Communiqué de Presse de la NASA n°2008-220 du 20 Novembre 2008.
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Dwayne Brown 202-358-1726
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Traduction et commentaire de Pierre Brisson
Le satellite MRO (Mars Reconnaissance Orbiter) de la NASA a révélé de vastes étendues de glace d’eau sous des couches protectrices de débris rocheux à des latitudes beaucoup plus basses qu’on en avait précédemment identifiées. Les scientifiques ont analysé les données du radar embarqué sur le satellite dont les ondes émises pénètrent le sol et ils rapportent dans le numéro du 21 novembre 2008 de la revue Science que des glaciers enfouis s’étendent sur des vingtaines de km au pied de montagnes ou de falaises. Une couche de débris rocheux recouvrant la glace pourrait avoir protégé ces glaciers souterrains qui seraient les restes d’un bouclier de glace qui aurait couvert les latitudes moyennes de la planète durant un âge glaciaire ancien. Cette découverte est à comparer à celle des glaciers importants qui ont été trouvés en Antarctique sous des protections rocheuses.
Selon John W. Holt de l’Université du Texas à Austin, qui est le principal rédacteur du rapport, « ces glaciers représentent tous ensemble, très probablement, le plus grand réservoir de glace d’eau sur la planète en-dehors des calottes polaires. Un des glaciers examinés est trois fois plus grand que la ville de Los Angeles ; il a jusqu’à 800 mètres d’épaisseur et il y en a beaucoup d’autres ! En plus de leur intérêt scientifique, ces glaciers pourraient être une source d’eau facilitant la future exploration de Mars. »
Ce qu’on appelle les « tabliers », terrains en pente douce contenant des débris rocheux autour de reliefs plus marqués, intriguaient les scientifiques depuis que les satellites Viking de la NASA les avait observés à la surface de Mars pour la première fois dans les années 1970. Selon la théorie dominante les tabliers étaient des flux de débris rocheux lubrifiés par une faible quantité de glace. Aujourd’hui, grâce au radar à pénétration superficielle de MRO, nous avons obtenu une réponse à cette énigme martienne.
Comme le dit Ali Safaeinili, membre de l’équipe du radar à pénétration superficielle du JPL (Pasadena, Californie), « ces résultats nous signalent clairement la présence de grandes quantités de glace d’eau à ces latitudes ».
Les échos radars reçus par le vaisseau spatial montrent que les ondes radio traversent le tablier et sont réfléchies par une surface plus profonde, en dessous, sans perte significative de puissance. C’est ce à quoi on peut s’attendre si le tablier est constitué de glace épaisse sous une couverture de matériaux relativement fine. Le radar ne détecte pas de réflexions de l’intérieur de ces dépôts, comme ce serait le cas s’ils contenaient des débris rocheux significatifs. La vitesse apparente des ondes radio passant au travers du tablier est compatible avec la composition de la glace d’eau. Les scientifiques ont mis au point le radar à pénétration superficielle pour permettre au satellite d’examiner ces traits géographiques aux latitudes moyennes et les dépôts stratifiés des pôles martiens. C’est l’agence spatiale italienne qui a fourni les équipements.
Selon Roberto Seu, chef de l’équipe scientifique en charge de l’instrument à l’université de La Sapienza à Rome, « la priorité est maintenant l’observation d’autres exemples de ces tabliers pour déterminer qu’ils sont bien également composés de glace ».
Holt et les quinze co-auteurs du rapport précité précisent que les glaciers enfouis se trouvent dans la région du bassin d’Hellas, dans l’hémisphère Sud. Le radar a aussi repéré des tabliers d’apparence semblable au pied de falaises de l’hémisphère Nord. Le géologue Jeffrey J. Plaut, qui publiera les résultats sur l’étude de ces derniers dans les « Geophysical Research Letters » de l’Union Géophysique Américaine, dit qu’« il y a un volume de glace d’eau encore plus important dans les dépôts du Nord. Le fait que ces traits de relief se trouvent dans les mêmes bandes de latitude, entre 35 et 60 degrés dans les deux hémisphères, indique que l’explication pour leur présence dans cette zone doit se trouver dans un mécanisme climatique ».
La couche de débris rocheux recouvrant les glaciers a apparemment empêché la glace de se sublimer, ce qui serait arrivé si elle avait été exposée à l’atmosphère à ces latitudes. Selon James W. Head de l’Université Brown, à Providence dans l’Etat de Rhode Island, « une question clef est de savoir comment la glace est arrivée là. L’inclinaison de l’axe de rotation de Mars est parfois beaucoup plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui. Des modélisations du climat nous disent que, pendant ces périodes, les régions de latitudes moyennes de la planète peuvent être recouvertes de glace. Les glaciers enfouis peuvent très bien être les vestiges d’un passé glaciaire d’il y a des millions d’années. Sur Terre, des glaciers enfouis de ce type en Antarctique préservent la présence de traces d’organismes anciens et l’histoire du climat ».
Commentaire :
Cette nouvelle confirme le grand intérêt de Mars pour le développement de la recherche et pour la continuation de l’aventure humaine. Quand on compare les avantages que présente Mars (gravité plus forte, atmosphère, eau, roches sédimentaires, protection naturelle plus forte contre les radiations, rythme circadien proche de celui de la Terre), on se demande vraiment ce qui peut encore faire préférer l’établissement d’une base permanente sur la Lune à une exploration déterminée de Mars.La proximité de notre satellite ne représente bien, comme le dit Robert Zubrin, qu’une « sirène » risquant de nous détourner d’un but vraiment passionnant. Nous avons raison quand nous insistons pour que la phase lunaire de l’exploration spatiale soit la plus courte possible. Persistons et restons impatients pour Mars !