d’une lourde administration et d’une industrie spatiale qui préfère évidemment davantage se concentrer sur le développement des moyens que sur les objectifs, considération excessive donnée aux problèmes de sécurité. Il souligne que les données de coût avancées par Aerospace Corp et base de la réflexion de la Commission, ont été grossièrement exagérés. Il termine son exposé en démontrant que c’est par la conquête spatiale, dont la première étape est Mars, que l’humanité pourra continuer sa croissance et préserver la liberté.
Nos amis Polonais étaient venus en force. Ils nous ont permis de connaître leur section qui jusqu’alors avait évolué sans contact avec les associations sœurs. Il s’avère que les Polonais sont très actifs dans une société très réceptive. Le milieu spatial est peu développé en Pologne et nos amis ont profité de cette situation pour valoriser leur intérêt et leur expertise. Trois actions sont à noter : la construction d’un rover, « Skarabeusz » ; un modèle mathématique (topologie) développé par Jan Kotlarz, capable de figurer des paysages martiens vus avec une inclinaison faible, à partir de données d’observations des satellites (quasiment verticales) ; les plans d’un village martien en structures gonflables qui devrait être réalisé prochainement près d’une grande ville polonaise. Le rendu imagé des travaux de Jan Kortlaz, utilisant les données de MRO passant au dessus d’une zone montagneuse, est absolument spectaculaire. On a la même impression que si on les survolait à bord d’un avion se déplaçant à basse altitude. On peut imaginer que cette technique soit largement utilisée par les grandes agences telles que la NASA ou l’ESA, ce qui serait excellent pour la réputation de la Mars Society. Le projet architectural, mené par un couple d’architectes (Janek et Joanna Kozicki) nous a paru extrêmement bien étudié même si le respect de certaines contraintes martiennes mériterait d’être mieux pris en compte. Cette équipe de la Mars Society apparaît très demandeuse de coopération avec les autres sections et nous allons rechercher des projets à réaliser en commun.
Juergen Herholz, parlant pour la section allemande, nous a fait part du demi succès du projet de ballon Archimedes. Lors de l’essai en haute atmosphère (terrestre !) « Miriam », une attache du ballon a interféré avec l’ouverture et a écourté l’expérience. On a quand même pu constater que le ballon s’était déployé. Maintenant, il faudrait refaire cet essai et trouver un transporteur spatial auquel se raccrocher car la société AMSAT, qui devait prendre le ballon à bord d’un de ses satellites, semble avoir abandonné son projet. Par ailleurs, Hannes Griebel, qui s’était particulièrement investi dans Archimedes, a terminé ses études et ne pourra pas continuer à s’occuper du projet avec autant de temps disponible. Enfin le support financier de l’Université des forces armées allemande s’est terminé avec le dernier essai programmé (Miriam)… Si vous avez un million de dollars, faites le nous savoir.
Les français se sont exprimés au travers d’exposés présentant des projets futuristes qui, bien étudiés, ont recueilli beaucoup d’intérêt.
Richard Heidmann à présenté le projet de colonie martienne à l’horizon 2100 partant sur l’hypothèse d’une population de 2000 habitants (étudié pour l’association « Perspectives 2100 » et qui peut être consulté dans l’espace adhérents de notre site web). Tous les besoins d’une telle colonie sont calculés d’une manière logique et cela met en évidence aussi bien la possibilité d’autonomie d’une telle population que la richesse de la planète Mars, qui permet effectivement de concevoir un tel établissement (ce qui serait impossible sur la Lune). Elle réconforte sur sa faisabilité sans négliger de poser les problèmes qui évidemment subsistent (et qui représentent en fait de passionnants sujets d’études).
Un groupe de jeunes diplômés de l’IPSA, David Artus, Magali Boulard, François Thévenin et Sylvain Thénard, ont présenté leur étude sur la terraformation. Un peu dans le même esprit que la présentation de Richard Heidmann, il s’agissait de rendre un projet futuriste plus concret en le chiffrant autant que possible : en l’occurrence quelle quantité de gaz à effet de serre et quelle quantité d’énergie faut-il envisager, quelle est l’ampleur des moyens industriels requis. L’exercice était évidemment difficile mais il peut s’avérer utile en servant de base à de nombreuses réflexions et approfondissements. Ce fut aussi l’exemple d’un bon travail d’équipe et d’une belle présentation de groupe.
Magali Boulard, Sylvain Thénard, David Artus et François Thévenin
Les présentations de nos amis italiens étaient évidemment les plus nombreuses. Il faut d’abord rendre hommage à l’organisateur l’Ingeniere Antonio del Mastro, Président de Mars Society Italia et à son assistante, la Dottoressa Claudia Moreschi, qui avaient remarquablement monté l’ensemble de la conférence (et qui a présenté sa traduction de The Case for Mars en Italien).
Parmi les présentateurs, les plus séduisants pour les « Martiens » furent Giovanni Bignami, Giancarlo Genta et Giorgio Biancardi.
Giovanni Bignami, physicien renommé qui fut en 2007 et 2008 président de l’Agence Spatiale Italienne, fit un plaidoyer sans réserve pour l’exploration de Mars par vols habités et très nettement hostile à la Lune. C’était étonnant d’entendre quelqu’un ayant exercé de si hautes fonctions, exprimer un soutien si inconditionnel à notre projet. Seul bémol, l’importance donnée au moteur atomique, mais le Professeur Bignami ne fait pas de sa mise au point un préalable.
Giancarlo Genta est professeur à l’Ecole Polytechnique de Turin et grand spécialiste des roues. Il nous a donné une explication étonnante, car contre-intuitive, du fonctionnement des roues (déplacement sur une surface plate, virage par différentiel de vitesse de rotation et glissements). Nous avons aimé sa personnalité extrêmement vive et intelligente qui a beaucoup animé les « questions-réponses » suivant les diverses présentations.
Le Dr Giorgio Bianciardi de l’Université de Sienne, spécialiste des fractales en biologie, nous a fait une présentation très intéressante sur la base d’une nouvelle analyse des données recueillies par Viking lors de son étude du sol martien. Il voit, dans les séquences des réactions chimiques effectuées dans le petit laboratoire de ce premier lander, la marque d’un phénomène biologique (ou pré-biologique). Il n’a pas voulu dévoiler ses conclusions car il les réserve à la publication scientifique qu’il doit faire très bientôt avec l’équipe qui a travaillé avec lui. On va avoir des surprises !
En conclusion, EMC9 fut un très bon congrès martien qui a aussi été l’occasion de constater que notre organisation était bien vivante internationalement et que la qualité de ses membres était de très bon niveau. La prochaine réunion, EMC10, aura lieu en Pologne.
Pierre Brisson