Note de presse de la NASA du 2 décembre 2009.
Par Dauna Coulter et Dr Tony Phillips (Editeur), Credit : Science@NASA.
Traduction: Pierre Brisson
L’Iliade d’Homère raconte l’histoire de Troie, une cité assiégée par les Grecs au cours des guerres troyennes. Aujourd’hui un robot isolé reste piégé dans les sables troyens tandis que les ingénieurs et les savants œuvrent pour son évasion.
Bienvenus à Troie, style martien. Le rover robotique Spirit de la NASA est bloqué sur la Planète Rouge dans un endroit nommé d’après cette cité antique.
Alors pourquoi les scientifiques ne se lamentent-ils pas ?
« Les roues du rover en tournant sur place ont fait craquer une croûte de roche et nous avons trouvé quelque chose de suprêmement intéressant dans le sol ainsi perturbé » nous dit Ray Arvidson, de Washington University (Saint Louis, Missouri, USA).
Spirit, comme son jumeau Opportunity, parcourt la Planète rouge depuis bientôt six ans. Durant tout ce temps, le rover a connu quelques difficultés sérieuses mais il s’en est toujours sorti. En fait, il avance même à reculons depuis qu’en 2006 une de ses roues s’est bloquée.
Photo 1 : Spirit examine son propre problème. Le sol à couleur claire brillante à gauche est fluide. C’est un matériau pelucheux travaillé par la roue avant gauche du rover alors que Spirit, avançant à reculons, s’est enfoncé au travers d’une surface croûtée plus sombre. A droite on peut voir la moins enfoncée des six roues du véhicule.
Depuis le début, la devise des rovers a été : « suivez l’eau ». Les deux véhicules explorent les terres martiennes à la recherche de minéraux formés en présence de la molécule H2O. Mars apparaît sèche aujourd’hui mais les minéraux peuvent fournir des indices selon lesquels l’eau a été présente autrefois. Arvidson explique que « cela a été facile pour Opportunity de trouver ce type de minéraux car il a atterri dans le lit d’un ancien lac. La tâche de Spirit par contre a été beaucoup plus difficile. Il a atterri dans une plaine basaltique formée par des coulées de lave hachées d’impacts météoritiques répétés. On y a d’abord trouvé très peu de preuves de quoi que ce soit qui ait jamais été vraiment humide ».
Mais quand Spirit a atteint la région de Mars appelée Columbia Hills, le regard que l’on avait jusqu’alors porté sur la mission a complètement changé. « Spirit est tombé sur de l’hydroxyde de fer, un minéral qui se forme en présence d’eau. Cela a commencé à nous interpeler et nous avons continué à rencontrer de plus en plus de roches formées au contact de l’eau ».
Puis Spirit s’est trouvé englué dans une zone de sol très meuble sur le bord d’un petit cratère. Gros soupir ! Encore bloqué !
Mais attendez !
Comme le dit Arvidson, « Spirit devait se retrouver bloqué pour faire sa prochaine découverte ».
En effet, comme il essayait de se dégager, ses roues commencèrent à grignoter le sol en découvrant des sulfates dans le sous-sol immédiat.
« Les sulfates sont des minéraux qui affleurent la surface pour nous crier au visage qu’ils ont été formés dans des évents de vapeur puisque la vapeur contient du soufre. La vapeur est associée à une activité hydrothermale, preuve d’un volcanisme explosif riche en eau. De telles régions ont pu autrefois permettre la vie ».
« Ce qu’il y a encore de plus surprenant, c’est que la limite entre le sol à forte teneure en sulfate et celui à teneur normale se trouve juste sous le rover. Spirit est bloqué sur le bord du cratère, à cheval sur la démarcation entre les deux zones ! »
Photo 2 : Un relevé topographique de l’environnement de Spirit, à Troie. Spirit est à cheval sur le bord d’un petit cratère. Il y a des matériaux sulfatés dans le cratère (à partir du milieu du rover, en allant vers la gauche). La carte a été réalisée à partir d’images stéréo prises par la camera de navigation de Spirit alors qu’il approchait de la zone le 7 avril 2009.
« Le robot a également trouvé que la surface supérieure du matériau sulfaté a formé une croûte. Les sulfates anciens formèrent probablement cette croûte sous l’action des variations climatiques résultant de changements dans l’inclinaison de l’axe de rotation (correction du traducteur) de Mars sur des millions d’années ».
Voici ce que pensent les scientifiques : quand un pôle martien est orienté vers le soleil pendant l’été, il devient naturellement plus chaud et la glace d’eau migre vers l’équateur (il peut même y neiger !). Le sol sombre et chaud sous la glace provoque la fonte de la couche inférieure de glace ; l’eau goutte dans les sulfates en les dissolvant et forme une croûte où du sulfate de calcium subsiste.
« En se trouvant bloqué à Troie, Spirit a pu nous donner des informations sur le cycle contemporain de l’eau sur Mars. » En vérité, la saga de Spirit à cet endroit a donné aux scientifiques des preuves matérielles de présence d’eau sur Mars sur deux échelles de temps : d’une part pour les époques volcaniques anciennes et d’autre part pour les cycles se perpétuant jusqu’à ce jour.
Nous sommes restés « assis » à cet endroit pendant plus de six mois. C’est long pour prendre des mesures. Nous avons appris beaucoup. Troie est un excellent endroit pour rester assiégé mais nous sommes prêts à partir.
Spirit se libérera-t-il pour continuer sa fabuleuse aventure ? Allez sur Science@NASA pour voir si le plan d’évasion fonctionne.
Commentaires : Décidemment, il s’est passé sur Mars des « tas de choses » passionnantes que le régolite nous cache. Il suffirait presque d’une pelle pour soulever fréquemment ce régolite et rassembler beaucoup plus d’informations diversifiées que ce que permet l’examen visuel des lieux ou des roches de surface. Dans ces conditions, il faut se réjouir de la décision d’équiper le rover de la mission « ExoMars » de l’ESA d’un dispositif de forage car il va être extrêmement précieux.
Pierre Brisson