Le lanceur mono corps
Nous avons déterminé la performance requise LEO, 631 tonnes, sachant qu’il est prévu de surdimensionner les réservoirs de la navette pour confier à celle-ci la fin de placement en orbite terrestre, pour les raisons déjà mentionnées. Sur cette base nous avons cherché à optimiser un lanceur bi-étage, à moteurs Raptor, entièrement récupérable. Les paramètres sont :
- d’une part le facteur de charge au décollage, l’instant de basculement initial en inclinaison et son taux, qui déterminent la plus grande partie des pertes par gravité et aérodynamiques ;
- d’autre part le ratio des masses de propergol entre premier et deuxième étage et la quantité de propergol réservée dans la navette.
Pour le premier étage, nous avons considéré les impulsions spécifiques annoncées pour la version adaptée au sol du Raptor (321 s au niveau de la mer et 363 s au vide), estimant par un calcul de trajectoire approché (basculement en « gravity turn », « Terre plate ») que l’on pouvait retenir une Isp moyenne pour le vol du premier étage de 352 s. Ce calcul nous a également permis de confirmer les ordres de grandeur trouvés dans la littérature pour les pertes d’un lanceur décollant au faible facteur de charge de 1,2 g (Saturn 5, Falcon 9). Nous avons ainsi été amenés à retenir une valeur de 1,1 km/s, déduction faite du gain dû à la rotation de la Terre.
Pour le deuxième étage, ainsi que pour les moteurs de la navette, nous avons supposé une adaptation au vide, conduisant à une Isp de 380 s (les Russes ont obtenu 386 s pour un moteur similaire). Dans le cas de la navette, cela serait obtenu par déploiement d’une extension de divergent en carbone-carbone (analogue à ce qui se pratique sur le RL-10).
Sur ces bases, les calculs montrent que l’atteinte de la performance de 631 tonnes nécessite de monter l’échelle du lanceur jusqu’à atteindre la valeur phénoménale de 13700 tonnes de masse au décollage, impliquant un premier étage doté d’une baie de propulsion garnie de 61 moteurs Raptor d’une poussée au sol de 270 tonnes (afin d’assurer 1,2 g) !
Un diamètre de 20 m pour la baie de propulsion est requis pour loger une soixantaine de moteurs. On trouve une disposition de symétrie hexagonale permettant de loger 61 moteurs de la taille (supposée) du Raptor 270 T. Cette baie serait raccordée à un étage de 17,5 m de diamètre (le diamètre de la N1 lunaire soviétique).
Les valeurs du calcul des caractéristiques propulsives de ce géant apparaissent dans le tableau suivant.
GRANDEUR | VALEUR |
%propergol pour récup étage1 | 0,057 |
%propergol pour récup étage2 | 0,160 |
gIsp étage3 (380 s) | 3,730 |
gIsp étage2 (380 s) | 3,730 |
gIsp étage1 (352 s) | 3,453 |
masse finale étage3 | 630,9 |
masse propergol étage3 | 400,0 |
ratio masses étage1/étage2 | 4,9 |
masse initiale étage3 | 1030,9 |
deltaV étage3 (navette) | 1,832 |
masse initiale composite1 | 13725,0 |
indice structurel étage1 | 0,045 |
indice structurel étage2 | 0,050 |
masse propergol utile étage2 | 1581,5 |
masse initiale composite2 | 3007,7 |
deltaV étage2 | 2,783 |
masse propergol utile étage1 | 9671,2 |
deltaV étage1 | 4,211 |
deltaV total | 8,826 |
forfait pertes gravité & aérod. – rot. Terre | 1,100 |
VITESSE FINALE | 7,726 |
deltaV pour récup étage2 | 5,353 |
deltaV pour récup étage1 | 2,826 |
composite n : ensemble lors du fonctionnement de l’étage n |
vitesse orbitale circulaire à 300 km : 7,725 km/s |
masses en tonnes |
Le lanceur aurait les principales caractéristiques dimensionnelles figurant dans le tableau suivant :
Masse au décollage (T) | 13700 |
Poussée au décollage (Tf) | 16500 |
Hauteur totale (avec navette) (m) | 129 |
Diamètre 1er étage (m) | 17,5 |
Hauteur 1er étage (m) | 61 |
Masse Propergol 1er étage (totale / utile, T) | 10256/9671 |
Propulsion 1er étage : Raptor 270 T | 61 |
Diamètre 2ème étage (m) | 12 |
Hauteur 2ème étage (m) (avec jupe 2/3) | 29 |
Masse Propergol 2ème étage (totale / utile, T) | 1883/1582 |
Propulsion 2ème étage : Raptor adaptés au vide | 12 |
Perfo en LEO 300 km (avec contrib.navette, T) | 631 |
Longueur Navette (m) | 39 |
Hauteur x Largeur Navette (hors ailerons, m) | 12 x 12 |
Un tel gigantisme peut faire douter de la faisabilité industrielle et opérationnelle du concept, même si les Soviétiques s’étaient aventurés à cette échelle avec la N1 (17 m de diamètre à la base, 30 moteurs au premier étage, mais « seulement » 2700 tonnes au décollage). Ce n’est pas la faisabilité technique qui est en cause, mais le coût des investissements à consentir pour travailler à cette échelle, en matière d’outils de production (par exemple, machine à souder les viroles), de moyens d’essai capables de supporter un tel niveau de poussée (et de bruit !) et de coût de développement.
C’est pourquoi, bien qu’Elon Musk ait indiqué avoir une préférence pour ce type d’architecture de lanceur, nous avons examiné à quoi pourrait conduire un concept multi corps (du style Falcon Heavy).
Très intéressant!. Selon de dernières déclarations, un ravitaillement en LEO serait prévu avant la TMI. Vous pourriez aussi l’intégrer à votre étude? Il n’est peut-être pas utile d’envisager la « navette » comme lieu principal de vie pendant le transit mais simplement comme un « lander », pour déposer passagers et fret? Cela réduirait sa masse. L’étage de transit ou Space HAB pourrait être constitué par le réemploi d’un étage de la BFR, à l’image de Skylab et son volume impressionnant ou bien un module gonflable Bigelow? Autre question, si SpaceX peut ramener à l’avenir sur Terre, un deuxième étage de Falcon avec PT et rétropropulsion, alors il sera aussi possible de le faire sur Mars non? En tout cas cela est passionnant, merci.
Merci pour votre apport à la réflexion. C’est utile car pour l’instant j’aboutis à une conclusion mitigée, le projet n’est pas totalement satisfaisant. En particulier, immobiliser le vaisseau 18 mois sur Mars ne me paraît pas vraiment raisonnable. Mais un retour immédiat est doublement pénalisant : le DV est accru de près de 2 km/s et la rentrée sur Terre se produit vers 14 km/s au lieu de 11 (l’idéal serait donc de fournir encore un DV de freinage de 3 km/s). Dans ces conditions, toute solution permettant cette augmentation de perfo – sans complication opérationnelle trop défiabilisante ou coûteuse – serait à envisager . A nos neurones !
Concernant la descente des passagers dans un plus petit vaisseau spécial, je ne suis pas sûr qu’on y gagne car on recherche à tout prix à abaisser le coefficient balistique, donc cet bulle quasiment vide de 1600 m3 que constitue l’hab de transit est bienvenu en EDL.
Si le Mars Colonial Transporter n’ assurait que des liaisons orbite terrestre – orbite martienne on pourrait imaginer le coupler avec un « taxi Dragon v3 » capable d’ effectuer des liaisons orbite-sol-orbite martienne.
En tous les cas MCT est un projet vraiment passionnant, merci de continuer à nous informer de son avancement.
c’est effectivement envisageable. Mais ce n’est pas apparemment la voie choisie par SpaceX qui semble vouloir faire atterrir « the whole thing ».
Effectivement, de prime abord, ils ne pourront pas gagner sur tout les tableaux. 1 seule fusée gigantesque, 1 seul vaisseau (habitat-lander Terre/Mars), objectif idéal de 100 tonnes de CU au sol, poser sur Mars « the entire thing », retour rapide avec trajectoire d’opposition, création d’une ligne régulière Terre!/Mars etc… Leur réponse en fin d’année sera surement déroutante. Musk a affirmé qu’il ne font pas de révolution mais bien de l’évolution. Je pense, mais ce n’est qu’un ressenti personnel, qu’ils exploitent des idées restées longtemps dans les cartons. Regardons peut-être du coté des idées écartées par les agences spatiales d’il y a quelques décennies? L’atelier humide par exemple afin de gagner en DV? SpaceX ne semble pas avoir d’inhibitions et c’est très stimulant.
Bravo pour cette analyse !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Mais quelque petits truc à redire. Déjà 600/700t de charge utile en orbite basse n’est pas énorme. La Nasa en effet prévoyait pour l’après Apollo, plusieurs lanceurs (Sea Dragon/Nexus/Rombus) TSTO/SSTO entièrement réutilisable capable de 1000t de charge utile en LEO. Il y avait même le projet ORION qui prévoyait jusqu’à 8 millions de tonnes en LEO.
Ensuite utiliser des dépôts de carburant en LEO/point de Lagrange L1 et/ou L2/LMO + plus production ISRU de carburant à la surface de Mars serait nettement plus efficace.
En assumant que le MCT est le second étage du BFR avec une capacité à atterrir sur Terre pour être réutilisable, et avec des dépôts de carburant en LEO/points de Lagrange/LMO + ISRU à la surface de Mars + aérocapture, le DV maximale entre 2 ravitaillement est de 4.1km/s (pour décoller de Mars et se mettre en orbite) ce qui est inférieur au DV d’un second étage de fusée. Donc avec cette stratégie, le MCT peut amener autant de charge utile sur la surface de Mars que en LEO. Et en plus l’atterrissage sur Mars peut se faire entièrement en rétropropulsion sans besoin de système de freinage aérodynamique.
Les dépôts de carburant serait d’abord ravitailler depuis la Terre mais ensuite pourrait être ravitailler depuis la Lune/Mars et les astéroïdes.
Concernant la charge utile en LEO et donc à la surface de Mars du BFR et donc du MCT, 1000t me parait un bon objectif car Elon Musk parlait de 100 astronaute amener à la surface de Mars par vol et donc avec 10t de matériel par astronaute cela fait 1000t et enfin ça serait aussi bien que les projets post-Apollo de la Nasa ce qui est un minimum au vu des ambitions de Elon Musk.