3.4. Aménagement et dimensionnement de la navette
Sur la base des ΔV à assurer et des charges utiles considérées, on a calculé (ou estimé pour les masses inertes) les différents éléments de dimensionnement du véhicule et de son lanceur. Les données de base sont pour la plupart celles établies dans les phases précédentes de l’étude.
Nous avons fait le choix d’une trajectoire aller économique (Hohmann) plutôt que de la trajectoire de libre retour. Comme déjà indiqué dans le rapport de phase 2, il nous paraît justifié pour cette analyse de faisabilité de ne pas durcir les hypothèses en raccourcissant la durée de trajet. Par ailleurs, s’agissant d’un scénario de transport « de masse », on peut supposer que l’aménagement intérieur permettra d’offrir une habitabilité satisfaisante, ce qui suppose non seulement du volume mais également des possibilités d’agencement créatives et modulables ainsi que la présence d’animateurs sociaux chargés de dissiper l’ennui et de traiter les tensions. Enfin, les masses importantes du vaisseau, de sa cargaison et de ses réserves de consommables devraient permettre, moyennant une optimisation de leur répartition, de limiter la dose de radiations ionisantes reçue au cours du transfert à un niveau cohérent avec celui qu’un séjour planétaire induira en tout état de cause. S’il s’avérait que ces dispositions techniques, associées aux dispositions biologiques à attendre, en particulier en matière de stimulation de notre système de défense cellulaire (à la richesse encore peu défrichée), ne se concrétisaient pas, l’aventure de la colonisation serait de toute façon impossible, du moins à l’échelle ici envisagée.
Les conditions de retour ont déjà été discutées au § 2.
Le paramètre le plus important à déterminer est la capacité des réservoirs, qui doit permettre d’assurer la disponibilité des quantités d’ergols requises, à l’issue des compléments de plein effectués avec les ravitailleurs, à deux instants clés :
- en orbite de parking terrestre, pour l’injection en transfert Terre-Mars ; les réservoirs doivent alors contenir les masses nécessaires à l’ensemble des manœuvres de la phase aller : injection en transfert, corrections de trajectoire, ajustement de la mise en orbite martienne, désorbitation, freinage final, atterrissage ; avec une marge de 3%, notre dimensionnement conduit à un total de 515 T (lorsque Mars est visée à l’aphélie) à 500 T (Mars au périhélie) ;
- en orbite de parking martienne, pour l’injection en transfert Mars-Terre, les manœuvres successives étant : l’injection en transfert, les corrections de trajectoire, le freinage propulsif au périgée, l’atterrissage (non plané) ; le dimensionnement donne un total de 556 T
Deux choix fondamentaux d’architecture de mission influent directement sur la capacité réservoirs à prévoir pour atteindre ces quantités en orbite, à savoir :
- le principe d’un lancement double (y compris pour le retour, où il est inévitable pour un retour non différé, de type « opposition ») ;
- la volonté de simplifier l’architecture du lanceur et les conditions de sa réutilisabilité en confiant à la navette une fonction complémentaire de deuxième étage, chargé d’achever la mise en LEO (les raisons de ce choix sont exposées au § 5).
Dans ces conditions, avec des données de masse en grande partie issues de notre précédente étude, dont l’option lanceur mono corps considérait une navette de dimensions voisines, on aboutit à un besoin en capacité de 1100 tonnes, bien supérieure à celle de l’étude phase 2, sachant que celle-ci ne considérait qu’un retour « classique », facteur décisif (voir § 3.4). Autrement dit, nonobstant l’adoption du concept de retour avec ravitailleur, cette capacité impressionnante est requise pour permettre à la navette opérationnelle l’ensemble des manœuvres propulsives du transfert aller, puis celles du retour, incluant en particulier un freinage de 1,6 km/s à l’arrivée au périgée terrestre.
Ce volume est logeable dans le corps de la navette (diamètre de 12 m), sous forme de deux réservoirs cylindro-elliptiques à fond commun, de diamètre extérieur 11,5 m, incluant 0,15 m d’épaisseur de structure porteuse, paroi et protection thermique. Dans la configuration à moteurs ventraux retenue, cette dimension inférieure d’un demi-mètre au diamètre (extérieur) de la navette permet de libérer de l’espace en position ventrale pour les équipements et les organes de puisage. Avec un volume mort de 3%, on obtient les dimensions suivantes.
SHUTTLE TANKS | |
---|---|
ITEM | VALUE |
Masse Propergol | 1100000 |
Masse volumique Comburant | 1140 |
Masse volumique Carburant | 420 |
Masse volumique moyenne | 826 |
Rapport de mélange | 3,50 |
Volume mort | 0,03 |
Volume interne requis | 1376 |
Epaisseur Paroi+PT | 0,15 |
Diamètre externe | 11,5 |
Volume externe requis | 1377 |
Volume externe d’un dôme | 282 |
Volume externe cylindre | 814 |
Longueur Virole cylindrique | 7,8 |
Longueur Totale | 16,0 |
Dimensionnement des réservoirs navette (m et kg)
On vérifie également que l’espace passagers et son annexe (capsule de secours) peuvent trouver leur place dans les dimensions voisines de celles de l’étude phase 2. Le critère du minimum vital de 10 m3 / passager pourra être respecté.
Enfin, une soute cargo principale est prévue à l’arrière, sur une profondeur de 6 m, permettant d’embarquer des équipements encombrants (volume de 500 m3, permettant de loger 50 tonnes d’objets de densité de conditionnement de 100 kg/m3 seulement). Une fois la navette posée sur Mars, le carénage aérodynamique arrière s’ouvre en deux battants, permettant de décharger la soute dans les meilleures conditions, à l’aide d’une rampe déployable (et d’un palan). Cette ouverture réexpose les panneaux solaires utilisés pour fournir l’énergie électrique pendant le vol, constituant une source de puissance pour le séjour planétaire, certes de niveau moyen faible : de l’ordre de 6 kW si l’installation est dimensionnée pour fournir pendant le vol de 40 kW (au niveau de la Terre) à 20kW (au niveau de Mars). Mais ce niveau pourrait suffire, moyennant l’utilisation d’un pack de batteries de stockage (jour/nuit) fourni par le sol (par la colonie). En effet, le vaisseau sera la plupart du temps dans un état de demi-sommeil pendant son séjour.
On conserve l’idée d’aplatir légèrement la face ventrale du corps de façon à accroître l’efficacité du freinage aérodynamique. A l’inverse, le rayon de la partie dorsale du fuselage pourrait être conformé à celui des réservoirs (11,5 m). Il faudra aussi optimiser (en fonction des contraintes de pilotabilité du lanceur) un embryon de voilure, sous forme d’ailerons contribuant à la pilotabilité du véhicule en phases atmosphériques. La présence des moteurs autorise un atterrissage terrestre propulsif, et donc d’éviter la présence d’une véritable voilure, ce qui permet d’assurer une stabilité aérodynamique acceptable lors du lancement et procure surtout un gain très significatif en termes de bilan masse.
Le tableau ci-après fournit les valeurs des données et des masses principales calculées pour la navette (m et tonnes), dans le cas Mars au périhélie. Le dimensionnement est tel que la somme des deux quantités de propergol montées en orbites de parking terrestre et martienne corresponde au besoin pour l’aller et le retour.
L’aménagement général, emplacement et dimensions des constituants, est illustré par l’écorché qui suit.
ITEM | VALUE |
---|---|
DONNEES DIMENSIONNELLES | |
Diamètre | 12,0 |
Longueur | 41,0 |
DONNEES PROPULSIVES | |
Capacité Réservoirs (T) | 1100 |
Poussée (kN) (4 moteurs identiques au 1er étage, adaptés au vide) | 13730 |
g Isp, moteurs adaptés au vide (380 s) | 3730 |
ΔV aller Hohmann Mars périhélie | 3860 |
ΔV aller Hohmann Mars aphélie | 4180 |
ΔV Injection retour Opposition depuis Orbite Mars (à l’Aphélie) | 4000 |
ΔV manœuvres Orbite Mars | 150 |
ΔV freinage EDL & « hélico » | 600 |
ΔV manœuvres Retour Terre (y compris atterrissage non plané) | 800 |
ΔV Freinage final avant rentrée Terre | 1600 |
ΔV montée en Orbite de Parking Mars (dont pertes : 700 m/s) | 4200 |
DONNEES DE MASSE | |
Coefficient structural Réservoirs | 0,025 |
Charge Utile Aller | 90,0 |
Charge Utile Retour | 12,0 |
Moteurs | 11,0 |
Équipements | 12,0 |
Structures & Protection Thermique, Reprises de poussée | 48,0 |
Capsule Secours | 10,0 |
Réservoirs | 28,0 |
Masse Sèche (version navette opérationnelle) | 109,0 |
Réduction Masse Sèche du ravitailleur (vol automatique) | 20,0 |
MASSES PHASE RETOUR (T) | |
Coefficient de Marge Masses Propergol | 1,030 |
Coefficient pour pertes Propergol en ravitaillement | 0,950 |
Propergol manœuvres Retour Terre | 29,8 |
Masse à freiner avant entrée atmosphère Terre | 150,8 |
Propergol freinage final avant rentrée Terre | 80,8 |
Masse Injectée sur trajectoire Retour Opposition | 231,6 |
Propergol Injection Retour Opposition | 445,2 |
Masse Propergol requise sur Orbite de Parking avant Injection M-T | 555,8 |
MASSES PHASE ALLER (T) | |
Propergol EDL à l’arrivée du transfert T-M | 35,8 |
Masse en transfert Terre-Mars | 244,4 |
Masse en parking LEO (cas Hohmann, Mars à l’aphélie) | 708,6 |
Propergol Injection transfert Aller | 464,2 |
Propergol Phase Aller | 499,9 |
MASSES VOL RAVITAILLEUR (T) | |
Propergol pour EDL | 16,0 |
Propergol disponible pour ravitaillement | 280,6 |
MASSES VOL OPERATIONNEL (T) | |
Propergol monté en Orbite Mars par le vol opérationnel | 275,0 |
BILAN MASSE PROPERGOL POUR RETOUR | |
Propergol disponible en Orbite Mars pour Injection Retour | 555,6 |
Lorsqu’on vise d’arriver à destination alors que Mars est au voisinage de son aphélie, au lieu de son périhélie, la charge utile aller tombe de 90 à 73 tonnes.
L’accès au véhicule se fait au travers d’un sas situé sur le flanc gauche, le plus bas possible au-dessus de la zone chaude et le plus en avant possible pour limiter le dénivelé d’accès à la capsule lorsque le vaisseau se trouve sur le pas de tir (en position verticale). Le sas débouche dans le grand volume pressurisé de l’habitat par une passerelle.
L’utilisation des deux attitudes, verticale (au lancement) et horizontale (en mode planétaire) complique quelque peu les opérations :
- à l’embarquement, les passagers doivent se hisser depuis la passerelle du sas jusqu’à leur siège ; l’illustration ci-dessous montre l’usage d’une échelle, mais il est plus vraisemblable, pour des raisons de sécurité, qu’on aurait recours à un dispositif mécanique (genre monte-charge) qui serait désinstallé par l’équipe sol une fois l’embarquement terminé ;
- pour les opérations à la surface de Mars, la descente de la capsule serait aisée ; par contre les voyageurs auront dû mettre à profit leur trajet en apesanteur pour reconfigurer la passerelle d’accès au sas et l’axe d’ouverture de la porte du sas (rotation de 90°) ; l’absence de pesanteur facilitera la tâche ; la descente sur le sol se ferait a priori à l’aide d’une passerelle type aéronautique, procurée par la colonie, étant entendu qu’après la longue période d’apesanteur endurée, les conditions de ce débarquement doivent être le plus sécurisantes possible.
On retient l’hypothèse d’une navette de ravitaillement (terrestre et martien) parfaitement semblable à la navette interplanétaire en ce qui concerne la forme, les dimensions, la structure et la PT. Elle n’en diffère que par son équipement et par la suppression de la capsule de secours et de l’enceinte pressurisée. Ce ravitailleur serait lancé en mode automatique.
If you allow for 2 refueling trips, or refueling depo. Then the design could use a launcher with 19 Raptors and 240t to LEO payload. The shuttle only has 550t of fuel. Meaning that the tanks could be half as big. Or possibly make them from multiple toroid shaped taks. The center of the craft would then serve as an unpressurised acces to cargo bay. Toroid tanks would also allow to use round baffles to keep liquid pressurised while in microgravity.
Bonjour,
juste pour signaler à quel point, semble-t-il, le projet MCT et colonisation de Mars , serait d’une dimension jamais imaginée. Le 6 octobre 2015, Chris Bergin, l’administrateur du fameux site NasaSpaceflight.com, qui suit de près l’évolution des projets de SpaceX à tweeté que ce qu’il lui a été montré est la chose la plus excitante qu’il ait jamais vu. https://twitter.com/NASASpaceflight
Il semble que Chris Bergin a eu l’autorisation de voir le projet, qu’il décrit comme allant beaucoup plus loin que tout ce qui a pu être envisagé lors des nombreux fils de discussions. Bien au delà des espérences des uns et des autres. Chris Bergin s’est engagé à ne pas aller plus loin et confirme que la priorité de SpaceX actuellement est le retour en vol d’essai de F9. Donc révélation du programme plutôt l’année prochaine et ça vaudra le détour.
Il s’en explique sur son site. http://forum.nasaspaceflight.com/index.php?topic=38593.0
Bonjour, plutôt que d’envisager des moteurs ventraux traversant le bouclier ventral du MCT, pourquoi ne pas envisager des moteurs placer sur les flancs avec un angle de 15 degrés, à l’image du design de dragon V2? Il y a une légère perte de performance à cause de l’inclinaison, mais les benéfices sont intéressants non? De plus à l’atterissage et décollage de Mars, l’éloignement des moteurs par rapport au sol permet de minimiser les risques de projections de matières contre la coque du vaisseau. Autre point, un système de by pass des gazs éjectés, entre des tuyères orientées vers le bas et d’autres orientées vers l’arrière est-il techniquement envisageable?
oui, mais il faudrait voir la conséquence sur l’aérodynamique de rentrée(si les moteurs sont latéraux).<
non, on ne déviera pas le jet des tuyères, cela créerait des échauffements de structure considérables et des pertes de performance rédhibitoires.
Merci de votre réponse éclairante. Toujours dans l’idée de comprendre à quoi peut ressembler le système MCT, vous dites dans votre étude que la rétropropulsion est un point critique de la sécurité des passagers pour un retour sur Terre, la panne étant interdite faute de solution de rechange. Il y eut le programme avorté Venture Star de Lookheed Martin et le démonstrateur X-33. Ce corps portant permettait un retour plané et un roulé sur une piste. C’est peut-être ici la solution de rattrapage en cas de panne des moteurs? Au prix surement, d’autres contraintes notamment l’appariement avec le lanceur pour le décollage. J’ajouterais qu’un train roulant permettrait au véhicule une certaine mobilité sur Mars, pour facilité les opérations de transfert de carburant ou autre logistique. Mais le devis de masse s’envolerait surement.
Concernant les objectifs de Spacex sur la charge utile, 100mt, bien que cyclopéen, cet objectif est encore le plus facile à atteindre il me semble, face au défi de transporter et faire vivre, 100 personnes pendant 6 à 11 mois (et encore si tout ce passe bien et que l’EDL sur Mars est possible), dans un espace compté. Il est déjà difficile d’organiser la vie de 4 astronautes dans l’ISS, une structure de 400 tonnes, comment réussir un tel pari sans un vaisseau de type « Galactica ». E.Musk a déclaré récemment qu’à l’annonce du projet, au mois de septembre, les gens diront que « c’est completement fou ». Mais qu’est ce donc?!….