6.4. Application à la phase retour
En ce qui concerne la trajectoire de retour en mode « opposition », la situation est plus complexe à analyser, car le nombre de paramètres est plus important : niveau de puissance, durée d’impulsion, instant de démarrage, sens accélération ou freinage, prise en compte ou non d’une assistance gravitationnelle de Vénus… De plus, trois objectifs différents se présentent :
- réduire la durée ;
- réduire la vitesse de rentrée atmosphérique ;
- éviter le recours contraignant à l’assistance gravitationnelle.
Nous n’avons pas abordé le problème dans cette généralité. Néanmoins, quelques calculs de cas montrent, comme pour l’aller, des perspectives intéressantes pour la propulsion électrique.
Le cas de retour de Mars au voisinage du périhélie est relativement peu exigeant : le recours à l’assistance gravitationnelle n’est pas nécessaire et un ΔV d’injection de 2,9 km/s sur l’orbite de transfert à partir de l’orbite de parking suffit, conduisant à une durée de 269 jours (9 mois) et à une vitesse finale de 30,9 km/s, favorable pour la rentrée atmosphérique.
Il n’en va pas de même d’un retour de l’aphélie, pour lequel l’impulsion d’injection est plus importante et l’assistance gravitationnelle de Vénus en pratique indispensable, sauf à consentir une impulsion d’injection très élevée (5,4 km/s). C’est donc sur ce cas que nous illustrerons un exemple d’apport possible d’une propulsion électrique auxiliaire :
- sans recours à celle-ci, mais avec un survol de Vénus lors de la première intersection de sa trajectoire, le ΔV minimum tombe à un peu moins de 4 km/s ; la durée est de 347 jours (cf. fig. du §2) ;
- tout en conservant l’hypothèse d’une rencontre avec Vénus, l’adjonction d’un propulseur de 200 kW délivrant deux impulsions, au début et au bout de 200 jours, en mode freinage, permet de réduire l’impulsion d’injection à 3,3 km/s et la durée à 310 jours, pour une consommation totale de propergol de 15 tonnes ;
- de façon plus simple opérationnellement, si on maintient l’impulsion de 4 km/s et l’assistance gravitationnelle, l’adjonction d’une impulsion délivrée par un moteur de 200 kW consommant 12,5 tonnes de propergol permet d’aboutir au même résultat, 310 jours, cf. figure ci-dessous).
Attention : les résultats du § 2 étaient établis pour un vaisseau étalon de 100 tonnes, alors qu’ici on a pris la masse calculée pour la navette en phase de retour, 232 tonnes.
6.5. Un remorqueur interplanétaire auxiliaire ?
A ce point des réflexions, on peut se poser la question d’un remorqueur solaire-électrique indépendant, qui resterait dans l’espace et servirait « d’accélérateur » aux vaisseaux successivement engagés dans les missions de transport martiennes. L’avantage serait de ne pas avoir à l’embarquer et l’intégrer dans la navette, qui se trouverait allégée et simplifiée. On peut imaginer que ce remorqueur stationne en attente de mission sur une orbite terrestre très elliptique, voire au point de Lagrange Terre-Lune déjà évoqué. Dans ce cas la navette, à l’issue d’une première partie de sa manœuvre d’injection pour le transfert, ferait un rendez-vous avec lui, avant de finir de propulser l’ensemble sur la trajectoire interplanétaire.
Mais, outre la complexité accrue des opérations, cette proposition présente une difficulté constitutive. L’intérêt d’un tel remorqueur, manifeste dans le cas de surfaces de panneaux importantes (disons à partir de 1000 m²), est d’imaginer qu’on n’ait pas à le compacter puis à le déployer à nouveau à chaque cycle d’emploi ; il serait monté une fois pour toutes dans sa configuration de service, encombrante et fragile, mais légère. Mais comme on ne peut tolérer de rallonger le transfert (en présence de passagers), le passage de l’orbite de parking à l’orbite de transfert devrait être assuré par une impulsion brève des moteurs chimiques de la navette. Dans ces conditions, il est impossible de laisser les panneaux déployés, sauf à perdre l’avantage de la légèreté… Mais peut-être peut-on imaginer un dispositif de déploiement – rétractation adéquat, par exemple à base de panneaux flexibles enroulés sur des tambours ?…
C’est un thème méritant l’attention.
Conclusion
L’abandon de l’architecture de système à lanceur unique permet effectivement de revenir, en termes de production industrielle et d’opérations de lancement, à une échelle plus concevable, même si elle reste impressionnante. Grosso modo, le composite premier étage – navette interplanétaire présente une masse et un nombre de moteurs moitié de ceux du projet précédent. Reste qu’il faut encore loger et faire fonctionner dans le diamètre d’étage retenu (12,50 m) 31 moteurs de 300 T de poussée au sol (niveau de poussée dépassant celui de 230 T que SpaceX envisagerait).
Le prix à payer est la complexité accrue de l’expédition (nombre de lancements, rendez-vous) et, vraisemblablement, un coût récurrent supérieur (mais un montant et un risque d’investissement réduits). Le « prix du billet » ambitionné par Elon Musk (500000 $) en apparaît d’autant plus difficile à imaginer.
L’objectif de performance en termes de charge utile n’est pas tout-à-fait satisfait ; on atteint 90 tonnes lorsque Mars se trouve au voisinage de son périhélie, contre 100 souhaitées. Ce niveau résulte des limites qu’on s’impose en poussée et nombre de moteurs, mais aussi, contrairement au projet précédent, de l’intégration d’un système de sauvegarde en cas d’accident au lancement (10% de la masse sèche du vaisseau).
La prise en compte de deux options énergétiquement coûteuses pour le retour, retour « non différé » du type « opposition » et freinage propulsif avant la rentrée dans l’atmosphère terrestre, conduisent d’autre part à envisager également le double lancement à partir de la surface de Mars. Il faudrait néanmoins examiner si cette complication ne pourrait pas être évitée si on renonçait à ce freinage terminal (au prix d’une protection thermique non totalement réutilisable) et si on équipait la navette d’une propulsion solaire électrique auxiliaire, dont la puissance devrait rester dans la gamme 200 kW (au niveau de l’orbite de la Terre).
D’une manière plus générale d’ailleurs, l’examen des opportunités offertes par la propulsion électrique pourrait, au vu de notre rapide survol de la question, conduire à des applications judicieuses (en particulier pour la réduction des durées de transfert).
Un problème de sécurité reste sans solution au terme de nos réflexions : le cas de panne propulsive en phase finale d’EDL. Ce point, à lui seul, pourrait nécessiter une remise en cause du mode de descente sur Mars.
Malgré la réduction obtenue pour l’échelle du lanceur, le projet reste massif et s’est complexifié. Espérons que les capacités d’innovation de SpaceX sauront une fois de plus nous surprendre et permettront de donner un meilleur profil au projet.
If you allow for 2 refueling trips, or refueling depo. Then the design could use a launcher with 19 Raptors and 240t to LEO payload. The shuttle only has 550t of fuel. Meaning that the tanks could be half as big. Or possibly make them from multiple toroid shaped taks. The center of the craft would then serve as an unpressurised acces to cargo bay. Toroid tanks would also allow to use round baffles to keep liquid pressurised while in microgravity.
Bonjour,
juste pour signaler à quel point, semble-t-il, le projet MCT et colonisation de Mars , serait d’une dimension jamais imaginée. Le 6 octobre 2015, Chris Bergin, l’administrateur du fameux site NasaSpaceflight.com, qui suit de près l’évolution des projets de SpaceX à tweeté que ce qu’il lui a été montré est la chose la plus excitante qu’il ait jamais vu. https://twitter.com/NASASpaceflight
Il semble que Chris Bergin a eu l’autorisation de voir le projet, qu’il décrit comme allant beaucoup plus loin que tout ce qui a pu être envisagé lors des nombreux fils de discussions. Bien au delà des espérences des uns et des autres. Chris Bergin s’est engagé à ne pas aller plus loin et confirme que la priorité de SpaceX actuellement est le retour en vol d’essai de F9. Donc révélation du programme plutôt l’année prochaine et ça vaudra le détour.
Il s’en explique sur son site. http://forum.nasaspaceflight.com/index.php?topic=38593.0
Bonjour, plutôt que d’envisager des moteurs ventraux traversant le bouclier ventral du MCT, pourquoi ne pas envisager des moteurs placer sur les flancs avec un angle de 15 degrés, à l’image du design de dragon V2? Il y a une légère perte de performance à cause de l’inclinaison, mais les benéfices sont intéressants non? De plus à l’atterissage et décollage de Mars, l’éloignement des moteurs par rapport au sol permet de minimiser les risques de projections de matières contre la coque du vaisseau. Autre point, un système de by pass des gazs éjectés, entre des tuyères orientées vers le bas et d’autres orientées vers l’arrière est-il techniquement envisageable?
oui, mais il faudrait voir la conséquence sur l’aérodynamique de rentrée(si les moteurs sont latéraux).<
non, on ne déviera pas le jet des tuyères, cela créerait des échauffements de structure considérables et des pertes de performance rédhibitoires.
Merci de votre réponse éclairante. Toujours dans l’idée de comprendre à quoi peut ressembler le système MCT, vous dites dans votre étude que la rétropropulsion est un point critique de la sécurité des passagers pour un retour sur Terre, la panne étant interdite faute de solution de rechange. Il y eut le programme avorté Venture Star de Lookheed Martin et le démonstrateur X-33. Ce corps portant permettait un retour plané et un roulé sur une piste. C’est peut-être ici la solution de rattrapage en cas de panne des moteurs? Au prix surement, d’autres contraintes notamment l’appariement avec le lanceur pour le décollage. J’ajouterais qu’un train roulant permettrait au véhicule une certaine mobilité sur Mars, pour facilité les opérations de transfert de carburant ou autre logistique. Mais le devis de masse s’envolerait surement.
Concernant les objectifs de Spacex sur la charge utile, 100mt, bien que cyclopéen, cet objectif est encore le plus facile à atteindre il me semble, face au défi de transporter et faire vivre, 100 personnes pendant 6 à 11 mois (et encore si tout ce passe bien et que l’EDL sur Mars est possible), dans un espace compté. Il est déjà difficile d’organiser la vie de 4 astronautes dans l’ISS, une structure de 400 tonnes, comment réussir un tel pari sans un vaisseau de type « Galactica ». E.Musk a déclaré récemment qu’à l’annonce du projet, au mois de septembre, les gens diront que « c’est completement fou ». Mais qu’est ce donc?!….