Les ministres en charge des activités spatiales des 18 pays membres de l’ESA ainsi que du Canada se sont réunis les 25 et 26 novembre à la Haye pour confirmer les différents programmes à conduire par l’Agence Spatiale Européenne dans les prochaines années. Le montant proposé à la décision des ministres était de 10,5 milliards d’euros. La conférence s’est conclue sur 9,95 milliards ce qui constitue un très beau succès.
Doc. ESA
En ce qui concerne l’exploration martienne la situation est plus mitigée. Le programme Exo Mars visant à déposer sur la planète rouge un rover spécialisé dans la recherche des traces de vie, qui avait déjà été décidé lors de la précédente conférence ministérielle, a vu ses coûts augmenter. Outre la tendance naturelle aux dépassements de budgets dans les programmes nouveaux et ambitieux, un budget supplémentaire était demandé pour couvrir une augmentation de la masse de la charge utile souhaitée par la communauté scientifique, augmentation qui entraîne aussi celle de la taille du rover. Une charge utile plus élevée combinée au glissement du programme avec un lancement maintenant reporté à 2016 dans une fenêtre de lancement beaucoup moins favorable que celle de 2011, n’autorise plus l’utilisation d’un Soyouz mais demande un lanceur de la classe Ariane 5 ou Proton. Ainsi le montant total du programme a atteint aujourd’hui 1,2 milliards dont les 691 millions déjà votés lors de la précédente ministérielle. L’ESA avait décidé de limiter le programme à 1023 millions en demandant à la coopération internationale d’apporter le reste. Ainsi le surcroît de budget proposé à la Haye avait été réduit à 332 millions sur lesquels seulement 160 millions ont été trouvés, l’Italie principal contributeur jusque là ayant refusé de maintenir sa contribution au même pourcentage, en limitant son apport supplémentaire à 30 millions. La France a ajouté 30 millions, la Grande-Bretagne 60 millions, l’Espagne 15 millions. Mais la fenêtre budgétaire pour nouveaux apports par les pays membres de l’ESA reste ouverte jusqu’à fin 2009 et le programme continue. A noter qu’un financement est également mis en place pour préparer un futur programme de retour d’échantillons.
L’un des plus gros budgets adopté est celui des opérations de la station orbitale avec 1,375 milliard pour une période de 5 ans. L’ESA affiche que l’objectif est d’utiliser à plein la station pour préparer l’exploration. Le budget voté ne couvre pas les ATV 4 et 5, dont le financement est reporté à plus tard. Les études de définition de l’ATV avec capacité de retour de matériel depuis l’orbite (désigné ARV) font partie des activités décidées.
Une grosse part des budgets débloqués à la Haye concerne la Terre (météorologie, observation, surveillance, compréhension du changement climatique). Cette tendance lourde se maintiendra bien sûr lors des prochaines échéances décisionnelles, compte tenu de la criticité des évolutions constatées. Il ne faudra pas oublier, lors de ces prochaines échéances, que l’exploration spatiale, humaine en particulier, contribuera aussi à développer les technologies dont nous aurons besoin sur Terre pour alléger la pression environnementale exercée par l’homme.
En ce qui concerne les lanceurs, le programme dit post ECA a été doté de 355 millions d’euros, un peu plus que demandé (340 millions). Cela permet de reprendre le développement du moteur Vinci pour un nouvel étage supérieur d’Ariane 5 qui pourrait voler vers 2016. La ministre française de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, a déjà affiché un montant de l’ordre de 1,5 milliards à décider lors de la prochaine conférence ministérielle de 2011 pour achever le développement de cette nouvelle version d’Ariane 5. Avec ce nouvel étage, la performance d’Ariane 5 sera accrue de plus de 20 % mais surtout Ariane disposera de la capacité de rallumage de son étage supérieur, capacité nécessaire pour la majorité des missions de lancement vers les planètes. La nouvelle version du lanceur permettra ainsi d’envoyer plus de 6 tonnes vers Mars contre moitié moins pour la version actuelle handicapée par l’absence de rallumage. Equipé de modules propulsifs (encore à développer) pour mise en orbite lunaire puis atterrissage, la future Ariane 5 pourra aussi déposer plus de 2 tonnes de charge utile sur la Lune pour des opérations européennes autonomes ou en synergie avec des équipages américano-internationaux. Pour mémoire R. Leshner de la NASA avait affiché en juillet 2007, lors d’un workshop au centre ESTEC de l’ESA, que des missions US combinées avec des missions cargo Ariane 5 permettraient de faire passer de 321 à 734 hommes x jours le temps passé sur la Lune par des astronautes lors des 9 premières missions.
La conférence de novembre n’a pas pris de position marquée sur l’avenir des vols habités européens et l’implication de l’Europe dans l’exploration spatiale (au delà du budget voté pour les opérations de la station). Les grandes orientations sur ce sujet sont attendues d’une conférence à haut niveau en 2009.
Doc. ESA
L’accord européen trouvé à la conférence de la Haye couronne une préparation conduite depuis plus d’un an, dont on retiendra le discours du président de la République en février dernier à Kourou, la rencontre informelle des ministres de l’espace organisée par la France en juillet également à Kourou et le Space Council de septembre à Bruxelles. La France, présidente de l’Union Européenne pendant cette période, a ainsi eu le rôle moteur que l’on attendait d’elle, malgré une situation budgétaire peu favorable. Dans les programmes ainsi décidés à La Haye, c’est l’Allemagne qui, avec 2665 millions contre 2335 à la France, a apporté la plus grosse contribution. Mais si l’on inclut les budgets nationaux, la France reste l’acteur spatial le plus important d’Europe. D’ailleurs, selon une étude de l’association ASD-Eurospace, le chiffre d’affaire des industries françaises dans le domaine spatial – incluant les activités purement commerciales – a atteint 2,4 milliards en 2007 contre 810 millions pour l’Allemagne et un peu moins pour l’Italie.
Le pourcentage du budget de l’ensemble des pays européens consacré à l’espace civil reste toutefois environ quatre fois inférieur à celui consacré à ce type d’activités par les USA ….
Rendez-vous en 2011 pour la prochaine conférence.