Communiqué NASA/JPL du 15 février 2008 ; traduction : P. Brisson.
Boston, le 15 Février 2008
A l’instar du sel utilisé comme conservateur, les concentrations élevées de minerais dissous dans l'environnement humide primitif de la planète Mars, tel qu’on le connaît grâce aux découvertes du rover Opportunity de la NASA, pourraient avoir empêché le développement ou la survie de toute forme de vie.
Comme le dit Andrew Knoll, un des membres de l'équipe scientifique des rovers, biologiste à l'université de Harvard, « toute eau n’est pas bonne à boire ».
Opportunity et son jumeau Spirit ont abordé leur cinquième année sur Mars le mois dernier, dépassant de loin leur objectif de mission initial de trois mois. A l’occasion d'une réunion à Boston de l'Association Américaine pour l'Avancement des Sciences, des scientifiques et des ingénieurs ont discuté, aujourd’hui, des nouvelles observations effectuées par les rovers, de l’analyse récente de quelques découvertes effectuées précédemment, et des perspectives résultant du succès de ces rovers pour les missions martiennes à venir.
Selon Steve Squyres de l'université de Cornell, investigateur scientifique principal de la mission, « les efforts d’ingénierie qui ont permis aux rovers d’avoir une vie aussi longue ont considérablement augmenté les retombées scientifiques. Les résultats les plus importants de Spirit, tels que les preuves de sources chaudes ou de fumerolles de vapeur, n’ont été obtenus qu’après les trois premiers mois ».
Opportunity a passé les derniers mois à examiner une bande de roches très claires sur le pourtour intérieur du cratère Victoria. Les scientifiques avaient précédemment estimé que ce matériau aurait pu être un fragment de la surface du sol existant juste avant l'impact qui a excavé le cratère. Un examen plus approfondi suggère, selon Squyres, qu’il s’agit en réalité du dessus d’une poche d’eau souterraine.
Cette vue prise par le MER Opportunity de la NASA montre une couche stratigraphique de roche officieusement appelée « Lyell » qui est la plus basse des trois couches que le rover a examinées dans une bande de roches claires au pourtour intérieur du cratère Victoria.
Credit : NASA/JPL-Caltech/ Université Cornell.
Des expériences menées, sur la base des observations d’Opportunity, à l’aide de simulations informatiques de conditions martiennes dans les temps très anciens permettent aux chercheurs d’affiner les premières évaluations faites sur l’hospitalité aux microbes de la région Meridiani. Les probabilités semblent maintenant plus faibles. Selon Knoll, « au début, nous nous sommes concentrés sur l'acidité, parce que l'environnement martien aurait été très acide. Maintenant, sur la base des minéraux trouvés par Opportunity, nous réalisons que l'eau était également très saline. Ceci rend les possibilités de vie moins probables ».
« Il est possible que les conditions aient été plus hospitalières au tout début de l’histoire de Mars, avec de l'eau moins saumâtre, mais les conditions postérieures, sur Meridiani et ailleurs, semblent l’avoir été beaucoup moins », dit Knoll. « La vie à la surface de Mars a dû être très difficile pendant les derniers 4 milliards d’années. Nos meilleurs espoirs pour trouver des traces de vie sur Mars subsistent dans des environnements que nous n'avons pas encore étudiés – les plus anciens et le sous-sol ».
Les rovers et les orbiteurs de la NASA actuels, sur et autour de Mars, poursuivent le thème de la recherche de l’eau. Ils déchiffrent le rôle et le destin de l'eau sur une planète dont la différence la plus évidente avec la Terre est la rareté de l’eau. « Nos prochaines missions, Phoenix et Mars Science Laboratory, passeront de la recherche de l’eau à celle de l’habitabilité – pour évaluer si les endroits où il y a eu de l'eau ont connu des conditions convenant à la vie, » dit Charles Elachi, directeur du Jet Propulsion Laboratory de la NASA. « Les missions ultérieures pourront rechercher des traces de vie là où l’on estimera que les conditions permettaient l’habitabilité. »
Elachi fait état des accomplissements de Spirit et d’Opportunity : « Ils ont fonctionné 16 fois plus longtemps que prévu, parcouru une distance 20 fois plus grande que prévu, et, ce qui est le plus important, ils ont trouvé de nombreux témoignages géologiques des effets de l'eau dans les environnements anciens de Mars », dit il. « Nous ne devons pas laisser ces succès nous illusionner sur la facilité de ce type d’exploration. Cinquante ans après le début de l’ère spatiale, nous sommes toujours dans l'âge d'or de l'exploration robotique de notre système solaire, chaque mission étant, d'une manière ou d’une autre, sans précédent, alors que nous repoussons chaque fois les limites du possible. Chaque mission présente de nouveaux défis ».
La sonde Phoenix qui doit atteindre Mars le 25 mai (le 26 en Europe), évaluera l’habitabilité d'un environnement peu profond de sol glacé, plus au nord que n'importe quelle autre site déjà exploré. Cette mission remet à l’ordre du jour des technologies de missions antérieures à Spirit et Opportunity. La mission suivante, avec le rover Mars Science Laboratory, incorporera plusieurs des leçons tirées de l’expérience des rovers actuels, dit son chef de projet, Richard Cook, du JPL : « Le prochain rover sera beaucoup plus grand de façon à pouvoir transporter les instruments nécessaires à la réalisation de ses objectifs, mais il serait ridicule d’envisager de mener la mission Mars Science Laboratory sans tenir compte de l’expérience des MERs ».
Le rover Mars Science Laboratory pèsera environ quatre fois plus que Spirit ou Opportunity. « On ne pourra absolument pas utiliser les airbags à l’atterrissage », dit Rob Manning, du JPL, ingénieur en chef du futur rover. Au lieu de cela, un étage de rétrofusées le descendra jusqu’à la surface au bout d’un câble. Les leçons de Spirit et d’Opportunity seront utilisées quand le rover commencera à se déplacer au sol. « Avec les rovers actuels, nous avons appris que nous pouvons faire confiance à la technologie autonome de navigation à un niveau que nous n'avions jamais prévu, de telle sorte que maintenant nous pouvons l’inclure comme technique éprouvée dans notre conception de mission pour le Mars Science Laboratory », dit Manning.
Commentaire :
L’évolution de nos connaissances sur Mars nous conduit à envisager un créneau relativement étroit pour l’apparition et le développement de la vie. Le processus a pu s’interrompre si tôt que les vestiges qui subsistent risquent fort d’être difficiles à trouver. Ceci dit, les prémices éventuelles de la vie restent un trésor inestimable et les identifier constituerait une découverte d’une signification suffisante pour justifier le voyage et les efforts.
Pierre Brisson