La deuxième conférence européenne sur l'exploration spatiale au niveau ministériel s'est tenue à Bruxelles le 21 octobre 2010. La première s'était déroulée à Prague en fin 2009. Ces conférences réunissent les ministres en charge des activités spatiales et représentants les pays de l'Union Européenne et de l'Agence spatiale européenne ESA. Sont ainsi intervenus dans la session d'ouverture Herman Van Rompuy, président du conseil européen, Sabine Laruelle, ministre belge de la recherche scientifique et représentant aussi la Belgique actuelle présidente de l'Union, le sous-secrétaire d'état italien Giuseppe Pizza (l'Italie ayant actuellement la présidence du conseil de l'ESA), un représentant d'Antonio Tajani, vice-président de la Commission Européenne, et Jean-Jacques Dordain, directeur général de l'ESA. La représentante de la France était Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le cercle des participants dépassait les frontières européennes, ce qui paraît normal s'agissant d'exploration. Ainsi les USA, le Canada, le Japon, la Russie, l'Ukraine, la Corée du Sud, la Chine, l'Afrique du Sud avaient envoyé leurs représentants à Bruxelles. Au total 150 personnes y représentaient 32 pays.
L'exploration (doc. ESA) Les participants à la conférence de Bruxelles (doc. ESA/Emmanuel Bourgois)
Cette conférence avait été préparée par trois ateliers organisés conjointement par l'ESA et l'UE sur les thèmes suivants:
-Science et éducation dans le programme d'exploration à Strasbourg en mars 2010
-Exploration et innovation, compétitivité industrielle et avancées technologiques à Harwell (UK) en avril
-Scénarios d'exploration spatiale à Capoue (Italie) en mai
De son côté, la présidence belge avait demandé à l'astronaute Franck de Winne d'animer un groupe de travail européen (groupe d'orientation technique) pour préparer cette conférence. Ce groupe avait traité de l'utilisation de la station orbitale dans un contexte d'exploration (mars), de l'exploration et du transport spatial (avril), du programme européen de technologie (mai), de la coopération internationale (juin) et avait consolidé ses conclusions sur ces différents sujets et finalisé ses documents en septembre.
Les principales conclusions (en anglais), l'enregistrement de la conférence de presse finale de Sabine Laruelle, Franck de Winne, Jean-Jacques Dordain et Giuseppe Pizza (en français et italien), une interview de Jean-Jacques Dordain ESA Euronews (français ou autres langues) sont disponibles sur le site ESA :
http://www.esa.int/esaCP/SEMF9AZOBFG_index_0.html
Le rapport du groupe de travail animé par Franck de Winne est disponible en anglais à l'adresse suivante :
http://cms.dynaweb3.nl/users/esa//docs/10A12_spaceexploration/report-of-the-results-of-the-technical-steering-group-final-october.pdf
En parallèle des activités du groupe d'orientation technique de Franck de Winne, la préparation de la conférence a été assurée au niveau politique par un comité de pilotage sous la présidence de la ministre belge Sabine Laruelle et comprenant les ministres en charge des affaires spatiales d’Espagne, Hongrie et Belgique, ainsi que de l’Italie (au titre de la présidence tournante du conseil de l’ESA), le commissaire européen en charge de l’espace et le directeur général de l’ESA.
Le groupe d'orientation technique a résumé ses travaux en quatre thèmes : l’utilisation de la station internationale ISS dans le contexte de l’exploration, les orientations d’un programme technologique européen, l’exploration et le transport spatial, la dimension internationale de l’exploration.
En ce qui concerne la station ISS, le groupe la considère comme la première étape des activités européennes d’exploration humaine de l’espace. C’est en premier lieu une démonstration que des activités de grande envergure en coopération internationales sont possibles. L’extension à la participation d’autres pays est souhaitée. Faut-il comprendre par exemple Inde et Chine ?
Dans le domaine technologique, les sujets affichés comme devant être travaillés sont les systèmes de support vie, l’automatisation et la robotique, les nouvelles sources d’énergie et le stockage de celle-ci, les technologies de transport spatial avancées. Des démonstrations doivent être conduites, en particulier en utilisant l’ISS.
Quatre scénarios ont été identifiés pour l’avenir du transport spatial vers l’orbite basse et au-delà :
Option A : se concentrer sur des technologies avancées dites « en rupture » et dépendre de moyens non européens pour l’accès à l’espace de nos astronautes.
Option B : spécialiser l’Europe comme un fournisseur de logistique dans le cadre d’une architecture globale d’exploration et d’une politique commune de transport agréée entre tous les partenaires.
Option C : acquérir une capacité d’accès humain à l’espace auprès de fournisseurs non européens.
Option D : développer progressivement des moyens d’accès indépendants à l’espace mais avec probablement des conséquences budgétaires sur les autres activités spatiales.
On peut comprendre l’option B comme étant la poursuite du scénario actuel dans lequel l’Europe dessert la station avec l’ATV. Des missions utilisant Ariane 5 peuvent ainsi délivrer des « ATVs » lunaires ou martiens avec des charges utiles tout à fait intéressantes pour le support de missions humaines.
Enfin concernant la coopération internationale le groupe, après avait réaffirmé l’évidence d’un contexte largement international pour l’exploration, souligne que l’Europe a, de facto par son fonctionnement actuel, une grande expérience de la coopération. Il souligne aussi qu’il n’y a finalement pas d’entité mondiale de haut niveau qui serait le lieu de décision sur l’exploration spatiale. Il considère que la réunion de l’an dernier à Prague (à laquelle on peut ajouter celle de Bruxelles) constitue l’exemple de ce qu’il faudrait mondialiser.
Tous ces thèmes ont donc été proposés à la réflexion des ministres ou de leurs représentants à Bruxelles. Le communiqué final reprend les différentes orientations préconisées par le groupe de Winne.
En ce qui concerne le transport spatial, il n' y a pas de choix affiché entre les différentes options A,B,C,D (car un choix aurait impliqué une décision budgétaire de très haut niveau). Il est simplement dit que l'accès à l'espace pour l'exploration demande un degré de redondance afin de disposer d'une architecture de transport résistante aux aléas. On se souvient ainsi que lors du congrès d'astronautique IAC 2008, Astrium avait présenté des images de la cabine US Orion montée sur une Ariane 5, images que l'on peut trouver sur internet (voir aussi Air et Cosmos 2142 du 10 octobre 2008).
Le communiqué final insiste sur l'utilisation de la station comme banc d'essai pour les prochaines étapes de l'exploration. On notera que l'ESA vient de publier un appel à idées dans ce sens.
Le communiqué s'achève sur des recommandations qui, principalement, consistent à demander l'élaboration de stratégies et "feuilles de route" dans le courant de l'année 2011. Une nouvelle rencontre est prévue en fin d'année en Italie. Mais il s'agit cette fois d'une rencontre où tous les pays intéressés par l'exploration, et pas seulement les pays européens, sont invités, la question d'une gouvernance mondiale ou tout du moins d'une coordination mondiale ayant été discutée plusieurs fois lors des débats.
Lors de la conférence de presse qui a clôturé la conférence, une question a été posée sur la gouvernance spatiale européenne, quel rôle pour l'ESA, pour l'UE, qui représentera l'Europe lors de la rencontre mondiale de fin 2011?
A cela le directeur général de l'ESA, Jean-Jacques Dordain, a rappelé très justement que le principal c'est d'avoir un contenu, les questions de gouvernance viendront après.
On peut certes se réjouir de voir que les pays européens et de nombreux autres dans le monde marquent de l'intérêt pour l'exploration et qu'ils sont désireux de se coordonner. Mais il faut aussi malheureusement constater que le contenu manque, et que la concrétisation en programmes n'a pas progressé depuis l'an dernier.
La route est encore longue…