Info NASA du 26 mars 2009.
Auteur : Dauna Coulter ; Editeur : Dr Tony Phillips ; Credit Science@NASA
Traducteur : Pierre Brisson (APM).
En janvier 2004 la NASA a fait atterrir à la surface de Mars deux rovers robots identiques, dénommés « Spirit » et « Opportunity ». Il était prévu au début que les jumeaux effectuent une mission brève de trois mois pour nous raconter une histoire de l’eau et, si possible, de la vie elle-même, dans le passé de la planète. Plus de cinq ans après, le dynamique duo parcourt toujours la Planète rouge, engagé dans une saga de la sur-performance qui a transformé l’exploration martienne.
Image digitale d’Opportunity sur Mars, 14 décembre 2005.
Image: Z. Gorjian, K. Kuramura, M. Stetson, E. De Jong.
Credit: Mars Exploration Rover Mission, Cornell, JPL, NASA
Selon Steve Squyres, responsable de la recherche pour la « Mars Exploration Rover Mission » (Mission d’exploration martienne par rovers), « Spirit et Opportunity ont permis d’inventer une discipline entièrement nouvelle, la « science robotique de terrain ». Ils nous ont appris comment organiser d’importantes équipes de scientifiques et d’ingénieurs pour utiliser des rovers robots sur une planète lointaine. Nous avions tous à apprendre comment travailler ensemble effectivement, année après année, pour extraire le plus de science possible des rovers. »
Ce que les équipes continuent à faire.
Parmi les résultats remarquables obtenus sur une demi décennie de ces robots alimentés par panneaux solaires, on doit noter la preuve que Mars n’a pas toujours été aussi froide et aussi sèche qu’aujourd’hui. Elle n’aurait sans doute jamais pu servir de cadre à la comédie musicale « La mélodie du Bonheur » mais l’eau y a coulé et il y a fait assez chaud pour que la vie y soit possible.
Les membres de la Mission d’exploration martienne ont aussi appris à connaître les dangers de faire évoluer des rovers robots situés à des centaines de millions de km. Plus d’une fois, les véhicules se sont « plantés ». « Nous savons maintenant comment négocier les dunes de sable et les amas de pierraille » déclare Squyres « et, ce qui est sans doute plus important, comment les éviter. Nous avons transcrit cinq ans d’expérience dans des cartes nouvelles et améliorées, ainsi que dans des logiciels de conduite à distance qui nous aiderons le temps que durera encore notre mission et qui aideront aussi les prochains rovers. »
Des planificateurs pleins d’espoir sont déjà en train d’établir de nouvelles opérations pour les jumeaux, en supposant que la paire continue à tracer son chemin mais en prenant aussi en compte la possibilité que l’un ou l’autre rover, ou même les deux, puissent, à tout moment, cesser de fonctionner. Après tout, ces robots ne sont pas vraiment des perdreaux de l’année. Spirit se déplace à reculons depuis qu’une de ses roues s’est bloquée en 2006 et la rupture d’un fil électrique a réduit les mouvements du bras robotique d’Opportunity.
Pourvu que les jumeaux tiennent le coup encore un peu, voici les derniers projets :
Opportunity, « le petit chanceux depuis le premier jour » selon Squyres, s’est déplacé d’un cratère à l’autre depuis le début de la mission et se dirige maintenant vers le plus grand cratère jamais visité, Endeavour. Il a 20 km de diamètre et une profondeur de 100 mètres.
Selon Squyres « Pour y arriver nous devrons doubler les chiffres du compteur kilométrique sur un véhicule âgé de cinq ans et il faudra à peu près deux ans pour l’atteindre (100 mètres est, en moyenne, la distance que peut parcourir Opportunity en un jour). Ce sera une longue marche à travers la plaine, mais ça vaudra la peine. En effet, plus le cratère est profond, plus nous pouvons regarder loin dans l’histoire de la planète. »
La « longue marche ». En route vers le cratère Endeavour, Opportunity se retourne pour nous montrer ses propres traces.
Opportunity a utilisé sa camera de navigation pour prendre cette image de son environnement le 1.798 jours de sa mission (13 février 2009).
Credit Image: NASA/JPL-Caltech
Ray Arvidson, son adjoint, précise : « Endeavour nous intrigue car les roches à proximité semblent différentes de celles qui entourent les autres cratères qu’Opportunity a déjà visités. Les bords du cratère Endeavour sont en partie redressés (le fond rocheux ancien de Mars étant ainsi exposé) et les pierres qui se trouvent à proximité peuvent suggérer l’existence de lacs acides à la surface de Mars il y a des milliards d’années. »
Et qu’en est-il de l’autre jumeau ?
« Spirit est le rover le plus difficile à manœuvrer » dit Squyres. « Là où il se trouve, il n’y a pas suffisamment de vent pour nettoyer les panneaux solaires et cela affecte la puissance du véhicule. Spirit doit aussi se déplacer sur un terrain plus difficile. Les pierres et le sable non aggloméré sont traîtres. Bien sûr, pour couronner le tout, Spirit avance à l’envers. Heureusement, la région où a atterri Spirit présente une situation géologique très riche avec une diversité considérable et beaucoup de variations sur une petite surface. »
De la poussière collante sur les panneaux solaires ont réduit l’énergie dont le rover peut disposer.
Nous sommes au 1.811ème jour (5 février 2009) de la mission, tout près de Home Plate. Le jour suivant, le vent a enlevé un peu de poussière. Le 5 février le rover recevait 25% de la lumière du soleil ; le 6 février, 28% (l’énergie captée est passée de 210 à 240 watt/heure)
Crédit : NASA/JPL-Caltech
Spirit progresse maintenant, lentement mais régulièrement, sur le chemin qui doit le mener à Von Braun, une butte rocheuse plate qui semble intéressante. Elle se trouve à seulement 250 mètres environ mais il lui faudra plusieurs mois pour l’atteindre. Ensuite Spirit se dirigera vers un puits de 30 mètres de diamètre qui peut être un cratère d’explosion volcanique et peut-être aussi le site d’une activité hydrothermale.
« A cause de la géologie de son environnement, Spirit se spécialise dans la recherche de témoignages rocheux de volcanisme explosif aqueux, » dit Arvidson. De telles zones pourraient avoir jadis permis la vie. »
« Home Plate, où Spirit a passé l’hiver, est une structure volcanique érodée de telle sorte qu’elle montre ses différentes strates géologiques, » explique Arvidson. « Nous pensons que Von Braun et la structure voisine, « Goddard », peuvent être constituées des mêmes roches ».
Les membres de l’équipe Mars Exploration espèrent vivement que les rovers réalisent tous ces objectifs ambitieux mais ils sont tout à fait conscients des limites des jumeaux.
« Il n’y a aucun moyen de savoir ce que le futur réserve au rovers aujourd’hui, » dit Squyres. « La mission pourrait très bien s’arrêter demain mais le miracle peut aussi continuer. »
Arvidson rappelle le jour, il y a plus de cinq ans, quand Spirit a touché pour la première fois le sol martien : « Quand il était prévu que Spirit atterrisse, j’étais dans l’avion, revenant d’Hawaï, en route vers l’aéroport de Los Angeles. J’avais juste besoin de savoir si le rover étais arrivé et j’ai donc demandé au pilote d’interroger par radio les contrôleurs aériens pour qu’ils lui disent si Spirit avait atterri sans casse. J’étais fou de joie quand il l’a fait et a confirmé que Spirit était posé sur le sol de Mars, prêt à fonctionner. »
Spirit fonctionne toujours, Opportunity fonctionne toujours et Arvidson est toujours fou de joie.