Au cours du second semestre 2014, nous nous sommes livrés à l’exercice périlleux d’une étude de « Mars Colonization Transport » (MCT) répondant aux quelques rares indications données par SpaceX sur ses intentions (étude publiée sur le site public d’APM, www.planete-mars.com). Le point déterminant des données était la définition du lanceur alors apparemment envisagé, un super Falcon Heavy de trois modules récupérables de 10 m de diamètre équipés de 9 moteurs Raptor de 450 tonnes de poussée unitaire et capable (nous l’avons vérifié) de placer 300 tonnes en orbite basse terrestre (LEO). Ce niveau de performance permet d’expédier environ 100 tonnes vers Mars et, en fin de compte, si l’on entend que le vaisseau soit une navette aller-retour entièrement récupérable, de déposer sur le sol martien une charge utile de moins de 20 tonnes.
Ces résultats conduisaient à conclure à une incohérence par rapport à l’objectif assigné par Elon Musk, à savoir une charge utile de 100 tonnes. Mais le lanceur annoncé paraissait d’une taille déjà tellement audacieuse que l’on pouvait se demander si l’ambition du projet ne serait pas, par la force des choses, revue à la baisse.
Les déclarations d’Elon Musk du début de cette année 2015 montrent que ce n’est pas le cas, du moins à l’heure actuelle :
- la spécification d’une charge utile sur Mars de 100 tonnes est confirmée ;
- conjointement, la conception du lanceur est totalement reconsidérée :
- la poussée du Raptor serait abaissé aux environs de 250-270 tonnes, niveau jugé optimal en termes de rapport poussée sur masse, un critère essentiel pour des étages récupérables ;
- une formule de lanceur mono corps (étages en ligne) serait finalement préférée au tri corps style Falcon Heavy, étant admis que cela conduit à un premier étage de taille encore supérieure, doté d’un nombre impressionnant de moteurs.
Tout en restant conscients des limites de l’exercice, nous nous sommes interrogés sur les conséquences de ces nouvelles indications, essayant de concrétiser le concept auquel cela pourrait conduire. Ce à quoi on aboutit atteint des proportions difficiles à consindérer, au point qu’on peut se demander si d’autres innovations ne devraient pas être introduites pour rendre le projet plus réaliste.
Sommaire
1. Conception d’un MCT lanceur mono corps
1.1. La navette
1.2. Le lanceur mono corps
2. Conception d’un MCT lanceur multi corps
2.1. La navette
2.1.1. Version à retour classique
2.1.2. Version à retour «immédiat»
2.2. Le lanceur multi corps
Conclusion
Très intéressant!. Selon de dernières déclarations, un ravitaillement en LEO serait prévu avant la TMI. Vous pourriez aussi l’intégrer à votre étude? Il n’est peut-être pas utile d’envisager la « navette » comme lieu principal de vie pendant le transit mais simplement comme un « lander », pour déposer passagers et fret? Cela réduirait sa masse. L’étage de transit ou Space HAB pourrait être constitué par le réemploi d’un étage de la BFR, à l’image de Skylab et son volume impressionnant ou bien un module gonflable Bigelow? Autre question, si SpaceX peut ramener à l’avenir sur Terre, un deuxième étage de Falcon avec PT et rétropropulsion, alors il sera aussi possible de le faire sur Mars non? En tout cas cela est passionnant, merci.
Merci pour votre apport à la réflexion. C’est utile car pour l’instant j’aboutis à une conclusion mitigée, le projet n’est pas totalement satisfaisant. En particulier, immobiliser le vaisseau 18 mois sur Mars ne me paraît pas vraiment raisonnable. Mais un retour immédiat est doublement pénalisant : le DV est accru de près de 2 km/s et la rentrée sur Terre se produit vers 14 km/s au lieu de 11 (l’idéal serait donc de fournir encore un DV de freinage de 3 km/s). Dans ces conditions, toute solution permettant cette augmentation de perfo – sans complication opérationnelle trop défiabilisante ou coûteuse – serait à envisager . A nos neurones !
Concernant la descente des passagers dans un plus petit vaisseau spécial, je ne suis pas sûr qu’on y gagne car on recherche à tout prix à abaisser le coefficient balistique, donc cet bulle quasiment vide de 1600 m3 que constitue l’hab de transit est bienvenu en EDL.
Si le Mars Colonial Transporter n’ assurait que des liaisons orbite terrestre – orbite martienne on pourrait imaginer le coupler avec un « taxi Dragon v3 » capable d’ effectuer des liaisons orbite-sol-orbite martienne.
En tous les cas MCT est un projet vraiment passionnant, merci de continuer à nous informer de son avancement.
c’est effectivement envisageable. Mais ce n’est pas apparemment la voie choisie par SpaceX qui semble vouloir faire atterrir « the whole thing ».
Effectivement, de prime abord, ils ne pourront pas gagner sur tout les tableaux. 1 seule fusée gigantesque, 1 seul vaisseau (habitat-lander Terre/Mars), objectif idéal de 100 tonnes de CU au sol, poser sur Mars « the entire thing », retour rapide avec trajectoire d’opposition, création d’une ligne régulière Terre!/Mars etc… Leur réponse en fin d’année sera surement déroutante. Musk a affirmé qu’il ne font pas de révolution mais bien de l’évolution. Je pense, mais ce n’est qu’un ressenti personnel, qu’ils exploitent des idées restées longtemps dans les cartons. Regardons peut-être du coté des idées écartées par les agences spatiales d’il y a quelques décennies? L’atelier humide par exemple afin de gagner en DV? SpaceX ne semble pas avoir d’inhibitions et c’est très stimulant.
Bravo pour cette analyse !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Mais quelque petits truc à redire. Déjà 600/700t de charge utile en orbite basse n’est pas énorme. La Nasa en effet prévoyait pour l’après Apollo, plusieurs lanceurs (Sea Dragon/Nexus/Rombus) TSTO/SSTO entièrement réutilisable capable de 1000t de charge utile en LEO. Il y avait même le projet ORION qui prévoyait jusqu’à 8 millions de tonnes en LEO.
Ensuite utiliser des dépôts de carburant en LEO/point de Lagrange L1 et/ou L2/LMO + plus production ISRU de carburant à la surface de Mars serait nettement plus efficace.
En assumant que le MCT est le second étage du BFR avec une capacité à atterrir sur Terre pour être réutilisable, et avec des dépôts de carburant en LEO/points de Lagrange/LMO + ISRU à la surface de Mars + aérocapture, le DV maximale entre 2 ravitaillement est de 4.1km/s (pour décoller de Mars et se mettre en orbite) ce qui est inférieur au DV d’un second étage de fusée. Donc avec cette stratégie, le MCT peut amener autant de charge utile sur la surface de Mars que en LEO. Et en plus l’atterrissage sur Mars peut se faire entièrement en rétropropulsion sans besoin de système de freinage aérodynamique.
Les dépôts de carburant serait d’abord ravitailler depuis la Terre mais ensuite pourrait être ravitailler depuis la Lune/Mars et les astéroïdes.
Concernant la charge utile en LEO et donc à la surface de Mars du BFR et donc du MCT, 1000t me parait un bon objectif car Elon Musk parlait de 100 astronaute amener à la surface de Mars par vol et donc avec 10t de matériel par astronaute cela fait 1000t et enfin ça serait aussi bien que les projets post-Apollo de la Nasa ce qui est un minimum au vu des ambitions de Elon Musk.