NASA, le 30 juillet 2010, Dr. Tony Phillips | Credit: Science@NASA:
Traduction et commentaire de Pierre Brisson
Les contrôleurs de mission n’ont plus rien entendu en provenance du rover martien Spirit depuis le 22 mars alors qu’il affronte le plus grand défi qu’il ait eu à surmonter : survivre au terrible hiver martien.
Le 26 juillet, pour s’efforcer de communiquer avec Spirit, la direction de mission a commencé à utiliser une technique d’appel dite « sweep and beep » (balayer et biper). « Plutôt que de nous contenter d’écouter, nous envoyons des instructions au rover lui demandant de nous répondre avec un « bip », dit John Callas, chef de mission au JPL de la NASA pour Spirit et son jumeau Opportunity. « Si le rover est réveillé et nous entend, il nous enverra ce bip. »
Spirit est probablement dans un mode d’hibernation utilisant un minimum d’énergie. Pour son quatrième hiver martien (qui dure de mai à novembre), le rover n’a pas pu se placer sur une pente favorable (face au soleil). La lumière rasante du soleil pendant cette période limite l’énergie que génèrent ses panneaux solaires. Pendant l’hibernation le rover suspend ses communications et ses autres activités de telle sorte que l’énergie disponible puisse être utilisée pour recharger et chauffer les batteries et pour maintenir en fonction l’horloge de mission.
En se fondant sur les modèles climatiques martiens et leurs effets sur l’énergie disponible, la direction de mission croit que si Spirit répond, le plus probable est qu’il le fasse dans les prochains mois. Cependant il y a une possibilité très claire qu’il ne réponde plus jamais.
« Ce sera un miracle martien si notre rover tant aimé nous appelle » dit Doug McCuistion, directeur du Programme d’Exploration de Mars à la NASA (Washington). « Il n’a jamais affronté ce type de conditions extrêmes auparavant. On est en territoire inconnu. »
Parce que la plupart de ses éléments de chauffage ne sont pas alimentés en énergie cet hiver, Spirit connaît les températures internes les plus froides qu’il ait déjà supportées : – 55°C. Lors des trois hivers martiens précédents, Spirit communiquait avec la Terre une ou deux fois par semaine et utilisait ses éléments de chauffage pour se maintenir au chaud, en étant stationné sur une pente face au soleil. Cela a permis de garder les températures internes au dessus de – 40°C.
Spirit a été conçu pour se réveiller de son hibernation et communiquer avec la Terre quand sa batterie est chargée correctement. Mais, si les batteries perdent trop d’énergie, l’horloge de Spirit peut s’arrêter et perdre ses repères de temps. Le rover pourrait toujours se réveiller mais il ne saurait pas quelle heure il est, une situation qu’on appelle un « défaut d’horloge de mission ». Il repartirait sur une nouvelle périodicité de comptage du temps pour se réveiller toutes les quatre heures et tenter, toutes les heures pendant une période de 20 minutes, de capter un message de la Terre et ceci toute la journée (pendant la période d’ensoleillement).
On a calculé que la date la plus proche à laquelle le rover pourrait avoir accumulé suffisamment d’énergie pour appeler la Terre devait être aux alentours du 23 juillet. Cependant la direction de mission ne s’attend pas à ce que les batteries soient chargées avant fin septembre ou mi-octobre. Cela pourrait être encore plus tard si le rover est en mode de défaut d’horloge de mission. Si effectivement Spirit se réveille, la direction de mission fera un check-up complet des instruments et de l’électronique.
En se référant aux hivers martiens précédents, l’équipe du rover anticipe que la brume qui s’épaissit dans le ciel au dessus de Spirit cache davantage la lumière pendant les deux mois qui viennent. La quantité d’énergie solaire disponible augmentera ensuite jusqu’au solstice d’été de l’hémisphère Sud, en mars 2011. Si on n’a eu aucune nouvelle en mars, il est probable qu’on n’en ait jamais plus.
« Ça a été un long hiver pour Spirit et une longue attente pour nous » dit Steve Squyres (Cornell University), directeur de recherche pour les deux rovers de la NASA. « Même si nous n’entendions plus jamais rien venant de Spirit, je pense que son héritage scientifique serait bien établi. Mais nous espérons que nous aurons à nouveau le contact et nous sommes désireux de continuer à faire de la Science avec, à nouveau, deux rovers. »
Commentaire :
Spirit comme Opportunity ont montré une durabilité tout à fait inespérée (six années terrestres au lieu des trois mois prévus). Ils peuvent donc, en tout honneur, arrêter de fonctionner. Mais il est vrai qu’on s’est habitué à ces « envoyés permanents » sur Mars. Encore plus que les orbiters, les rovers nous ont donné l’impression du voyageur car on voit les paysages ou les roches comme on les verrait si on était soi-même en surface.
On peut rêver que l’un ou l’autre des rovers, ou les deux, restent opérationnels jusqu’à ce que Mars Science Laboratory prenne le relais (été 2012).
Ceci dit, la situation critique où se trouve Spirit nous rappelle les exigences du séjour sur Mars, ne serait-ce que du fait des conditions climatiques. Spirit n’est qu’à 14° au sud de l’équateur et les conditions hivernales (dans l’hémisphère sud surtout) sont extrêmement dures selon des critères terrestres. Les équipements doivent non seulement être conçus pour affronter ces exigences, mais de plus offrir toutes sortes de capacités : être fiables, réparables, modulaires et redondés autant que possible.
Pierre Brisson