La NASA, représentée par Ed Weiler, son administrateur adjoint en charge de la science, et l’ESA, représentée par David Southwood, son directeur des programmes scientifiques, ont finalisé le 3 décembre un partenariat stratégique pour les futures missions robotiques d’exploration de Mars. Les discussions avaient débuté en juillet et l’annonce de leur conclusion positive a été faite en même temps que la mission MSL de la NASA était reportée à 2011.
L’accord a pour objet premier de partager les coûts en partant du principe que les données recueillies profiteront à l’ensemble de la communauté scientifique des pays participants.
La première application en sera la mission ExoMars de l’ESA qui doit être lancée en 2016 (après avoir été programmée pour 2013). Les membres de l’ESA se sont d’ores et déjà engagés à y consacrer 850 millions d’euros (environ 1,1 milliards de $) mais le budget de la mission est supérieur à 1,2 milliards d’euros. Obtenir la différence de financement est essentiel pour embarquer le supplément d’équipement scientifique (notamment celui prévu pour la recherche géologique) et les équipements nécessaires à un forage plus profond (de 100 cm à 200 cm).
La deuxième application sera le programme de retour d’échantillons, « MSR » (pour « Mars Sample Return »). Le partenariat NASA / ESA permettra de mettre en commun les ressources indispensables pour répondre aux énormes défis posés par la mission. Il s’agira non seulement d’atterrir mais aussi de collecter les échantillons de telle sorte qu’ils soient utilisables après leur retour sur Terre, de faire repartir le MAV (« Mars Ascent Vehicle ») de la planète et de le reconnecter à l’orbiteur en attente autour de Mars. Selon Ed Weiler, cet effort commun (aussi bien scientifique que financier) est indiscutablement une condition nécessaire à la faisabilité du projet.
Il y a eu dans le passé des exemples de coopération dans le domaine de l’exploration martienne : les radars embarqués sur Mars Express (ESA) et sur MRO (NASA) ou bien l’utilisation de Mars Express comme relais de communication pour Phoenix (NASA). Mais cette fois-ci, la coopération est actée comme une volonté de travailler ensemble sur le long terme. Cela a été souligné par Jean-Jacques Dordain, le directeur général de l’ESA.
Comme mentionné ci-dessus, les avantages qui résulteront du partenariat sont indéniables. Il faut noter d’ailleurs que l’Association Planète Mars recommandait, dans son bulletin spécial publié avant la réunion ministérielle européenne de novembre 2008, d’éviter autant que possible la redondance entre les investissements de l’ESA et ceux de la NASA.
Il faut cependant espérer que la réalisation conjointe d’une mission ne soit pas un prétexte pour que chaque partie profite des apports de l’autre pour réduire ses dépenses de telle sorte que la mission soit juste faisable avec moins d’équipements embarqués que si chacune avait lancé la mission séparément. Une autre conséquence négative serait que chacune des deux parties insiste pour embarquer ses expériences et ses équipements (en refusant de se restreindre au bénéfice de l’autre) sans suffisamment se soucier de l’alourdissement de la masse globale du vaisseau spatial, ce qui pourrait finir par nuire à la faisabilité de l’ensemble (et au délai pour la réaliser). Il faut enfin espérer que les préoccupations traditionnelles de sécurité des Américains (règles ITAR) ne viennent pas gêner cette coopération. On a vu qu’elles pouvaient être incroyablement tatillonnes et les obstacles qu’elles peuvent créer ne sont pas à sous-estimer.
Pierre Brisson.