Credit NASA/JPL/ Caltech/ Washington Univ St Louis/ Univ of Arizona
Le samedi 3 août, la sonde Phoenix de la NASA s’est envolée vers Mars. Elle y arrivera le 24 mai prochain et se posera dans une région proche de la calotte glaciaire polaire boréale.
A son bord, parmi les instruments, il y a ceux voulus par le Dr John Marshall* de SETI, grand spécialiste de la poussière, qui seront le complément du bras robotique de Phénix qui permettra le prélèvement d’échantillons.
Credit NASA JPL
Sur Mars, le Dr Marshall est naturellement intéressé par la poussière…martienne et il va pouvoir l’analyser grâce à ces instruments embarqués, collectivement dénommés « MECA », acronyme pour «Microscopy, Electrochemistry, and Conductivity Analyzer », qui ont été mis au point avec le JPL et qui comprennent outre un microscope optique et un microscope moléculaire, divers appareils et réactifs chimiques permettant des expériences de chimie (comme celles des Viking mais en beaucoup plus précis), ainsi qu’un équipement permettant des expériences de physique (adhérence) et de conductivité des matériaux.
A partir de l’apparence et de la texture des grains vues aux microscopes, le Dr Marshall et la NASA vont d’abord essayer de déduire l’histoire géologique des roches et éventuellement le rôle de l’eau :
Le microscope optique qui a une résolution de 4 microns par pixel, permettra la détection et l’observation de particules allant de 10 micromètres jusqu’à la taille des particules visibles (de 1 à 2 millimètres). Un éclairage par diodes électroluminescentes (« LED ») rouge, vert, bleu et ultraviolet indiquera la composition des échantillons pour mettre en évidence la structure et la texture du sol et de l’eau à ces échelles.
Le microscope atomique (utilisant la diffraction aux rayons X et la fluorescence) fournira des images jusqu’à 10 nanomètres, la plus petite échelle jamais utilisée sur Mars. A l’aide de ses capteurs, l’AFM (pour « Atomic Force Microscope ») créera un relevé topographique à très petite échelle, montrant la structure fine des grains de sol et de glace d’eau. La détection de minéraux hydriques et argileux signalerait la présence passée d’eau liquide dans la région polaire boréale martienne.
Grâce à son laboratoire de chimie « humide », MECA va aussi permettre d’étudier la composition chimique des échantillons que le bras robotique prélèvera à l’endroit de l’atterrissage (Phoenix n’est pas un rover mobile). Le laboratoire contient quatre récipients à usage unique, chacun d’eux pouvant recevoir un échantillon de sol martien. En dissolvant de petites quantités de sol dans l’eau, on déterminera le pH des échantillons, la diversité des minéraux présents tels que le magnésium et le sodium (cations) ou des chlorates, des bromates et des sulfates (anions), aussi bien que les quantités d’oxygène et de dioxyde de carbone absorbées par le sol. En alternant imprégnation, agitation et mesures, l’expérience durera une journée entière. Elle se terminera par l’addition de deux réactifs chimiques. Le premier, un acide, mettra en évidence les carbonates et les autres corps solubles dans les solutions acides. Le second révélera les sulfates et les oxydants du sol.
Avant l’observation par chacun des microscopes, MECA se livrera à une expérience de physique pour évaluer l’adhérence des particules. Les échantillons seront apportés par le bras robotique à une roue contenant 69 substrats différents. Les substrats ont été conçus pour distinguer différents types d’adhérence et incluent des aimants et des polymères collants. La roue tournera afin de permettre l’examen par les microscopes des interactions entre chacun des substrats et échantillons.
On va enfin étudier le comportement électrostatique de la poussière. Le dernier instrument de MECA, une sonde de conductivité thermale et électrique, sera attaché aux phalanges du bras robotique. Elle comprendra des pointes qui seront plantées aux extrémités des tranchées creusées pour recueillir les échantillons. Outre les températures, la sonde mesurera les propriétés thermales du sol (comment est transmise la chaleur) fournissant une meilleure connaissance de l’interaction entre surface et atmosphère. En utilisant les mêmes pointes, on mesurera la conductivité électrique du sol pour rechercher toute humidité qui pourrait apparaître lors de l’excavation des tranchées de prélèvement d’échantillons. Les mesures thermiques devraient révéler le contenu en glace et les mesures électriques, le contenu en eau.
Comme il a été dit dans un précédent article sur ce site concernant la poussière, son étude est essentielle, aussi bien pour la suite de l’exploration par engins robotisés que, plus tard, pour l’exploration humaine. En effet les grains de poussières sont fortement chargés électriquement, probablement en raison de leur nature chimique et de la sécheresse de l’atmosphère. Du fait de leur taille extrêmement fine, ils risquent de coller partout, non seulement sur le tissu des scaphandres mais également sur les visières des casques. Ils pourraient aussi gripper les jointures des instruments ou des scaphandres. S’ils s’avéraient trop acérés, ils pourraient en outre présenter un danger pour la santé des astronautes d’autant que leur très petite taille leur permettrait de pénétrer très profondément dans les poumons et qu’on aura beaucoup de mal, du fait de cette taille même, à les empêcher de s’infiltrer dans les scaphandres et dans l’habitat. Certes, on s’attend à ce qu’ils soient moins acérés que sur la Lune car il y a eu et il y a toujours érosion sur Mars, mais on ne sait pas jusqu’à quel point.
Il faut donc connaître les faits afin de trouver des solutions aux problèmes d’adhérence et de nocivité. Pour ce faire, certains comme le nouvel administrateur adjoint de la NASA pour les missions scientifiques, Alan Stern, souhaitent développer un programme de retours d’échantillons. D’autres, comme la Mars Society et nous-mêmes, voulons éviter d’engager des dépenses disproportionnées aux disponibilités, dans des projets que l’ont peut étudier sans moyens « lourds ». L’embarquement des instruments MECA est une illustration parfaite de ce qu’il convient de faire au stade actuel de l’exploration de Mars. De ce point de vue, il est pleinement satisfaisant car il devrait nous permettre avec des moyens réduits (rappelons que l’ensemble de la mission Phoenix est une mission « scout » c'est-à-dire intermédiaire et relativement peu coûteuse) d’obtenir des informations fondamentales. On aurait pu certes les obtenir (du moins certaines) sur échantillons rapportés sur Terre mais cela aurait coûté beaucoup plus cher. Il faut aussi souligner que Mars nous permet une étude dans un environnement réel, pas si facile à reproduire : l’environnement martien. L’étude dans cet environnement est d’autant plus importante qu’il est une des composantes essentielles du phénomène électrostatique que l’on veut comprendre et maîtriser.
Pierre Brisson
* Le Dr Marshall est diplômé en géologie de l’University College de Londres et chercheur au Centre Carl Sagan (« CSC ») de l’institut SETI. Il s’est spécialisé dans les particules « clastiques », c'est-à-dire les poussières produites par la nature.