Par Robert Zubrin
Article paru dans « The New Atlantis » le 21 octobre 2016
(Traduction Pierre Brisson)
Le 29 Septembre 2016 au Mexique (Guadalajara), au cours d’une allocution prononcée lors du Congrès international d’astronautique (« IAC »), le fondateur et PDG de SpaceX, ElonMusk, a révélé spectaculairement les plans de son entreprise pour un système de transport interplanétaire (ITS pour Interplanetary Transport System). Selon Musk, l’ITS permettrait la colonisation de Mars par transport rapide sur place, d’un million de personnes, en groupes d’une centaine par vol, ainsi que des missions à grande échelle,d’exploration habitées d’autres corps célestes tels que la lune de Jupiter, Europe.
Je faisais partie des milliers de personnes dans la salle (et de ceux beaucoup plus nombreux qui assistaient en direct en ligne à la conférence) lorsque Musk a fait sa remarquable présentation, et j’ai été frappé par ses nombreuses, bonnes et puissantes idées. Cependant le plan de Musk relie certaines de ces bonnes idées d’une manière extrêmement sous-optimale, ce qui rend le système proposé impraticable. Pourtant, avec quelques corrections, un système utilisant les concepts de base énoncés par Musk pourrait être attrayant – non seulement comme concept imaginatif pour la colonisation de Mars, mais aussi comme moyen de relever le défi plus proche de permettre des expéditions habitées sur la planète.
Dans la critique suivante, je vais expliquer les défauts conceptuels du nouveau plan de SpaceX, montrant comment ils peuvent être corrigés pour bénéficier d’abord à l’objectif à court terme d’entreprendre l’exploration humaine de la planète rouge puis, avec un programme de construction d’infrastructures et d’envoi de personnes, efficace sur le plan des coûts, pour permettre d’atteindre l’objectif plus lointain d’une colonisation de Mars.
Conception de l’Interplanetary TransportSystem deSpaceX
Comme décrit par Musk, l’ITS de SpaceX serait composé d’un très gros système de lancement à deux étages,entièrement réutilisables, alimentés par ergols méthane/oxygène. Le premier étage, suborbital, aurait quatre fois la poussée au décollage d’une SaturnV (l’énorme fusée qui a envoyé les missions Apollo sur la Lune). Le second étage, fait pour atteindre l’orbite, aurait la poussée d’une seule Saturn V. Ensemble, les deux étages pourraient mettre une charge utile (maximale) de 550 tonnes en orbite terrestre basse (LEO), ce qui représente environ quatre fois la capacité de Saturn V.
Au sommet de la fusée, le vaisseau lui-même –qui logera une centaine de passagers – est inséparable du deuxième étage (cela contraste avec, par exemple, les missions lunaires de la NASA, où chaque partie du système était éjectée tour à tour jusqu’à ce que seul le Module de Commande revienne avec les astronautes d’Apollo vers la Terre). Puisque le deuxième-étage-plus-le-vaisseau aura utilisé son carburant pour arriver sur orbite, il sera nécessaire de refaire le plein en orbite, avec environ 1.950 tonnes de propergol (ce qui signifie qu’il faudra quatre lancements supplémentaires pour fournir les ergols nécessaires à chaque transport de passagers). Une fois plein, le vaisseau pourra se diriger vers Mars.
La durée du voyage dépendra bien sûr de l’endroit où la Terre et Mars se trouveront sur leurs orbites respectives; le plus court trajet serait, selon la présentation de Musk, d’environ 80 jours et le plus long d’environ 150 jours. (Musk a déclaré que l’architecture pourrait être améliorée pour réduire le voyage à 60 ou même à 30 jours.)
Après l’atterrissage sur Mars et le débarquement des passagers, le vaisseau serait ravitaillé en ergols méthane/oxygène produits en surface de Mars à partir du dioxyde de carbone et de l’eau martienne, puis renvoyé vers l’orbite terrestre.
Problèmes posés par le système proposé
Le plan de SpaceX décrit par Musk comporte neuf caractéristiques notables. Si on examine chacune tour à tour, quelques-unes des forces et faiblesses de l’ensemble se révèlent d’elles-mêmes.
- Très grande taille.
Le système de lancement proposé par SpaceX est quatre fois plus gros que la fusée Saturn V. Ceci pose un problème grave car même avec les coûts de développement remarquablement faibles de la société, SpaceX n’a aucune perspective d’être en mesure de se payer l’investissement très important (au moins 10 milliards $) requis pour développer un lanceur de cette taille.
- Utilisation d’ergols méthane/oxygène pour le décollage de la Terre, l’injection trans-Mars et le retour direct sur Terre à partir de la surface martienne.
Ces idées vont ensemble et sont très fortes. Le méthane/oxygène est, après l’hydrogène/oxygène, la combinaison de propergols réalistes la plus performante et ces éléments sont beaucoup plus compacts et stockables que l’hydrogène / oxygène. Ils sont très peu chers et de plus faciles à produire sur Mars. Depuis plus d’un quart de siècle, je suis un ardent défenseur de ce concept. J’en ai d’ailleurs fait un élément central de l’architecture de la mission Mars Direct que j’ai décrite dès 1990 dans mon livre The Case for Mars. Toutefois, il convient de noter que, bien que la production de méthane/oxygène à partir du dioxyde de carbone et de l’eau martiens soit certainement faisable, elle n’est pas sans coût en termes d’effort, d’énergie et de d’équipements, et en conséquence le système de transport doit être conçu pour maintenir ce fardeau sur le sol martien dans des limites gérables.
- Fabrication à grande échelle des ergols méthane / oxygène à la surface de Mars à partir de matériaux locaux.
J’exprime ici les mêmes louanges et la même prudence que ci-dessus. L’utilisation de ressources martiennes in situ rend l’ensemble du plan SpaceX possible, tout comme il constitue un élément central de mon plan Mars Direct. Mais l’ampleur de l’ensemble de l’architecture de la mission doit être équilibrée avec une capacité de production qui peut raisonnablement être établie.
- Tous les systèmes de vol sont entièrement réutilisables.
C’est un objectif important pour réduire les coûts et SpaceX a déjà fait des progrès substantiels dans cette direction en démontrant le retour et la réutilisation du premier étage de son lanceur Falcon 9. Cependant, pour qu’on puisse considérer un composant de la mission comme «réutilisable», il ne faut pas nécessairement qu’il revienne sur Terre et soit lancé à nouveau. D’une manière générale, il peut être plus judicieux de trouver d’autres façons de réutiliser hors de la Terreles composants qui sont déjà en orbite ou au-delà. Cette idée est bien vue dans certaines parties du nouveau plan de SpaceX – telles que le remplissage du deuxième étage, en orbite basse de la Terre – mais, comme nous le verrons, elle est ignorée dans d’autres parties du plan, – à un coût considérable pour son efficacité. En outre, la rapidité et le rythme auxquels les systèmes peuvent être réutilisés doivent également être considérés.
- Plein en ergols méthane/oxygène du second étage du lanceur en orbite terrestre.
Ici Musk et ses collègues sont confrontés à un défi technique, car le transfert de fluides cryogéniques en gravité zéro n’a jamais été fait. Le problème est que en gravité zéro les mélanges à deux phases flottent avec gaz et liquide mélangés et dispersés l’un dans l’autre, ce qui rend difficile le fonctionnement des pompes, tandis que la nature ultra froide des fluides cryogéniques empêche l’utilisation de vessies souples pour effectuer le transfert des fluides. Cependant, je crois que l’on peut résoudre le problème – et cela en vaut la peine tant pour les avantages que cela offrirait pour cette architecture de mission que pour d’autres que nous pourrons voir dans le futur.
- Utilisation du deuxième étage pour faire un aller-retour Terre/Mars complet.
C’est une très mauvaise idée. D’une part, cela entraîne l’envoi d’un moteur d’une poussée de 7 millions de livres de force qui pèserait environ 60 tonnes et de son réservoir grand et massif, sur tout le parcours allant de l’orbite terrestre basse à la surface de Mars, puis le renvoi de l’ensemble, à grands frais en termes de charge « utile » et de gêne pour les installations de production d’ergols sur Mars. En outre cela signifie que cet élément de capital, très grand et très coûteux ne peut être utilisé qu’une seule fois tous les quatre ans (puisque les fenêtres possibles pour les voyages à destination et à partir de Mars ne se présentent qu’environ tous les deux ans).
- Envoi d’un gros habitat pour un aller-retour Terre / Mars.
Cela, aussi, est une très mauvaise idée. En effet l’habitat sera en fait utilisé pour un seul voyage, une seule fois tous les quatre ans. Si nous construisons une base sur Mars ou colonisons Mars, tout gros habitat envoyé à la surface de la planète devrait y rester pour que les colons puissent l’utiliser comme local d’habitation. Envoyer à grands frais un habitat sur Mars pour le faire revenir à vide n’a pas de sens. Les Martiens auront besoin de logements.
- Voyages rapides vers Mars.
Si nous acceptons les estimations optimistes de Musk lors de sa présentation, le système SpaceX serait capable d’effectuer le voyage de la Terre à Mars en 115 jours (en moyenne), soit un peu plus vite que proposé par d’autres architectures de mission. Mais les voyages rapides imposent un coût très élevé sur la capacité de charge utile. Et ils relèvent l’étiquette du prix, compromettant de ce fait le but recherché par l’architecture –la colonisation de Mars – puisque l’exigence principale de la colonisation est de réduire suffisamment les coûts pour rendre l’émigration abordable. Faisons quelques calculs sur le coin de notre table. Suivant l’exemple de l’Amérique coloniale, choisissons comme critère d’acceptabilité, le prix de liquidation de la propriété immobilière d’un ménage de classe moyenne ou bien sept ans de salaire d’un travailleur moyen (disons environ 300 000 $ en équivalent d’aujourd’hui), critère sur lequel Musk est à peu près d’accord. La plupart des ménages de la classe moyenne préféreraient se rendre sur Mars en six mois au prix équivalent à une maison plutôt que d’y aller en quatre mois à un coût équivalent à celui de trois maisons. Pour les immigrants qui vont passer le reste de leur vie sur Mars, ou même les explorateurs qui y passeraient 2,5 ans pour un aller-retour, l’avantage d’atteindre Mars en quatre mois au lieu de six est négligeable – et si économiser deux mois nécessitait une réduction de charge utile, ce qui signifie moins de provisions et d’équipements à emporter, le voyage plus rapide deviendrait carrément non souhaitable. En outre le transit de six mois est en réalité plus sûr car il offre aussi la trajectoire qui bouclele retour sur Terre en exactement deux ans, de telle sorte que la Terre se trouve juste là, au bon endroit pour y atterrir. Et les trajectoires impliquant des vols plus rapides vers Mars se bouclent nécessairement plus loin dans l’espace si l’atterrissage sur Mars est impossible. Dans ce cas il faut plus de deux ans pour revenir à l’orbite terrestre, ce qui rend la trajectoire de libre retour impossible. L’affirmation selon laquelle le plan SpaceX rendrait possible un vol de 60 jours (et encore moins, de 30 jours) vers Mars, n’est pas crédible.
- Utilisation de la retropropulsion supersonique pour atterrir sur Mars.
Ceci est un concept révolutionnaire pour l’atterrissage de grosses charges utiles, dont SpaceX a démontré avec succès la faisabilité en faisant atterrir sur Terre après utilisation, les premiers étages de son Falcon 9. Le principe de sa faisabilité sur Mars a été ainsi démontré. Il convient de noter, cependant, que SpaceX propose maintenant de reproduire le système d’atterrissage propulsé affecté d’un facteur 50 – employer une telle technique d’atterrissage ajoute à l’exigence de propulsion de la mission, ce qui rend l’objectif (inutile) de vols rapides encore plus difficile à atteindre.
Améliorer le plan de SpaceX
En prenant en considération les points ci-dessus, on voit immédiatement les corrections à apporter aux défauts du projet actuel de l’ITS:
- A. Au lieu de transporter le massif deuxième étage du lanceur pendant tout le voyage vers Mars, le vaisseau doit s’en séparer juste avant d’échapper à la gravité terrestre. Dans ce cas, au lieu de parcourir tout le chemin vers Mars et retour, pendant plus de 2,5 ans, le deuxième étage ne volerait que jusqu’à la distance de la Lune et reviendrait pour s’aérofreiner en orbite terrestre une semaine après son départ. Si le plein des réservoirs pouvait être fait rapidement, par exemple en une semaine, il pourrait donc être possible d’utiliser le deuxième étage cinq fois de suite à chaque opportunité de mission (en supposant une fenêtre de lancement d’environ deux mois) au lieu d’une fois seulement. Cela permettrait d’accroître d’un facteur 10 l’utilisation nette du deuxième étage du système de propulsion, ce qui permettraitde livrer cinq charges utiles sur Mars à chaque fenêtre en utilisant seulement une fois le système au lieu des dix requis par la conception ITS de base. Le vaisseau spatial stricto sensu effectuerait alors la manœuvre de propulsion restante pour voler et atterrir sur Mars sans le deuxième étage géant.
- B. Au lieu de renvoyer le très gros habitat de cent personnes sur Terre après son atterrissage sur Mars, il resterait sur Mars, où il pourrait être réaffecté comme habitat de surface – quelque chose que les colons trouveraient sûrement très utile. Son étage propulsif modeste pourrait être réaffecté en système de vol planétaire ou démonté pour fournir du matériel pour répondre à d’autres besoins de la population. Si le système de propulsion devait être renvoyé sur Terre, il devrait revenir avec seulement une petite cabine pour les pilotes et les colons qui voudraient rentrer. Une telle procédure augmenterait considérablement la capacité de charge utile du système ITS tout en réduisant le besoin de production d’ergols sur Mars.
- C. En n’envoyant pas le très gros deuxième étage du système de propulsion à la surface de Mars et en ne renvoyant pas le gros habitat arrivé à la surface de Mars, la charge utile totale disponible pour le voyage dans un seul sens serait considérablement augmentée tandis que les exigences de production de gaz propulseurs sur Mars seraient grandement réduites.
- D. L’idée de sacrifier de la charge utile pour réduire le temps de transit moyen vers Mars à nettement moins de six mois, devrait être abandonnée. Cependant, si l’objectif de vols rapides est retenue, les corrections indiquées ci-dessus les rendraient beaucoup plus faciles, ce qui augmenterait considérablement la charge utile et diminuerait le temps de trajet par rapport à ce qui est possible avec l’approche originale.
Modifier le plan de la façon décrite ci-dessus améliorerait grandement la performance de l’ITS. Cela est dû à ce que, dans sa forme originale, l’ITS ne vise pas simplement à envoyer à peu de frais des colons et des charges utiles vers Mars. Il est plutôt conçu pour réaliser une vision de science-fiction du vaisseau spatial interplanétaire géant. C’est une erreur fondamentale, bien que la tentation soit compréhensible (une pulsion visionnaire similaire a influencé la conception de la navette spatiale de la NASA, avec un désavantage significatif pour sa performance en tant que système de livraison de charge utile en orbite terrestre). L’exigence principale des missions humaines sur Mars est de ne pas créer ou exploiter des vaisseaux spatiaux géants. Au contraire, elle consiste à envoyer des charges utiles de la Terre à la surface de Mars, capables de maintenir des groupes de personnes en bonnes conditions de vie puis de renvoyer vers la Terre les seules charges utiles qui doivent l’être.
Pour le dire d’une autre manière: l’objectif visionnaire pourrait être de créer des vaisseaux spatiaux, mais l’objectif rationnel est d’envoyer des charges utiles.
Versions alternatives du plan ITS de SpaceX
Pour avoir une idée de quelques-uns des avantages qui viendraient des changements que j’ai décrits ci-dessus, faisons quelques estimations. Dans le tableau ci-dessous, je compare six versions du plan ITS, la moitié étant fondée sur le concept visionnaire ébauché par Elon Musk (appelé projet « original » ou « O » dans le tableau) et une autre moitié incorporant les modifications que j’ai proposées (les conceptions « révisées » ou « R »).
Nos hypothèses de départ: le vaisseau commence sa mission sur une orbite basse circulaire à une altitude de 350 kilomètres et une vitesse orbitale associée de 7,7 kilomètres par seconde (km/s). La vitesse de libération pour un tel vaisseau serait de 10,9 km/s. Lui appliquer un changement de vitesse (ΔV) de 3 km/s le garderait encore sur une orbite liée à la Terre mais très elliptique. Ajouter 1,2 km/s donnerait à la charge utile une vitesse au périgée de 12,1 km/s, suffisante pour l’envoyer sur une trajectoire vers Mars d’une durée de six mois, avec une option de libre retour à la Terre de deux ans(en calculant des temps de voyage vers Mars, nous supposons les opportunités de mission moyennes ; en pratique, certains vols pourraient atteindre Mars plus tôt, d’autres plus tard, en fonction de l’année de lancement mais tous conserveraient le libre retour de deux ans). Nous supposons qu’un ΔV de 1,3 km/s serait nécessaire pour les corrections de mi-parcours et l’atterrissage en utilisant une retropropulsion supersonique. Pour le retour direct sur Terre à partir de la surface de Mars, nous supposons qu’un ΔV total de 6,6 km/s serait nécessaire. Dans tous les cas, on suppose une vitesse d’éjection de 3,74 km/s (soit une impulsion spécifique de 382 s) pour une propulsion méthane/oxygène, et une masse de 2 tonnes par passager pour l’habitat. On fait également l’hypothèse d’un maximum de 1.950 tonnes pour la capacité du réservoir du deuxième étage, conformément aux données présentées par Musk.
Table: Analyse des concepts ITS alternatifs
Concept | A | B | C | D | E | F |
Type (O = “original”; R= “révisé”) | O | O | R | O | R | R |
Fractionde masse-sèchede l’étage | 0,08 | 0,08 | 0,08 | 0,12 | 0,12 | 0,12 |
Durée du vol aller (jours) | 130 | 180 | 180 | 180 | 180 | 180 |
ΔV du lanceur 2èmeétage (km/s) | 7,0 | 5,5 | 3,0 | 5,5 | 3,0 | 3,0 |
ΔV du vaisseau trans-Mars (km/s) | 0,0 | 0,0 | 2,5 | 0,0 | 2,5 | 2,5 |
ΔV Trans-Terre (km/s) | 6,6 | 6,6 | 6,6 | 6,6 | 6,6 | 6,6 |
Masse de l’habitat voyage aller/retour (t) | 200 | 200 | 60 | 166 | 42 | 10 |
Masse de l’habitat aller vers Mars (t) | 0 | 0 | 200 | 0 | 200 | 20 |
Autre charge aller vers Mars (t) | 0 | 210 | 190 | 174 | 208 | 20 |
Masse sèche du lanceur 2èmeétage (t) | 150 | 150 | 110 | 228 | 171 | 15 |
Ergols du 2ème étage du lanceur (t) | 1950 | 1873 | 1429 | 1950 | 1426 | 177 |
Masse sèche du vaisseau (t) | 0 | 0 | 36 | 0 | 58 | 13 |
Ergols injection vaisseau trans-Mars (t) | 0 | 0 | 462 | 0 | 482 | 60 |
Ergols injection trans-Earth- (TEI) (t) | 1574 | 1574 | 465 | 1900 | 482 | 114 |
Total masseutile livrée | 0 | 210 | 390 | 174 | 408 | 40 |
Nombre de passagers transportés | 100 | 100 | 100 | 83 | 100 | 5 |
Charge utile par passager (t) | 0,0 | 2,1 | 3,9 | 2,1 | 4,1 | 8,0 |
Masse Trans-Sys (5 missions/op) | 1500 | 1500 | 470 | 2280 | 751 | 145 |
Charge utile/Trans-Sys (5 missions) | 0,00 | 0,70 | 4,14 | 0,38 | 2,72 | 1,38 |
Charge utile /ergols TEI | 0,00 | 0,13 | 0,84 | 0,09 | 0,85 | 0,35 |
Le Concept A est le concept original tel que présenté par Musk, avec un transit de 130 jours de la Terre à Mars. Le plan est techniquement réalisable mais il présente les inconvénients évoqués ci-dessus, y compris celui (flagrant) en rouge: aucune charge utile livrée avec les passagers, laissant les colons sur Mars sans fourniture, ni équipement, ni logement.
Le Concept B impose seulement une légère torsion au plan original de Musk: le voyage vers Mars est plus long – de cinquante jours – ce qui signifie que le ΔV requis pour le voyage est inférieur, ce qui signifie à son tour (comme marqué en bleu) que l’on peut livrer 210 tonnes de fret avec les colons, soit 2,1 tonnes de charge utile par colon.
Le Concept C intègre une autre des améliorations suggérées plus haut, laisser le deuxième étage du véhicule de lancement (détaché du vaisseau) dans l’environnement terrestre. Dans le cadre d’un tel agencement, le deuxième étage a seulement besoin d’un ΔV de 3 km/s, avec le ΔV de 2,5 km restant nécessaire pour atteindre Mars, fourni par le système de propulsion propre, beaucoup plus petit, du vaisseau spatial (maintenant séparé du second étage). Le Concept C laisse l’habitat de 200 tonnes sur Mars avec encore 190 tonnes de marchandises et d’équipements, soit un total de 4,1 tonnes par colon, le double de ce que permet le Concept B.
Le Concept C présente un autre avantage,encore plus grand par rapport aux concepts A et B: il ne requiert que 465 tonnes de propergol pour revenir de Mars sur la Terre, moins d’un tiers de ce qui est nécessaire selon les Concepts A ou B. En outre, en raison de la réutilisation rapide du deuxième étage du véhicule de lancement, le système de propulsion dans l’espace requis pour soutenir un rythme de cinq missions par fenêtre de lancement dans le Concept C, est également de moins d’un tiers de celui des concepts A ou B. Si nous combinons ces avantages, nous voyons comme ligne de fond (marqué en vert) que lors de chaque fenêtre de lancement, le Concept C permettrait la livraison sur Mars d’environ six fois la charge utile du Concept B pour chaque unité de masse du système de transport ou pour chaque unité d’ergols produite sur Mars.
Cependant, les Concepts A, B et C adoptent tous un aspect optimiste de la proposition de Musk: l’estimation de systèmes de propulsion avec fractions de masse sèchede 0,08. La « fraction de masse sèche » est la masse d’une fusée ou d’un étage de lanceur « humide » (rempli de carburant) divisée par sa masse « sèche » (vide). Une fraction de masse sèche de 0,08 signifie que la masse de la fusée vide serait 8% de la masse de la fusée pleine. Pour les concepts restants, nous supposerons une fraction de masse sèche plus conservatrice de 0,12.
Donc le Concept D reprend le plan de Musk (la version plus lente décrite dans le Concept B) mais adopte une fraction de masse sèche plus élevée. Et le Concept E reprend ma version révisée (Concept C, plus lente, avec séparation du vaisseau et du 2ème étage) mais adopte aussi une fraction de masse sèche plus élevée. Utilisant ces hypothèses plus conservatrices, la version révisée améliore d’un ordre de grandeur le concept original dans tous les chiffres pertinents. Les avantages de l’utilisation de la conception révisée avec un voyage de six mois sont donc décisifs.
Mais la question pertinente n’est pas de savoir comment ces idées pourraient être mises en œuvre dans un futur programme de colonisation de Mars, mais comment nous pourrions les utiliser à plus court terme, pour le genre d’exploration de Mars et pour la construction d’un programme de base à mener par notre propre génération. Une telle possibilité est illustrée dans le Concept F. Comme le Concept E, le Concept F adopte les suggestions de révision que j’ai décrites ci-dessus et adopte la fraction de masse sèche conservatrice. Cependant dans le Concept F, le plan est réduit d’un ordre de grandeur, de sorte qu’au lieu de nécessiter un lanceur qui peut mettre environ 500 tonnes en orbite basse terrestre, il suffirait d’un lanceur pouvant placer 50 tonnes en orbite basse terrestre. Cette distinction est essentielle parce que, à la différence des lanceurs de 500 tonnes en orbite – qui à ce stade ressortent de la science-fiction – au moins trois lanceurs différents avec des capacités d’au moins 50 tonnes en orbite seront bientôt disponibles, y compris le Falcon Heavy de SpaceX (54 tonnes en orbite, premier vol prévuen 2017), ainsi que le Space Launch System de la NASA (75 tonnes en orbite, premier vol en 2018), et le New Glenn de Blue Origin (environ 65 tonnes en orbite, premier vol en 2020). Les améliorations et révisions que je viens de décrire permettent d’accomplir une mission d’exploration de Mars à l’aide d’un véhicule de lancement de 50 tonnes en orbite. La mission présentée dans le Concept F est bien comparable en taille d’équipage et de capacité, aux plans de mission Mars Direct ou Mars Semi-Direct que j’ai décrits ailleurs mais avec l’avantage d’utiliser un lanceur de 50 tonnes en orbite au lieu d’un lanceur de 120 tonnes en orbite utilisé par ces concepts. C’est une perspective très excitante.
Missions prochaines utilisant le plan ITS amélioré
Pensez à ce à quoi cette version révisée du plan ITS ressemblerait dans la pratique, si elle était utilisée non pas pour peupler Mars mais pour la tâche plus accessible de l’exploration de Mars. Si un lanceur Falcon Heavy de SpaceX était utilisé pour envoyer des charges utiles directement à partir de la Terre, il pourrait déposer seulement environ 12 tonnes sur Mars (c’est à peu près ce que SpaceX prévoit de faire dès 2018 avec sa mission non habitée « Dragon Rouge »). Bien qu’il soit possible de concevoir une mission habitée minimale avec une telle capacité limitée de charge utile, ces plans de mission sont sous-optimaux. Mais si au lieu de cela, en suivant le concept ITS, l’étage supérieur du lanceur Falcon Heavy était ravitaillé en orbite basse terrestre de la Terre, il pourrait être utilisé pour déposer jusqu’à 40 tonnes sur Mars, ce qui suffirait pour une excellente mission d’exploration habitée. Ainsi, si les deuxièmes étages du lanceur pouvaient être remplis en orbite, la taille du véhicule de lancement requis pour une petite mission d’exploration de Mars, pourrait être réduite d’environ un facteur de trois.
Dans toutes les variantes ITS discutées ici, l’ensemble des équipements de vol serait entièrement réutilisable, ce qui permet un maintien à faible coût d’une base permanente et en pleine croissance sur Mars. Cependant, la réutilisabilité complète n’est pas un prérequis pour les premières missions d’exploration de Mars; elle pourrait être progressivement introduite au fur et à mesure que les capacités technologiques seront améliorées. En outre, alors que le Falcon Heavy tel qu’il est actuellement conçu utilise la propulsionau kérosène/oxygène à tous les stades et non le méthane/oxygène, dans la version ITS révisée proposée ci-dessus seul le système de propulsion du vaisseau trans-Mars doit être au méthane/oxygène, tandis que les deux étages du lanceur peuvent utiliser n’importe quelle sorte d’ergols. Cela rend le problème de remplissage en orbite du deuxième étage beaucoup plus simple puisque le kérosène n’est pas cryogénique, et peut donc être transféré en gravité zéro en utilisant des vessies souples et que l’oxygène liquide est paramagnétique et peut donc être attiré du côté de la pompe du réservoir en utilisant des aimants.
En utilisant un tel système, une expédition humaine sur Mars pourrait être réalisée de diverses manières. Par exemple, on pourrait la mener d’une manière similaire au plan de mission Mars Direct, avec la première charge utile trans-Mars déposant un Earth Return Vehicle (« ERV ») sans ergols, avec une usine d’ergols à bord pour produire du méthane/oxygène sur Mars, le second vaisseau déposant un module d’habitat avec un équipage d’astronautes à bord qui débarquerait près de l’ERV en utilisant le hab comme leur maison sur Mars. Après 1,5 année d’exploration ils retourneraient dans l’ERV, laissant leur hab sur Mars pour constituer progressivement une base sur Mars riche de plus en plus d’éléments au fur et à mesure que les missions se déroulent.
Ou bien on pourrait adopter un autre plan, plus proche de l’esprit de l’ITS de SpaceX, selon lequel une seule charge utile combinant le hab et l’ERV, serait envoyée, avec le hab au-dessus et l’ERV en-dessous. L’ERV utiliserait une quantité limitée d’ergols méthane/oxygène pour effectuer une rétropropulsion supersonique de la charge utile combinée à l’entrée dans l’atmosphère martienne, portant l’ensemble à une vitesse subsonique. Après cela, le hab déploierait un parachute ou peut-être un parachute ascensionnel pour se soulever de l’ERV et il atterrirait à proximité en utilisant un très petit système d’atterrissage de propulsion terminale. La première mission pourrait envoyer un tel ensemble, sans équipage, permettant à l’ERV de s’alimenter en ergols avant le premier lancement habité qui arriverait deux ans plus tard, muni d’un hab redondant et d’abondantes fournitures supplémentaires. Une fois que la base serait bien établie, les modules hab et ERV pourraient atterrir ensemble, le hab étant ensuite dégagé de dessus l’ERV par une grue.
Le nombre de ces variations potentielles est sans fin. En voici une autre: dans les missions initiales, le deuxième étage du Falcon Heavy pourrait effectuer sa combustion complète, ce qui lui permettrait d’aller vers Mars de concert avec le vaisseau spatial habité, qui pourrait ensuite l’utiliser comme un contrepoids à l’extrémité opposée d’un filin pour fournir à l’équipage une gravité artificielle pendant le voyage (tout comme dans le plan Mars Direct standard). Cela implique de « dépenser » le deuxième étage mais pour les premières missions cela pourrait valoir la peine d’avoir leurs équipages en pleine force physique puisqu’ils arriveront sur une planète Mars disposant de très peu d’installations de soutien. Dans les missions ultérieures, le deuxième étage du Falcon Heavy pourrait être laissé juste avant la sortie de l’emprise de la gravité terrestre pour une réutilisation rapide (comme dans le plan ITS révisé je l’ai décrit ci-dessus) et l’équipage serait autorisé à voler vers Mars en gravité zéro, car il disposerait à cette époque de nombreuses et vastes installations dans la base martienne pour lui permettre de récupérer de l’affaiblissement résultant de la gravité zéro.
Aube de l’ère des avions-fusée
Vers la fin de sa présentation, Musk a brièvement suggéré qu’une façon de financer le développement de l’ITS pourrait être de l’utiliser comme un système de voyage rapide, longue distance, sur Terre. Ceci est en fait une possibilité très excitante, mais je voudrais ajouter le qualificatif qu’un tel système ne serait pas l’ITS comme décrit, mais un système apparenté de taille réduite, adapté aux voyages terrestres.
Le point mérite d’être souligné. Pendant trois mille ans ou plus, les gens ont tiré des revenus de la mer, certains par la pêche mais beaucoup plus en utilisant la mer comme un milieu favorable au transport, car de traînée (freinage) relativement faible. De même, alors qu’on peut gagner de l’argent avec des activités humaines dans l’espace, on peut potentiellement en gagner beaucoup plus avec des activités humaines au travers de l’espace, en mettant à profit l’absence de trainée offerte par le milieu spatial pour les voyages rapides. On sait depuis longtemps qu’un avion fusée décollant avec une vitesse suborbital élevée pourrait parcourir un trajet le conduisant en moins d’une heure à l’opposé du globe terrestre (ce qui revient à dire, n’importe où sur la planète). Le marché potentiel pour une telle capacité est énorme. Pourtant, il est resté inexploité. Pourquoi?
La raison est simplement la suivante: Jusqu’à présent ces véhicules ont été impraticables. En effet pour aller de l’autre côté du monde,un avion-fusée aurait besoin d’un ΔV d’environ 7 km/s (6 km/s de vitesse physique et 1 km/s pour les pertes par gravité au décollage et les pertes de traînée). En supposant des ergols méthane/oxygène avec une vitesse d’échappement de 3,4 km/s (la vitesse d’échappement serait plus faible pour un avion-fusée que pour un véhicule spatial car elle est réduite par l’air ambiant), un tel véhicule, s’il est conçu avec un seul étage, aurait besoin d’avoir un rapport massique d’environ 8, ce qui signifie que seulement 12 pour cent de sa masse au décollage pourrait être en matériaux solides, en prenant en compte toutes les structures, tandis que le reste serait les propergols. Cependant si l’avion-fusée est dopé vers l’espace par un premier étage réutilisable qui fournit les premiers 3 km/s du ΔV requis, le véhicule aurait seulement besoin d’un rapport massique d’environ 3, permettant à 34 pour cent de la masse d’être solide. Cette réduction du rapport gaz propulseur/structure de 7:1 à 2:1 est la différence entre un système faisable et un système non faisable.
En bref, ce que Musk a accompli en rendant réutilisables les premiers étage, c’est de rendre l’avion-fusée possible. Mais il n’est pas nécessaire d’attendre les transports de 500 tonnes en orbite. En fait, son premier étage réutilisable de Falcon 9, déjà en fonctionnement, pourrait permettre des avions-fusée desservant n’importe quel point du globe avec des capacités comparables à celles d’un DC-3 tandis que le Falcon Heavy prévu (ou le New Glenn) pourrait être des avions-fusée avec la capacité d’un Boeing 737.
De tels systèmes de vol pourraient changer le monde.
Coloniser Mars
Dans son discours présentant l’ITS, Musk a suggéré qu’un programme de colonisation de Mars utilisant des milliers de ces transporteurs, pourrait servir à transporter rapidement un million de personnes de la Terre à Mars. On le ferait pour disposer d’une population suffisamment importante pour permettre à la colonie d’être entièrement autonome. Au cours d’entrevues suivantes, il a également dit qu’il n’y aurait pas d’enfants parmi ces colons car ils seraient un fardeau pour la colonie.
Mes propres idées sur la façon dont la colonisation de Mars pourrait être réalisée, sont différentes. Plutôt qu’un effort de transport massif pour peupler la planète, je vois la croissance d’une colonie sur Mars comme un développement évolutif, en commençant par des missions d’exploration, suivies d’une phase de construction de base(s). Au fur et à mesure que la série de missions progresserait, des éléments supplémentaires de l’ensemble des équipements de vol deviendraient réutilisables, entraînant la baisse des coûts de transport. En outre, comme la base se développerait, sa capacité à produire de plus en plus d’éléments nécessaires (y compris l’eau, la nourriture, les céramiques, les verres, les plastiques, les tissus, les métaux, les fils, les outils, les dômes et les structures) s’élargirait – réduisant progressivement la quantité de matériaux qui devraient être transportés à travers l’espace pour faire face aux besoins de chaque colon. Cela fournirait la base matérielle pour permettre à une population martienne de croître et elle le ferait de façon exponentielle avec les familles qui se formeraient et les enfants qui naîtraient.
Ceci dit, Mars est peu susceptible de devenir autarcique avant très longtemps et même si elle le pouvait, ce ne serait pas avantageux pour elle de le faire. Tout comme les nations de la Terre doivent échanger les unes avec les autres pour prospérer, les civilisations planétaires de l’avenir devront pratiquer le commerce. En bref, quelle que soit l’autonomie qu’ils pourront acquérir, les Martiens auront toujours besoin, et certainement toujours envie, de devises. Comment vont-ils les obtenir?
Un certain nombre d’idées ont été avancées concernant les exportations de Mars pouvant potentiellement générer des devises. Par exemple, Mars pourrait servir de source de nourriture et d’autres produits utiles pour les avant-postes astéroïde miniers qui exporteraient eux-mêmes des métaux précieux sur Terre. Ou, puisque l’eau sur Mars contient une concentration de deutérium égale à six fois celle de la Terre et que potentiellement ce serait un carburant très précieux pour l’énergie de fusion, on pourrait l’exporter vers la planète mère, une fois que l’énergie de fusion deviendrait réalité. Ou peut-être on trouvera sur Mars des métaux précieux qui, avec un système de transport interplanétaire entièrement réutilisable, pourrait être profitable à extraire et à exporter sur Terre.
Bien que de telles possibilités existent, l’exportation la plus probable que Mars sera en mesure d’envoyer sur Terre,consistera à mon avis en brevets. Les colons de Mars seront un groupe de personnes technologiquement habiles dans un environnement de « frontier » où ils seront libres d’innover – en fait, contraints d’innover – pour répondre à leurs besoins. Cela fera de la colonie martienne une cocotte-minute d’inventions. Par exemple, les Martiens devront produire toute leur nourriture dans les serres, accentuant fortement la nécessité de maximiser la production de chaque mètre carré de superficie cultivée. Ils auront donc une puissante incitation à se consacrer à l’ingénierie génétique pour obtenir des cultures ultra-productives, et ils auront peu de patience pour ceux qui voudraient restreindre cette activité inventive en fonction de craintes diverses ou d’esprit administratif.
De même, il n’y aura rien de plus rare dans une colonie martienne que le temps de travail humain et donc, tout comme la pénurie de main-d’œuvre dans l’Amérique du XIXe siècle a conduit l’ingéniosité yankee à une série d’inventions qui ont économisé le travail, la pénurie de main-d’œuvre sur Mars sera un impératif stimulant l’ingéniosité martienne dans des domaines tels que la robotique et l’intelligence artificielle. Ces inventions, créées pour répondre aux besoins des Martiens, seront extrêmement précieuses sur Terre et les brevets correspondants, déposés sur Terre, pourraient produire un flot continu de revenus pour la planète rouge. En vérité si la colonisation de Mars est envisagée comme une entreprise privée, la création d’une telle colonie d’inventeurs – un Menlo Park Martian – pourrait éventuellement servir de base à un business plan finançable.
Pour ceux qui se demandent ce que sont les ressources naturelles martiennes qui pourraient rendre la planète attrayante pour la colonisation, je réponds qu’il n’y en a aucune, mais c’est parce que ce qu’on appelle « ressource naturelle » n’existe en réalité nulle part. Il n’existe que des matières premières « naturelles ». La terre sur notre planète n’est devenu une ressource qu’après que les êtres humains aient inventé l’agriculture et l’étendue et la valeur de cette ressource a été multiplié de nombreuses fois au fur et à mesure que la technologie agricole a progressé. Le pétrole n’était pas une ressource avant que nous ayons inventé le forage pétrolier et le raffinage et les technologies qui pouvaient utiliser le produit. L’uranium et le thorium n’étaient pas des ressources jusqu’à ce que nous inventions la fission nucléaire. Le deutérium n’est pas encore une ressource mais en deviendra une, énorme, une fois que nous aurons développé l’énergie de fusion, une invention que les Martiens futurs, ayant peu d’alternatives, pourraient bien faire. Mars n’a pas de ressources aujourd’hui mais aura des ressources illimitées une fois qu’il y aura des gens là-bas pour les créer.
La civilisation martienne deviendra riche parce que son peuple sera intelligent. Elle bénéficiera de la Terre non seulement comme une source d’inventions, mais aussi comme un exemple de ce que les êtres humains peuvent faire quand ils s’élèvent au-dessus de leurs instincts animaux et mobilisent leurs pouvoirs créatifs. Elle montrera à tous que des possibilités infinies existent – non pas à arracher à d’autres – mais à créer.
Personne ne pourra considérer cette civilisation sans se sentir plus fier d’être humain.
Robert Zubrin, est président de Pioneer Energy of Lakewood, Colorado, et président de la Mars Society.
Article publié dans The New Atlantis, le 21 Octobre 2016.