(doc. ESA/DLR)
Les 8 et 9 novembre derniers s’est tenue à Berlin la « Conférence Internationale sur l’Exploration Spatiale 2007 » (ISEC 2007), co-organisée par les agences spatiales européenne (ESA) et allemande (DLR). Elle a accueilli quelque 500 participants de haut niveau, représentant des groupes d’acteurs issus d’institutions politiques, de la communauté scientifique, de l’industrie, d’instituts de recherche appliquée, d’organismes publics, ainsi que le grand public.
La Mars Society y était invitée, en la personne du président l’Association Planète Mars, sa branche française. Cette manifestation a servi de tribune à la présentation du premier projet de stratégie européenne à long terme pour l’exploration spatiale.
Elle a permis aux participants de contribuer à définir le rôle que jouera l’Europe dans l’avenir du vol habité et de l’exploration.
Cette stratégie a été élaborée en étroite concertation avec de nombreux groupes d’acteurs clés et constitue un projet de portée mondiale destiné à favoriser un meilleur développement sociétal.Cet événement a été précédé par la première réunion officielle du Groupe international de coordination de l’exploration spatiale coordination de l’exploration spatiale, dont nous vous avions informé de la mise en place et où la France était représentée par Jean-Jacques Favier.
Situation générale. Positions des différents acteurs
L’exploration spatiale est désormais solidement dans l’agenda de l’ESA (et du DLR). Au niveau de l’ESA, elle y figurait déjà au travers du programme Aurora (dès 2001), mais le message est réaffirmé de façon volontariste :
-l’Homme est la clef de l’exploration spatiale ;
-la première étape est l’utilisation de l’ISS, mais le but ultime est Mars (la Lune est considérée d’abord comme moyen) ;
-il faut commencer par les robots, avec ExoMars, puis la mission de retour d’échantillon (MSR) ;
-il serait nécessaire de hausser le niveau de financement de l’Europe sur ces programmes à hauteur de 1 milliard € par an.
L’évolution de la position allemande est encourageante mais reste contrastée entre une position gouvernementale explicitement favorable à un effort dans l’exploration robotique et une position du DLR en faveur des vols habités. Le fait pour le DLR de co-organiser cette conférence est significatif. Pour le directeur de l’agence italienne, « il faut faire mettre en relief l’enjeu de la présence de l’Europe dans l’Espace à long terme » et, concernant Mars : « les similarités de Mars et de la Terre font de la Planète rouge une destination pour une présence humaine permanente ». Le représentant britannique a indiqué qu’ils étaient en train de reconsidérer leur position anti-vols habités (c’est déjà un progrès !).
Le représentant du CNES a souligné les priorités suivantes :
-obtenir un consensus européen sur l’exploration ;
-améliorer la communication vers le public (obtenir son adhésion) ;
-adopter une stratégie équilibrée entre objectifs limités à court terme et de grandes missions à long terme ;
-se placer sur des créneaux technologiques clefs.
Le sénateur Henri Revol a exprimé les positions favorables que l’on connaît au travers de son récent rapport.
Mars est largement reconnue comme l’objectif majeur du programme (même si les allemands expriment un intérêt marqué pour la Lune). Le schéma retenu par la NASA : Lune d’abord, Mars ensuite, n’est cependant pas remis en cause.
L’Académie de l’Air et de l’Espace (AAE), désormais « européanisée », vient d’éditer (novembre 2007) un rapport sur l’exploration contenant les principales conclusions suivantes :
-l’Europe devrait lancer son propre programme d’exploration, ambitieux, substantiel ;
-ce programme doit être robotique et humain, avec des objectifs tangibles à court terme et l’objectif à long terme de faire arriver l’Homme sur Mars (équipage européen !) ;
-le niveau de financement devrait être supérieur ou égal à 1 milliard € par an.
Les grands sous-programmes à court et moyen terme
ExoMars : l’ESA a décidé de proposer à la ministérielle de 2008 l’option « lourde » de la mission, c’est-à-dire : lancement par Ariane 5 (au lieu de Soyuz), deux fois plus d’équipements scientifiques (biologie et géologie), autonomie des télécommunications (orbiteur), et élargissement de la coopération. Le coût pourrait dépasser 1 milliard €.
MSR : la mission fait l’objet d’un soutien unanime. Il faut définir le mode de coopération, qui dépendra des intentions affichées par la NASA et du degré de détermination manifesté par l’Europe.
Capacité de transport : l’ESA continue à étudier le scénario d’un système développé en coopération avec les Russes. La justification est de pouvoir continuer à utiliser après 2015 la Station Spatiale, dont la maintenance posera cependant un réel problème en cas de retrait des Américains…
Communication avec le public
La nécessité de mieux informer et faire participer le public est revenue comme un leitmotiv. Il est noté qu’axer la communication sur les aspects utilitaires tend à banaliser l’espace et à tuer le rêve. Quelques messages majeurs :
-la présence forte dans l’Espace différenciera de plus en plus les nations influentes des autres ;
-l’exploration se fera ; l’Europe se doit d’être partie prenante ;
-l’exploration spatiale touche aux grandes questions telles que : notre place dans l’univers, la place de la vie, le destin de l’humanité, la survie face aux menaces planétaires…
-mais aussi aux grands problèmes de notre époque : l’évolution climatique, la protection de l’environnement, la compétitivité et l’activité économique.
En conclusion
On ne peut que se féliciter de voir les agences spatiales européennes prendre position sans ambiguïté en faveur de l’exploration spatiale, robotique et habitée, et de constater la place privilégiée que tient Mars dans leurs objectifs. Mi-2008, la France va assumer la présidence de l’Europe ; il lui reviendra, comme elle l’a déjà fait dans le passé à l’occasion du lancement d’autres grands programmes, de montrer la conscience qu’elle a des enjeux concernant notre avenir et de faire en sorte que ces orientations reçoivent un puissant soutien politique.La conférence ministérielle sur l’espace de novembre 2008 s’annonce ainsi pour l’Europe, et pour l’image de la France, comme une étape déterminante.