Info NASA du 6 mai 2009.
Editeur: Dr. Tony Phillips | Credit: http://science.nasa.gov
Traduction et commentaire : Pierre Brisson
Les chercheurs n’ont pas cessé de s’interroger à ce sujet depuis que des bactéries de type salmonelle, qui s’étaient développées à bord de la navette spatiale, sont revenues de l’Espace 3 à 7 fois plus virulentes que des salmonelles cultivées sur Terre dans des conditions par ailleurs identiques. Trouver pourquoi pourrait aider à protéger les astronautes de certaines maladies et conduire à mettre au point de nouveaux traitements contre les intoxications alimentaires et d’autres problèmes médicaux communs sur Terre.
Photomicrographie de salmonelles. © Pacific Northwest National Laboratory.
De nouvelles études, menées par Cheryl Nickerson (Université d’état d’Arizona) et ses collègues, expliquent non seulement pourquoi les salmonelles sont tant stimulées dans l’Espace mais aussi comment on peut les calmer.
« Nous pensons que le voyage spatial pousse les salmonelles à se comporter comme si elles se trouvaient dans l’intestin humain », dit Nickerson. « C’est un phénomène mécanique résultant des contraintes de cisaillement au sein des fluides (viscosité)».
Les microbes de type salmonelle ont la propriété de percevoir la force des fluides se déplaçant le long de leur surface externe. Cette force agit comme un signal envoyé au microbe, qui l’aide à savoir où il se trouve à l’intérieur du corps humain. Les salmonelles pénètrent généralement dans le corps en profitant de l’ingestion de nourritures par lesquelles elles se sont fait prendre en auto-stop. Au milieu de la tuyauterie des intestins, le mélange liquéfié des aliments à moitié digérés et des sucs digestifs est malaxé fortement, ce qui induit des forces de viscosité importantes.
Mais en s’approchant des parois de l’intestin, les cellules de salmonelles s’introduisent dans de minuscules anfractuosités situées entre les protubérances cillées microscopiques appelées « microvili » qui tapissent le tissu intestinal. Là, les cellules se trouvent à l’abri des mouvements de malaxation et des forces de viscosité qui tombent à un niveau très bas. C’est dans ces endroits que les cellules bactériennes peuvent migrer des intestins au flux sanguin pour initier des infections. Cela aurait donc du sens pour une bactérie ressentant de faibles forces de viscosité de modifier l’activité de ses gènes qui lui permettent de survivre pour, dans ces conditions, entreprendre une infection.
Des simulations sur ordinateur ont montré que les valeurs de viscocité ressenties par les bactéries dans un environnement en apesanteur, tel que celui prévalant en orbite basse terrestre, sont semblables à celles ressenties dans ces anfractuosités de la paroi intestinale. Selon Nickerson, « le vol spatial crée un environnement à faible viscosité ».
L’équipe de Nickerson a examiné les salmonelles de deux vols de navette vers la Station Spatiale Internationale : STS-115 en Septembre 2006 et STS-123 en Mars 2008. Elle a trouvé que 167 gènes étaient soit plus actifs, soit moins actifs dans ces bactéries stimulées que dans des bactéries qui n’avaient pas pris part aux vols. L’équipe a également identifié un « commutateur » qui régule environ un tiers de ces gènes, une protéine appelée « Hfq ». Elle a constaté que l’activité de cette protéine était également affectée par les conditions de faible viscosité prévalant durant les vols spatiaux.
L’astronaute de la NASA, Heidemarie Stefanyshyn-Piper, met en route une expérience sur les salmonelles durant le vol spatial de navette STS-115.
Maintenant que les scientifiques savent quels sont les gènes et les protéines qui permettent de créer ces effets de virulence accrue, ils cherchent à utiliser cette information pour mettre au point de nouvelles stratégies, vaccins ou thérapies, pour combattre les maladies alimentaires de type salmonellique.
L’équipe a déjà trouvé une voie prometteuse pour combattre la sur-virulence des salmonelles : ajouter une dose d’ions. Lorsque Nickerson et ses collègues cultivaient la même souche de bactéries dans un milieu qui contenait une plus forte concentration de cinq ions (potassium, chlorure, magnésium, sulfate et phosphate), la virulence des bactéries développées en raison du vol n’augmentait pas !
« Les cellules sont de drôles de choses », dit Nickerson. « Si on leur donne trop ou trop peu de quelque chose qu’elles ont l’habitude d’avoir dans leur environnement, elles ont des réactions surprenantes. »
Il s’avère que de nombreux gènes activés par l’environnement à faible viscosité des vols spatiaux sont impliqués dans le transport de ces ions à l’intérieur et à l’extérieur des cellules. Il pourrait donc y avoir un lien. La recherche sur cet effet des ions est toujours en cours, dit Nickerson, mais elle imagine que cela pourrait finalement conduire à de nouvelles utilisations de ces ions pour se protéger des infections de salmonelles.
Nickerson rapporte que lorsqu’on lui pose la question : « Pourquoi diable avez-vous pensé à examiner les salmonelles dans l’Espace ? », elle retourne la question pour demander « Pourquoi ne pas y penser ! ». Elle ajoute : « chaque fois que les scientifiques ont examiné des microbes dans des situations extrêmes, ils ont trouvé des explications étonnantes sur la manière dont ils fonctionnent. Les vols spatiaux sont un environnement extrême qui a encore été relativement peu exploité. »
« Pour moi, c’était une évidence. »
Commentaire :
Depuis la plus haute antiquité (souvenons nous des crues du Nil), un environnement stimulant déclenche le progrès. L’Espace donne une autre dimension à cette stimulation en la renouvelant et en l’enrichissant. Imaginons les perspectives ainsi ouvertes demain par la création d’établissements humains sur Mars !
Pierre Brisson