Etude de Joseph R. Michalski (1) et de Paul B. Niles (2), publiée le 10 octobre 2010 dans « Nature Geoscience ».
(1)Planetary Science Institute, Tucson, Arizona / Institut d’Astrophysique Spatiale, Université de Paris Sud, Orsay.
(2)Astromaterials Research and exploration Science, NASA Johnson Space Center, Houston, Texas.
Nous présentons ici un aperçu de cette étude, disponible (en anglais et moyennant payement) sur le site www.nature.com/naturegeoscience
L’étude porte sur les roches du cratère Leighton (57°E / 3°N), proche du volcan Syrtis Major, qui a répandu ses laves sur toute la région, y compris sur l’emplacement du cratère Leighton. Elle a été effectuée sur la base des données recueillies par les spectromètres CRISM (Mars Reconnaissance Orbiter) et OMEGA (Mars Express) ainsi que des photos prises par la caméra HiRISE.
Image en couleurs du pic central du cratère Leighton montrant des couches intercalées de carbonate (claires) et de chlorite (sombres). Ces roches suggèrent que des couches de sédiments contenant des carbonates et des argiles ont subi un métamorphisme en profondeur dans un environnement hydrothermal.
Credit: NASA/JPL/University of Arizona
Dans ce cratère, il apparaît des kaolinites, des carbonates et des silicates hydratés riches en fer et en magnésium, toutes roches impliquant une longue action de l’eau. La caméra HiRISE montre que ces roches correspondent au pic central du cratère et donc aux roches profondes sous-jacentes, exhumées par l’impact. Compte tenu de la taille du cratère, les roches ont dû remonter d’une profondeur d’environ 6 km.
Le schéma montre comment les cratères d’impact peuvent exhumer des matériaux des profondeurs. La remonté se fait au pic central. Sur l’image, les données infrarouges de THEMIS (THermal EMission Imaging System embarqué sur l’orbiteur Mars Odyssey de la NASA) et les spectres examinés par OMEGA (spectromètre embarqué sur Mars Express de l’ESA) sont appliqués sur une topographie établie par MOLA (Mars Orbiter Laser Altimeter embarqué sur l’orbiteur Mars Global Surveyor de la NASA) montrant le cratère Leighton en surface et en coupe (le cratère a 65 km de diamètre et l’exagération verticale est de 10 fois).
Credit: NASA/JPL/University of Arizona.
On pouvait se poser la question de savoir si l’hydratation et l’absorption du carbone, intenses, s’étaient faites après l’impact (et la remontée des roches) ou auparavant. Compte tenu du caractère massif du phénomène concernant les roches du pic, il apparaît que cette hydratation a eu lieu avant l’impact et qu’elle concerne donc aussi le socle rocheux en dessous du manteau de lave provenant de Syrtis Major. Ce socle est probablement constitué de sédiments siliciclastiques (grains de silice) et volcaniques porteurs de carbonates autrefois présents en surface, et qui ont été métamorphisés dans les profondeurs de la croûte. En conséquence l’époque à laquelle l’hydratation s’est effectuée correspond à la période antérieure au volcanisme de Syrtis Major. C’est donc à cette époque très ancienne que l’atmosphère était suffisamment épaisse pour permettre à l’eau de subsister à l’état liquide en surface et permettre l’absorption du carbone de l’atmosphère par les roches qu’elle baignait.
Jusqu’à présent on avait trouvé peu de carbonates sur Mars (dans la région de Nili Fossae et dans quelques affleurements rocheux des Columbia Hills au centre du cratère Gusev). Cette découverte indique qu’il devrait y en avoir beaucoup plus sous les épanchements massifs de lave survenus à la fin du phyllosien et pendant le theiikien.
Cela confirme bien la théorie du Professeur Jean-Pierre Bibiring, selon lequel l’eau était (à une époque reculée) abondante en surface partout sur Mars et pas seulement dans ce qui apparaissait jusqu’à présent comme pouvant avoir été un océan boréal (Vastitas Borealis). Cet « océan » n’a dû, en fin de compte, avoir été qu’une « mer » au sens lunaire, c'est-à-dire une vaste étendue de lave ayant recouvert cet hémisphère lors du bombardement massif tardif de Mars. Elle a pu être occupée ultérieurement par de l’eau lors des grands épanchements provoqués par l’activité tectonique / volcanique de la fin de l’Hespérien mais cette eau, même si elle a pu avoir une action dont il reste des traces (estuaires, volcanisme de boue), n’a pas subsisté suffisamment longtemps en surface pour modifier profondément les roches avec lesquelles elle était en contact.
C’est évidemment une information extrêmement intéressante du point de vue exobiologique.
Pierre Brisson