Les sources d’énergie
C’est l’énergie qui fait se lier les éléments chimiques entre eux et qui fait se perpétuer et évoluer les « constructions » qui en découlent (molécules et organismes). Dans la durée, l’entretien du métabolisme d’un organisme vivant ne peut se faire que moyennant l’apport d’énergie extérieure, sous une forme assimilable. Plusieurs sources d’énergie ont été et/ou sont encore présentes sur Mars comme sur Terre. Ce sont, en surface, les diverses formes de rayonnement du soleil ou bien les décharges électriques des éclairs ; dans le sol la chaleur interne de la planète (résidus de l’énergie cinétique des corps l’ayant constituée lors de son accrétion ou résultat du processus de radioactivité de ses éléments) ou simplement les échanges chimiques au sein d’un milieu qui les permette (l’eau liquide, les milieux humides et chauds). Les sources d’énergie à l’origine de celles-ci sont « in fine » les quatre interactions fondamentales : la force nucléaire forte (l’énergie de notre étoile), la force de gravité liée aux masses qui a permis l’énergie cinétique lors de l’accrétion et des bombardements ultérieurs de corps célestes, la force nucléaire faible (qui permet la désintégration plus ou moins lente des atomes et la nucléosynthèse) et la force électromagnétique qui permet les relations chimiques entre les atomes).
Ces sources d’énergies sont universelles. Pour qu’elles provoquent la vie, il a « juste fallu » un savant dosage de leurs intensités respectives et de leurs interactions sur des éléments physiques arrivés à une certaine maturité par évolution chimique. On ne sait évidemment pas si ce « savant dosage » a pu se réaliser sur Mars mais les composantes ainsi que les conditions environnementales ayant été présentes à peu près dans les mêmes conditions que sur Terre, avec une réserve concernant leur durée en surface de la planète (mais pas dans son sous-sol), il est raisonnable de l’imaginer.
Les radiations
Les radiations sont, comme mentionné plus haut, une des sources d’énergie ayant probablement contribué à l’apparition de la vie. A la surface de Mars, elles proviennent du soleil, sous forme de lumière, en particulier de longueurs d’ondes particulièrement actives (UV) ou sous forme de particules (principalement protons) constituant le vent solaire. Des rayonnements très énergétiques proviennent également de la galaxie (« Galactic Cosmic Rays », « GCR »). Ces phénomènes sont, aujourd’hui, beaucoup plus puissants que sur Terre compte tenu de la ténuité de l’atmosphère. Mais on considère que lorsque le processus de vie a commencé sur Terre, la protection procurée à la surface de Mars par une atmosphère beaucoup plus épaisse était du même ordre que celle observée sur notre planète.
Il est donc possible, sinon probable, que les radiations solaires atténuées par l’atmosphère aient eu sur les molécules prébiotiques les mêmes effets que sur Terre. On sait que les radiations peuvent être un obstacle à la vie par leur effet destructeur et mutagène mais ce même effet, pourvu qu’il ne soit pas, du fait de son intensité, un facteur de désorganisation, est en même temps source d’évolution et donc d’adaptation (y compris aux radiations elles-mêmes).
La durée
Nous ne savons pas combien il a fallu de temps au processus de vie pour émerger puis se manifester dans une vie effective. Ce que nous savons c’est que sur la planète Terre, constituée en tant qu’astre il y a quelques 4,5 milliards d’années, les signes de vie les plus anciens connus (qu’on peut sans trop de risque de se tromper, qualifier comme tels) datent d’environ -3,5 milliards d’années. Ces signes de vie témoignent de l’existence d’organismes unicellulaires déjà évolués qui ont forcément été précédés par une évolution qui a pu laisser des traces (indices isotopiques vers -3,8 milliards d’années).
Qu’en a-t-il été sur Mars ? Nous ne le savons pas encore. Mais en supposant que cette durée de 1 milliard d’années soit nécessaire, on peut penser qu’elle a pu exister au moins dans les zones chaudes et humides de la planète qui le sont restées depuis les débuts de son histoire. Il y a là encore opposition entre la surface (processus peu probable car durée courte) et l’intérieur de la planète (logique car durée longue).
Croisement des différentes limites pour circonscrire les zones d’une biosphère martienne potentielle
Avec Joseph Michalski et al. on peut distinguer 4 zones :
Une Zone 4 située à > 5km de la surface. Elle est hydrothermale et riche en fluides chargés de solutés divers. Du fait de l’action de la chaleur, de la pression et de l’eau, les roches hydratées doivent y être abondantes. Les mêmes conditions ont existé pendant toute l’histoire de la planète. Le problème pour la diffusion d’un processus de vie à ce niveau, c’est que plus la profondeur est grande, plus les espaces libres sont rares, plus les échanges sont difficiles.
Une Zone 3, entre 2 et 5 km de profondeur. Elle contient aussi bien des minéraux non altérés, qu’altérés et en raison d’une durée d’hydratation et d’une température insuffisantes. Aujourd’hui encore des quantités modestes d’eau souterraines pourraient être largement diffusées dans l’espace des pores et circuler par capillarité. Cette eau, du fait de son passage à travers les roches, devrait avoir un Ph neutre à alcalin.
Une Zone 2 entre 2km de profondeur et la pré-surface planétaire. Dans cette zone les températures hydrothermales n’ont peut-être jamais été atteintes depuis l’époque hespérienne (sauf points chauds, en raison d’intrusions magmatiques). Des saumures relativement diluées peuvent s’y être formées et les fluides ont pu réapparaître en surface
Une Zone 1qui comprend la surface et le sous-sol immédiat. Elle contient des couches d’argiles, de sulfates et des dépôts de neige et de glace (outre bien sûr des sédiments de surface, mobiles). Les fluides dans cette zone ont été affectés par le SO2 de l’atmosphère, le Cl– et des agents oxydants (dont l’oxygène libre ou provenant du CO2).
On pourrait ajouter une « Zone 2bis » qui serait située aux confins des Zones 2 et 3 et qui pourrait être la région la plus intéressante car plus riche et humide que la Zone 2 et moins difficile d’accès et disposant de davantage de possibilités de circulation pour l’eau que la Zone 3.
Comment ces différentes zones auraient-elles pu être colonisées par la vie ?
La Zone 3 est celle qui présente le plus de possibilités de nutriments, d’énergie et d’interactions chimiques et ceci sur toute la durée de l’histoire de la planète.
Les Zones 1 et 2 devraient avoir connu une période favorable au début de l’histoire de Mars et d’autant plus longue qu’on s’enfonce profondément dans la croûte de la planète. Elles pourraient toujours abriter aujourd’hui une vie simple avec avantage à la Zone 2 car elle conserve suffisamment d’humidité et de chaleur et offre des habitats poreux à l’abri des conditions de surface difficiles.
En Zone 1, l’interface avec l’atmosphère et le rayonnement solaire, dans des conditions humides, a pu favoriser l’éclosion de la vie aux époques noachienne et hespérienne. Cette vie a pu migrer en sous-sol immédiat et dans les autres zones en ne subsistant plus dans celle d’origine que dans des niches et sous une forme très primitive. Il faudrait, pour le vérifier, rechercher les inclusions de saumures dans la glace, l’interface roche/glace ainsi que dans les couches d’argile et de sulfates. Dans les régions intertropicales l’eau liquide et donc une forme de vie, encore active, serait possible assez près du sol (jusqu’à 5 m) mais elle devrait être à l’abri des pressions très basses de la surface.