Note de Keith Henry, NASA Langley Center,
Titre de la note:
Camper sur la Lune sera une expérience qui sortira vraiment de l’ordinaire.
Traduction et commentaires de Pierre Brisson
S’il y avait sur Terre une montagne si haute que son sommet troue la couche extérieure de l’atmosphère, les alpinistes assez doués et robustes pour atteindre ce sommet pourraient se rendre compte de ce que cela représente de camper sur la Lune. Pour ces alpinistes, tout serait calme. Il n'y aurait aucun vent ou mauvais temps à surmonter. Mais, sans préparation longue et soigneuse, ils n'auraient pas d’air à respirer, pas de nourriture, pas d’eau et pas de protection contre les radiations solaires. Tout autour d'eux, il n’y aurait que de la roche et peut-être, avec de la chance, un peu de glace dans les crevasses qui n'auraient jamais vu le soleil. Imaginez maintenant qu'au lieu d'atteindre le sommet et de se réjouir d’y être arrivés et de contempler la vue pour un ou deux jours avant de retourner dans la plaine, la mission serait d’escalader ces kilomètres impitoyables jusqu'au sommet et d’y créer un camp de base pour y vivre continûment des mois entiers.
C'est l'énorme défi auquel sont confrontés la NASA et ses futurs associés d'exploration, maintenant que l'agence a annoncé son intention de construire un avant-poste sur la surface de la Lune, un camp de base qui sera actif quand il y aura des visites, mais qui pourra être abandonné, sans problème, pendant de longues périodes.Avec un tel avant-poste, la NASA pourra apprendre à employer les ressources naturelles de la Lune pour limiter les importations terrestres, préparer le voyage sur Mars, conduire toutes sortes de recherche scientifiques et encourager la coopération internationale.La première mission pourrait commencer vers 2020.Il est actuellement prévu « d’y aller » progressivement avec, pour commencer, des équipages de quatre personnes faisant plusieurs visites de sept jours jusqu'à ce que leurs approvisionnement en énergie, leurs rovers et leur habitat soient opérationnels. La durée des missions seraient alors portée à deux semaines, puis à deux mois et finalement à 180 jours. Pendant la première décennie de vie sur la Lune, les voyageurs de l'espace apprendront les techniques et les qualifications requises pour, en fin de compte, aller sur Mars.
Les premières actions pour que l’avant-poste lunaire deviennent réalité sont menées actuellement. Elles consistent, pour les personnes chargées des projets, à intensifier leurs efforts pour déterminer ce qui est nécessaire pour que des humains puissent vivre et travailler en sécurité sur la surface lunaire.
Une équipe d'experts provenant de la NASA et de son environnement : le Langley Research Center, le Johnson Space Center et ILC Dover LP, étudie les structures gonflables comme modules possibles de la base lunaire.
Image (1) :
L’habitat planétaire et son sas ont été fournis à la NASA (Centre de recherche de Langley, Virginie) pour l’évaluation au sol de technologies nouvelles telles que la surveillance d’état des structures flexibles.
Crédit : NASA / Jeff Caplan.
Selon Chris Moore, l’un des dirigeants du Programme de développement des technologies d'exploration de la NASA, « Les structures gonflables pourraient être employées comme jonctions ou tunnels entre les différentes parties habitées de la base et, couvertes de régolite, pourraient permettre de se protéger des radiations ».
Pour commencer, ILC Dover a fourni à Langley une structure gonflable en tissu multicouche de 3,65 mètres de diamètre, pour l'évaluation au sol de technologies nouvelles telles que les systèmes de surveillance d’état des structures flexibles, les matériaux qui s’auto réparent et les matériaux protecteurs de rayonnement. Attachée à l’élément principal du prototype de structure gonflable, il y en a une autre, plus petite, qui sert de sas. Toutes les deux sont des cylindres pressurisés, reliés par une porte hermétique.
Image (2) :
Les tests de structure vont aider les chercheurs à déterminer les meilleures conceptions et matériaux pour réaliser les habitats lunaires gonflables y compris les tunnels devant relier les quartiers d’habitation et l’accès à la surface lunaire.
Crédit : NASA / Jeff Caplan.
L’ensemble, dénommé « habitat de surface planétaire avec sas » peut également être utilisé pour évaluer des matériaux, des technologies de structures ultra légères, des interfaces pour astronautes, des techniques de lutte contre la poussière, et toutes interactions avec la robotique et autres équipements extérieurs lunaires.
Selon Dave Cadogan, directeur de recherches et développement à ILC (Dover) : « Les structures gonflables sont très robustes et adaptables. Ce prototype montrera les possibilités de telles structures lors de futures démonstrations aux centres Langley et Johnson, ».
Dans la phase suivante, l'équipe fera une étude architecturale comparative entre des structures gonflables et rigides conçues pour être des habitats.
Selon Karen Whitley, chef du projet des structures gonflables de Langley, « ce travail de mise au point et de fabrication de modèles à échelle réduite pour réalisation de test précis nous permettra de porter à maturité la technologie du gonflable ».
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Le chef de projet des structures gonflables, Karen Whitley se tient au centre de l’habitat lunaire gonflable de 3,65 mètres de diamètre. Photo prise au Centre de recherche Langley.
Crédit : NASA / Jeff Caplan.
Parallèlement, une équipe gouvernement / industrie – suscitée par une proposition de Larry Toups, architecte de l'espace de la NASA JPL- travaillera avec la National Science Foundation pour réaliser une structure gonflable qui sera installée pour démonstration en Antarctique. Bien que ce continent ne soit pas tout à fait la Lune (ou le sommet d'une montagne imaginaire), son environnement hostile fournira un « analogue » acceptable et utile.
Une fois gonflée, la structure servira probablement d’entrepôt à sec et on pourra voir comment elle se comporte. Le travail doit commencer prochainement. ILC Dover est chargé de la fabrication de la structure et les centres Langley et Johnson contribueront seulement pour partie à la main-d'oeuvre. L’objectif est de transporter la structure en Antarctique en 2008, à temps pour que la NASA approfondisse sa connaissance des structures gonflables avant de devoir décider, entre technologies concurrentes, sur ce qu’il convient de choisir pour l’habitat de la première base lunaire.
Que les habitats lunaires soient des structures gonflables ou autres, les travaux actuels sur les conditions de vie et de travail en milieux extrêmes déboucheront très probablement sur des applications, encore non imaginées, utilisables pour la vie de tous les jours ici sur Terre.
Commentaires :
L’étude des structures gonflables est une étape très importante pour l’installation de l’homme sur une autre planète. Acceptons, en passant, que ces équipements soient testés sur la Lune, sans oublier l’objectif final.
Les qualités de telles structures sont évidentes : un maximum de volume sur place pour un minimum de volume et aussi de poids pendant le transport. Deux architectes membres de notre association, Pierre Brulhet et Olivier Walter, en sont, depuis plusieurs années, des partisans convaincus. Ils ont déjà beaucoup travaillé sur le sujet. Espérons que dans ce domaine comme dans d’autres nous puissions accompagner utilement les travaux de la NASA et faire avancer plus vite, même avec nos modestes moyens, comme la Mars Society l’a déjà fait, l’adaptation de ces prototypes à leur objet.
Pierre Brisson