A la septième conférence internationale sur Mars qui s’est tenue entre le 9 et le 13 juillet 2007 au California institute of Technology (« Caltech ») à Pasadena, le nouvel administrateur adjoint de la NASA pour les missions scientifiques, Alan Stern, a fait état de sa détermination à donner la priorité pendant la prochaine décennie à une politique « lourde » de retour d’échantillons.
Stern a demandé au centre de recherche Ames de la NASA de concevoir un équipement de collecte qui pourrait être installé sur le Mars Science Laboratory (MSL) qui doit être lancé en 2009 et il veut également convaincre l’ESA de placer ce même équipement sur ExoMars en 2013. Il doit en discuter avec Daniel Sacotte, directeur des vols habités et de l’exploration de l’ESA, dans les semaines qui viennent. Son idée est de mettre au point d’abord cet équipement de collecte et ensuite seulement, pour 2018 / 2020, le dispositif de retour sur Terre des échantillons. Cette idée est séduisante en termes d’économie de moyens, mais douteuse pour des raisons de délai concernant MSL, et de masse et de coût pour ExoMars.
Mars Science laboratory, Vue d'artiste, Crédit NASA / JPL / Corby Waste
La mission de retour d’échantillons présente indéniablement un grand intérêt scientifique, et beaucoup de chercheurs aimeraient la voir se réaliser. Mais elle est aussi coûteuse, complexe et risquée. Si bien que des doutes se sont exprimés lors de cette conférence sur la priorité à lui donner par rapport à la continuation d’un programme d’exploration robotique soutenu, mais basé sur des missions plus simples.
Cette politique, si elle était confirmée, risquerait d’empêcher, pour des raisons financières, le développement des autres programmes nécessaires à l’exploration de Mars et à la préparation des vols habités. Il s’agit en effet de sommes très importantes (3 à 4 milliards de dollars dont 2 simplement pour l’appareillage de collecte) et, certains, comme le planétologue Chris McKay, pourtant très favorable à l’exploration de Mars par vols habités, envisagent, d’une manière peut-être pas très réalistes, un véritable programme de retour d’échantillons, en plusieurs étapes, à l’intérieur même du programme martien. Or, ce dernier consomme actuellement 46 % des 1,4 milliards du budget « planètes » de la NASA et il est hors de question de l’augmenter.
Cela pourrait donc empêcher de réaliser plusieurs missions intermédiaires qui non seulement font progresser notre connaissance et nous permettent de préparer l’avenir de l’exploration mais aussi, comme l’a fait remarquer le géologue Philip Christensen de l’Université d’Arizona (Tempe), permettent de maintenir le tempo du programme martien et en particulier l’intérêt et l’emploi d’une multitude de chercheurs nécessaires à la bonne fin de ce programme.
Les scientifiques de diverses spécialités intéressées par l’exploration martienne sont donc très inquiets.
Avec le ralentissement des missions et des retombées scientifiques, on risquerait de voir l’intérêt général, et politique, s’étioler et donc les financements se réduire, contrairement à ce que pense Alan Stern. Il semblerait plus judicieux de progresser sur tous les fronts : recherche en planétologie in situ, préparation des vols habités et mise au point sur Terre des divers équipement nécessaires sur Mars et, surtout, missions martiennes à chacune des fenêtres possibles. En ce qui concerne l’examen des roches martiennes, n’aurait-on pas intérêt à développer au maximum des opérations type Pasteur (la charge utile biologique d’ExoMars) pour mener les investigations in situ ? Les hommes iront un jour étudier Mars et, sur place, leur « productivité » scientifique sera incomparable. Ils seront en particulier à même de rapporter sur Terre des spécimens sélectionnés dans de bien meilleures conditions, pour les soumettre aux appareils de mesure les plus lourds, restés dans les laboratoires terrestres.
Pierre Brisson