La question du méthane sur Mars est l'un des sujets les plus discutés de nos jours, parmi les grandes énigmes de la planète rouge.
Le méthane est un hydrocarbure de formule brute CH4. C'est le plus simple composé de la famille des alcanes. C'est un gaz que l'on trouve sur Terre à l'état naturel et qui est essentiellement produit par des organismes vivants. Il est principalement utilisé comme combustible ainsi que comme liquide réfrigérant. Il est également reconnu comme étant un des principaux gaz à effet de serre avec la vapeur d'eau…
Sur Mars, le méthane a été mis en évidence par différents moyens, depuis des observatoires orbitales mais aussi depuis des observatoires terrestres. Et si la quantité de méthane sur Mars est de mieux en mieux connue, son origine (géologique ou organique) reste encore totalement ignorée.
Cependant, deux chercheurs français (Franck Lefèvre – LATMOS et François Forget – LMD) viennent de publier un article fascinant dans la revue Nature (datée du 06/08/09) intitulé « Observed variations of methane on Mars unexplained by known atmospheric chemistry and physics », qui éclaire un peu mieux notre non-savoir sur le sujet.
Voici le communiqué de presse du CNRS présentant l'article.
"Les variations de méthane atmosphérique apparemment observées dans certaines régions de la planète Mars contredisent notre connaissance de la physique et chimie de l’atmosphère. C’est ce que viennent de démontrer deux chercheurs CNRS appartenant à des équipes INSU-CNRS. Les chercheurs ont simulé l’évolution du méthane avec un modèle numérique 3D de l’atmosphère de Mars. Ils ont ainsi montré que la chimie atmosphérique telle que nous la connaissons n’autorise pas de variation détectable du méthane sur Mars, même dans le cas d’une source locale ou saisonnière. Pour reproduire les observations, il est nécessaire de disposer d’une source de méthane 600 fois plus forte que si le méthane était mélangé, mais également d’un processus atmosphérique de destruction 600 fois plus rapide. Si la destruction du méthane survient au niveau du sol, celle-ci doit s’effectuer en 1 heure, d’où un environnement extraordinairement hostile pour la survie de molécules organiques sur Mars. Des nouvelles mesures sont donc indispensables pour mieux comprendre la chimie du méthane martien.
Sur Terre, plus de 90% des émissions de méthane dans l’atmosphère sont d’origine biologique. La détection de traces de méthane sur Mars par la sonde européenne Mars Express (ESA) en 2004 avait donc relancé l’hypothèse d’une vie présente ou passée à la surface de la planète, même si les faibles quantités mesurées (environ 50 000 fois moins que sur Terre) peuvent également résulter d’une source géologique. Un aspect surprenant de cette découverte est que le méthane martien varie avec la saison et présente de fortes concentrations localisées, comme semblent le montrer des observations télescopiques récemment publiées en janvier 2009. Du fait de sa durée de vie théorique de plus de 300 ans, on s’attend pourtant à ce que le méthane soit mélangé de façon homogène par la circulation atmosphérique.
En utilisant un modèle de circulation générale qui inclue la photochimie du méthane, les chercheurs ont montré que la photochimie telle que nous la connaissons ne produisait aucune variation mesurable du méthane sur Mars. En revanche, la condensation et sublimation du gaz carbonique aux régions polaires peuvent conduire à des variations importantes de méthane, mais celles-ci diffèrent notablement de celles observées. Pour obtenir une évolution spatiale et saisonnière compatible avec les observations, il est calculé que le méthane doit être émis dans des quantités comparables à celles produites par hydrothermalisme sur l’ensemble de la dorsale médio-atlantique, une importante source géologique de méthane sur Terre. Une telle production est surprenante sur une planète aride et au volcanisme dormant comme Mars. Par ailleurs, ce méthane doit être détruit en environ 200 jours terrestres dans l’atmosphère. Ce résultat implique l’existence d’un processus de destruction inconnu, rapide, et particulier à Mars. De plus, il ne doit pas affecter les autres espèces chimiques observées dans l’atmosphère de la planète (ozone, peroxyde d’hydrogène, ou monoxyde de carbone) pour lesquelles un bon accord est généralement observé avec les modèles. L’hypothèse récente d’une destruction électrochimique du méthane dans les tempêtes de poussière, testée dans l’étude, ne semble pas répondre à cette dernière condition. Une autre éventualité est que le méthane soit détruit au contact du sol martien. Dans ce cas, il est montré que cette perte doit intervenir en environ 1 h pour expliquer les observations. L’existence d’un processus aussi rapide dans le sol martien est aujourd’hui difficilement explicable. Le prochain rover Mars Science Laboratory (2011) permettra d’étudier cette énigme en effectuant les premières mesures in situ du méthane sur Mars. La surveillance du méthane martien se poursuivra avec le Mars Science Orbiter prévu en 2016, puis par le rover européen Exomars."
Quoiqu'il en soit de la nature exacte du méthane martien, bien réel quoiqu'en quantité très modeste, son étude approfondie dans les années à venir est fondamentale aussi bien pour la connaissance martienne, son éventuelle activité chimique, voire géologique ou même biologique, mais aussi pour l'étude et la simulation du réchauffement climatique en cours sur la planète … Terre !
© Texte : Gilles Dawidowicz/APM – CNRS.
© Image : Gilles Dawidowicz/APM.