Communiqué du Jet Propulsion Laboratory (CalTech) de la NASA du 2 juillet 2009 (« 2009-106 »).
Par Et
Guy Webster 818-354-6278 Johnny Cruz 520-621-1879
Jet Propulsion Laboratory, Pasadena, Calif. University of Arizona, Tucson
guy.webster@jpl.nasa.gov cruzj@email.arizona.edu
Traduction et commentaire de Pierre Brisson
Une chimie favorable et des périodes où se matérialisent de fines pellicules d’eau liquide durant des cycles climatiques longs et continus, peuvent à certains moments constituer, dans la région où la sonde Phoenix de la NASA s’est posée sur Mars (68.22°N), un environnement favorable à certains microbes.
Les interprétations de données que Phoenix a envoyées durant les cinq mois de son fonctionnement dans une plaine arctique de Mars, font l’objet de quatre articles dans l’édition de cette semaine du journal américain Science (www.sciencemag.org ). Ce sont les premiers rapports notables, de qualité scientifique, sur les résultats de la mission. Phoenix a mis fin à ses communications en Novembre 2008 lorsque l’approche de l’hiver martien l’a privé de l’énergie que lui apportaient ses panneaux solaires.
Peter Smith, directeur de la recherche pour la sonde Phoenix, de l’Université d’Arizona (Tucson), déclare : « Non seulement nous avons trouvé de la glace d’eau, comme nous nous y attendions, mais la chimie et les minéraux du sol que nous avons observés, nous conduisent à penser que ce site a connu un climat plus humide et plus chaud dans un passé récent (ces derniers millions d’années) et que cela pourrait se reproduire ».
Un article sur la recherche d’eau par Phoenix, pour lequel Smith est l’auteur principal (avec 36 co-auteurs appartenant à 6 pays différents), cite les indices justifiant l’interprétation que des pellicules d’eau liquide ont couvert le sol durant un passé récent. Les auteurs concluent que les preuves de présence d’eau et de nutriments potentiels, « impliquent que cette région pourrait avoir, dans le passé, satisfait aux critères d’habitabilité » durant des portions de cycles climatiques persistants.
La surprise la plus importante fut de trouver dans le sol martien une molécule chimique très polyvalente, le perchlorate. Selon Michael Hecht du JPL de la NASA, qui publie avec dix co-auteurs, un article sur les découvertes de Phoenix dans le domaine de la chimie des solubles, cette découverte de Phoenix souligne l’importance grandissante de la chimie dans la recherche concernant la planète.
« L’étude de Mars est en train de passer d’une époque où l’on suivait la piste aqueuse à une époque où l’on suit la piste chimique » dit-il. « Avec le perchlorate, par exemple, nous voyons des liens avec l’humidité atmosphérique ou celle du sol, une source possible d’énergie pour des microbes et même, une ressource possible pour les hommes ».
Le perchlorate, qui est un absorbeur très fort d’humidité, constitue quelques dixièmes de pour cent de la composition de trois échantillons de sol analysés par le laboratoire de chimie humide de Phoenix. Il serait capable d’extraire de l’humidité de l’atmosphère martienne. A de plus fortes concentrations, il pourrait se combiner avec de l’eau pour constituer une saumure qui resterait liquide aux températures martiennes de surface. Sur Terre, certains microbes utilisent le perchlorate comme nourriture. Les explorateurs humains pourraient l’utiliser comme combustible pour propulser leurs fusées ou comme source d’oxygène.
Une autre surprise de Phoenix a été d’observer des nuages de glace et des précipitations plus semblables qu’on s’y attendait, à celles observées sur Terre. Le laser canadien embarqué sur la sonde pour étudier l’atmosphère, a détecté de la neige tombant des nuages. Dans l’un des articles de cette semaine, Jim Whiteway de l’Université de York, à Toronto, et 22 co-auteurs, écrit que, en avançant plus loin dans l’hiver que n’a pu le faire Phoenix, ces précipitations devraient donner lieu, à la surface et dans le sol, à la constitution d’une couche de glace d’eau saisonnière.
« Avant Phoenix nous ne savions pas s’il y avait des précipitations sur Mars » dit Whiteway. « Nous savions que la glace de la calotte polaire descendait jusqu’au site de Phoenix en hiver mais nous ne savions pas comment la vapeur d’eau passait de l’atmosphère à la glace sur le sol. Maintenant nous savons qu’il neige bien et que cela fait partie du cycle de l’eau sur Mars ».
La preuve que, dans la région, la glace d’eau fond parfois suffisamment pour humidifier le sol, vient de ce qu’on a trouvé du carbonate de calcium dans des prélèvements de sol qu'on a chauffés dans les fours analytiques de la sonde, ou que l’on a mêlés à des acides dans le laboratoire de chimie humide. William Boynton et 13 co-auteurs de l’Université d’Arizona rapportent que la quantité de carbonate de calcium est « tout à fait compatible avec une formation dans le passé, par interaction entre le dioxyde de carbone de l’atmosphère et une pellicule d’eau sur des particules de surface ».
Les nouveaux articles de Science laissent non résolu le problème de savoir si les échantillons de sol ramassés par Phoenix, contenaient des composés organiques à base de carbone. Le perchlorate pourrait avoir détruit des composés organiques simples durant le chauffage des échantillons dans les fours, empêchant ainsi une détection claire.
Le chauffage dans les fours n’a pas permis d’extraire de vapeur d’eau à moins de 295°C, indiquant ainsi que le sol ne contenait pas d’eau adhérant aux particules de sol. Les cycles climatiques résultant de changements dans l’inclinaison de l’axe de rotation de la planète ou dans son orbite, sur des échelles de centaines de milliers d’années ou davantage, pourrait expliquer pourquoi les effets d’humidification du sol sont aujourd’hui présents.
La mission Phoenix était dirigée sur le plan scientifique par Peter Smith de l’Université d’Arizona, le projet était dirigé par le JPL et il a été réalisé techniquement chez Lockheed Martin, à Denver (Colorado). Les informations et les images de la mission sont disponibles en ligne sur les sites : http://phoenix.lpl.arizona.edu et http://www.nasa.gov/phoenix .
Commentaire:
Décidemment, plus on avance dans la connaissance de Mars, plus on revient sur les mauvaises impressions initiales qui nous faisaient comparer Mars à la Lune. Certes Mars n’est pas la Terre mais son histoire géologique très riche pendant son premier milliard d’années a continué sous des formes originales tout au long du temps qui s’est écoulé depuis que son noyau s’est refroidi et que son atmosphère s’est appauvrie et asséchée.
Les premières altérations des roches par l’eau, effectuées dans les premiers âges de Mars, ont peut-être suffi pour déclencher des processus qui plus tard ont permis la vie. Le perchlorate, fonctionnant comme le préservateur d’un minimum d’humidité, est peut-être le lien original qui a permis au processus de continuer.
En ce qui concerne la Lune, au contraire, plus la recherche progresse, plus il se confirme que cet astre est resté inerte, sec et stérile depuis ses origines. Le 6 juillet 2009 Spaceflightnow.com rapporte ainsi que "les capteurs à haute résolution embarqués par la sonde japonaise Kaguya n'ont pu détecter aucun signe d'eau dans les cratères de la zone polaire qui sont en permanence dans l'obscurité".
Retournons sur Mars. La publication des résultats de la mission Phoenix doit être l’occasion de saluer les prouesses extraordinaires réalisées par les scientifiques du monde entier qui ont conçu et fait fonctionner les différents équipements de la sonde puis qui ont interprété les données transmises. On en parle peu mais la coopération dans ce domaine est remarquable. On est là dans une vraie mondialisation qui fonctionne sans à-coups et sans bruit inutile en faisant travailler ensemble les meilleurs esprits de l’humanité.
Après les premières études, il y en aura évidemment d’autres et nous les attendons avec impatience, mais il faudra que les données du prochain laboratoire mobile de la NASA (« Curiosity », lancement prévu en 2011) nous parviennent pour faire un nouveau saut dans la connaissance. Il reste peu de temps mais les scientifiques peuvent sans doute encore (sans retarder le lancement) adapter et affiner leurs programmes de recherche en fonction des acquis de Phoenix pour qu’ils puissent nous envoyer des informations encore plus pertinentes et passionnantes.
Pierre Brisson