5. Faut-il redescendre sur Terre ?
5.1. Recharger la navette maintenue en orbite
Le scénario de cette étude prévoit que la navette termine sa mission par un atterrissage, à l’issue d’une série de manœuvres de freinage propulsives et aérodynamiques. Mais est-il rationnel de faire descendre dans le puits gravitationnel terrestre les 109 tonnes de masse sèche du vaisseau, sachant qu’il va falloir ultérieurement les relancer sur l’orbite de parking ? La question se pose au moins, effectivement, en termes énergétiques (consommation de propergol), et beaucoup de suggestions ont été faites à ce sujet, se résumant à la proposition suivante : évitons de faire descendre la navette,
- d’une part en ramenant à Terre les passagers à l’aide d’un vaisseau taxi type Orion ou Dragon (plusieurs vols seraient nécessaires, sauf à disposer d’une version aux capacités accrues) ;
- d’autre part en apportant à la navette laissée en orbite la charge utile de sa prochaine mission (95 tonnes) et la quantité de propergol nécessaire à la phase aller (500 à 515 tonnes) ; mais avec quel lanceur ? Si c’est le même premier étage surmonté d’un deuxième étage développé pour ce besoin – qu’il faudrait rendre récupérable – autant utiliser une navette, et, suite logique du raisonnement, autant utiliser l’exemplaire en orbite qui, sinon, reste inemployé alors qu’il est apte à la fonction.
De notre point de vue, si ce mode opératoire permet effectivement de réduire la consommation de propergol, il nécessite le développement de moyens supplémentaires et un accroissement de la complexité des opérations préparatoires à l’élancement vers Mars. En particulier, le nombre de lancements et de rendez-vous orbitaux est accru. Nous pensons que le scénario retenu est plus simple et plus sûr. Quant aux quantités de propergol, le choix du couple méthane / oxygène liquides rend ce facteur peu influent, car il s’agit de fluides industriels très peu coûteux, par ailleurs faciles à liquéfier et à conserver.
5.2. Utiliser de l’oxygène lunaire
La pertinence de cette proposition s’accroît lorsqu’elle est couplée à l’idée que l’oxygène liquide pourrait être produit sur la Lune. L’oxygène représente en effet 78% de la masse de propergol ; son acheminement économique est donc intéressant même si le méthane reste en provenance de la Terre (ou de Mars). Par ailleurs, la navette de retour de Mars peut assez naturellement terminer son transfert en aboutissant au point de Lagrange du système Terre-Lune situé entre ces deux corps, point à la fois aisément atteignable depuis la Lune et favorable comme point de départ du transfert Terre-Mars.
Cette variante n’est cependant pas aussi attrayante qu’il y paraît :
- en premier lieu, comme la précédente, elle nécessite des vols et des opérations spatiales spécifiques supplémentaires, cette fois plus loin de la Terre ; la complexité est accrue et la probabilité de succès dégradée ;
- en second lieu, elle suppose l’implantation – et la maintenance – sur la Lune d’infrastructures conséquentes ; la production d’oxygène utilise un process énergivore de réduction d’oxydes ; il faut ensuite liquéfier et conserver l’ergol, puis le monter au point de Lagrange à l’aide d’un cargo navette sol-orbite lunaires ; c’est certes faisable, mais il n’est probablement pas optimal au strict plan économique de considérer cette complication ;
- c’est surtout parce qu’elle oblige à se placer dans l’hypothèse d’un développement spatial industriel dirigé non plus uniquement sur Mars, mais conjointement sur la Lune et sur Mars, que cette variante perd de sa valeur ; compte tenu de l’inertie politique, ce scénario plus ambitieux ne pourrait que réduire la probabilité de voir l’expansion humaine dans l’Espace se poursuivre, ou en tout cas conduire à en retarder les échéances…
5.3. Le concept de « cycler »
Cette discussion est aussi l’occasion de parler de l’architecture de transport basée sur le concept de « cycler », proposé en particulier, depuis longtemps, par Buzz Aldrin, l’astronaute d’Apollo 11. L’idée est de placer des vaisseaux au long-court, disposant de tous les moyens de soutien pour les transferts interplanétaires, sur une orbite « perpétuelle » les amenant à repasser périodiquement au voisinage de la Terre et de Mars (moyennant quelques manœuvres de correction de trajectoire). Au passage du prochain cycler à destination de Mars, un « taxi » fait un rendez-vous avec lui pour y apporter la charge utile en partance. Et de même pour un retour de Mars. Cet élégant concept, qui permet en théorie d’offrir aux voyageurs des conditions de transport plus confortables et plus sûres, présente pourtant de sérieux problèmes :
- il ne s’agit pas de rater le passage du cycler ; tout retard du « taxi » est synonyme d’annulation ;
- plusieurs cyclers sont requis pour assurer des opportunités de voyage à chaque révolution synodique ;
- les ΔV à produire pour installer ces cyclers sur leur orbite et pour les rejoindre sont importants ;
- il sera coûteux d’envoyer des pièces de rechange et, plus généralement d’assurer les réapprovisionnements et la maintenance.
En résumé c’est une idée séduisante mais très coûteuse à concrétiser. Comme la précédente, elle présente l’inconvénient de nécessiter des moyens supplémentaires. Elle semble avoir été rejetée par SpaceX au stade actuel de ses réflexions.
If you allow for 2 refueling trips, or refueling depo. Then the design could use a launcher with 19 Raptors and 240t to LEO payload. The shuttle only has 550t of fuel. Meaning that the tanks could be half as big. Or possibly make them from multiple toroid shaped taks. The center of the craft would then serve as an unpressurised acces to cargo bay. Toroid tanks would also allow to use round baffles to keep liquid pressurised while in microgravity.
Bonjour,
juste pour signaler à quel point, semble-t-il, le projet MCT et colonisation de Mars , serait d’une dimension jamais imaginée. Le 6 octobre 2015, Chris Bergin, l’administrateur du fameux site NasaSpaceflight.com, qui suit de près l’évolution des projets de SpaceX à tweeté que ce qu’il lui a été montré est la chose la plus excitante qu’il ait jamais vu. https://twitter.com/NASASpaceflight
Il semble que Chris Bergin a eu l’autorisation de voir le projet, qu’il décrit comme allant beaucoup plus loin que tout ce qui a pu être envisagé lors des nombreux fils de discussions. Bien au delà des espérences des uns et des autres. Chris Bergin s’est engagé à ne pas aller plus loin et confirme que la priorité de SpaceX actuellement est le retour en vol d’essai de F9. Donc révélation du programme plutôt l’année prochaine et ça vaudra le détour.
Il s’en explique sur son site. http://forum.nasaspaceflight.com/index.php?topic=38593.0
Bonjour, plutôt que d’envisager des moteurs ventraux traversant le bouclier ventral du MCT, pourquoi ne pas envisager des moteurs placer sur les flancs avec un angle de 15 degrés, à l’image du design de dragon V2? Il y a une légère perte de performance à cause de l’inclinaison, mais les benéfices sont intéressants non? De plus à l’atterissage et décollage de Mars, l’éloignement des moteurs par rapport au sol permet de minimiser les risques de projections de matières contre la coque du vaisseau. Autre point, un système de by pass des gazs éjectés, entre des tuyères orientées vers le bas et d’autres orientées vers l’arrière est-il techniquement envisageable?
oui, mais il faudrait voir la conséquence sur l’aérodynamique de rentrée(si les moteurs sont latéraux).<
non, on ne déviera pas le jet des tuyères, cela créerait des échauffements de structure considérables et des pertes de performance rédhibitoires.
Merci de votre réponse éclairante. Toujours dans l’idée de comprendre à quoi peut ressembler le système MCT, vous dites dans votre étude que la rétropropulsion est un point critique de la sécurité des passagers pour un retour sur Terre, la panne étant interdite faute de solution de rechange. Il y eut le programme avorté Venture Star de Lookheed Martin et le démonstrateur X-33. Ce corps portant permettait un retour plané et un roulé sur une piste. C’est peut-être ici la solution de rattrapage en cas de panne des moteurs? Au prix surement, d’autres contraintes notamment l’appariement avec le lanceur pour le décollage. J’ajouterais qu’un train roulant permettrait au véhicule une certaine mobilité sur Mars, pour facilité les opérations de transfert de carburant ou autre logistique. Mais le devis de masse s’envolerait surement.
Concernant les objectifs de Spacex sur la charge utile, 100mt, bien que cyclopéen, cet objectif est encore le plus facile à atteindre il me semble, face au défi de transporter et faire vivre, 100 personnes pendant 6 à 11 mois (et encore si tout ce passe bien et que l’EDL sur Mars est possible), dans un espace compté. Il est déjà difficile d’organiser la vie de 4 astronautes dans l’ISS, une structure de 400 tonnes, comment réussir un tel pari sans un vaisseau de type « Galactica ». E.Musk a déclaré récemment qu’à l’annonce du projet, au mois de septembre, les gens diront que « c’est completement fou ». Mais qu’est ce donc?!….