« Headline News » de la NASA du 24 février 2010
Auteur: Dauna Coulter ; rédaction : Dr Tony Phillips ; credit : Science@NASA
Traduction et commentaire: Pierre Brisson
Durant ces dernières six années, le rover martien Spirit, avec ténacité, a extrait des secrets de la redoutable surface de Mars en l’essuyant, en la grattant, en la pressant. Maintenant, immobilisé avec du sable jusqu’à hauteur du ventre, il a lutté pour incliner ses panneaux solaires vers le soleil afin de recevoir juste assez d’énergie pour survivre au terrible hiver martien. Si Spirit peut arriver au printemps, le hardi robot prouvera qu’il est toujours dans la course, en résolvant les mystères du noyau de la planète Mars.
Vue prise par Spirit lui-même, montrant sa fâcheuse situation. Le rover est maintenant parqué pour l’hiver. Credit: NASA/JPL-Caltech
Dévoiler ces secrets nécessitera la rouerie d’un explorateur confirmé. Comme un vieux joueur de baseball astucieux qui donne des effets à ses balles, le vieux Spirit a plus d’un tour dans son sac. Il jouera son prochain coup sans même bouger un seul de ses muscles mécaniques.
« Dans ce cas, c’est une bonne chose que Spirit soit immobile » dit Steve Squyres, directeur de recherche de la mission. « Nous pouvons suivre son signal radio pour déterminer son mouvement dans l’espace ».
Mars est en rotation autour de son propre axe tout en parcourant une orbite autour du soleil. Le rover étant immobile, les seuls mouvements de l’émetteur du signal radio seront ceux de la planète. Comme les scientifiques connaissent déjà les caractéristiques de l’orbite de Mars, ils pourront utiliser les signaux de Spirit pour se concentrer exclusivement sur la manière dont la planète tourne autour de son axe.
« L’axe de rotation de Mars oscille lentement en subissant un mouvement de précession en même temps qu’elle tourne », dit Bruce Banerdt du JPL de la NASA. « Nous mesurerons cette oscillation en examinant l’effet Doppler qu’elle produit sur le signal radio provenant de Spirit.
Mars effectue une oscillation complète en 170.000 ans. Nous mesurerons donc un mouvement extrêmement petit, en observant des changements minuscules mais ces toutes petites différences donneront des informations à propos du noyau.
D’abord elles aideront les scientifiques à savoir si le noyau est solide ou liquide. Il y a des indices pour nous dire qu’il y a très longtemps, il était fondu. Un noyau fondu est un fluide qui se déplace et conduit l’électricité de telle sorte qu’il créé un puissant champ magnétique. Les chercheurs en voient les vestiges aujourd’hui mais ne savent pas si le noyau reste encore en partie fluide.
Les données de MGS (Mars Global Surveyor, orbiteur de la NASA) suggèrent que le noyau de la planète Mars pourrait encore être partiellement liquide. Mais cela fait l’objet de controverses. Image: NASA/JPL-Caltech
Selon Squyres, « selon que le noyau soit complètement solide ou qu’il soit liquide, la nature de l’oscillation sera légèrement différente ». Faites tourner un œuf dur puis faites tourner un œuf cru, vous verrez une différence nette dans la façon dont ils tournent.
Les signaux radios de Spirit révèleront également la vitesse précise d’oscillation. Cela permettra aux chercheurs de calculer le moment d’inertie (« MOI ») de la planète.
Le moment d’inertie d’un objet en rotation, dans le cas présent une planète, est une grandeur qui exprime combien il est facile, ou difficile, de modifier son mouvement. Selon Banerdt, « le MOI affecte la vitesse à laquelle l’axe de Mars oscille, de telle sorte que l’oscillation nous dit indirectement quel est son MOI ».
On ajoutera le MOI à ce qu’on sait déjà sur Mars, sa taille et sa masse. « En combinant ces trois données avec ce qu’on sait du comportement du fer et des roches à l’intérieur d’une planète, on pourra mettre des limites à la taille et à la densité du noyau martien et la densité nous dira quels éléments doivent être mélangés au fer pour constituer le noyau ».
« Cette recherche a des implications qui ont des conséquences sur toutes sortes de questions fondamentales que l’on se pose sur la formation du système solaire et de ses planètes. Je dois tirer mon chapeau bien bas devant Spirit. Il continue à nous produire des tours toujours nouveaux ».
Mais d’abord le rover doit survivre au long et dur hiver martien. Le grand joueur de baseball, Roger Hornsby résumait ainsi la situation : « les gens me demandent ce que je fais en hiver quand il n’y a pas de baseball. Je vais vous dire ce que je fais : je regarde par la fenêtre et j’attends le printemps ».
Disons que c’est le printemps martien.
Commentaire :
Ce genre d’information, à un moment où les perspectives de la continuation des vols habités au-delà de l’orbite basse terrestre, sont rendues moins claires, ravive l’intérêt pour l’exploration martienne.
Spirit, cette machine extraordinaire est d’une résilience stupéfiante et les scientifiques qui la commandent font preuve d’une créativité remarquable que l’adversité ne parvient pas à décourager.
Après nous avoir montré à l’occasion des tentatives de désensablement que les sulfates affleuraient presque dans cette région où l’eau, à première vue, semblait ne pas avoir joué de rôle majeur, voilà une autre utilisation du rover pour laquelle on aurait pu créer une mission spécifique depuis la Terre. En effet, la constitution du noyau est un élément essentiel de la compréhension de Mars. La connaissance de son volume, de sa densité et donc de sa composition, nous permettra de comprendre ce qu’il en était dans le passé et comment Mars s’est formée en comparaison avec la Terre.
De par cette nouvelle étude, Mars méritera bien, encore une fois, le qualificatif de « pierre de Rosette » que Robert Zubrin lui a plusieurs fois attribué.
Pierre Brisson