Note de la NASA 2013-285 du 19 Sept. 2013.
Auteurs : Guy Webster (JPL) et Dwayne Brown (Siège de la NASA).
Traduction Pierre Brisson
Des données recueillies par le rover Curiosity de la NASA ont révélé que l’environnement martien ne comporte pas de méthane. C’est une surprise pour les chercheurs car les données obtenues précédemment (ndt : telles qu’analysées) par des scientifiques américains et internationaux avaient indiqué des résultats positifs.
Le rover laboratoire a effectué des tests approfondis pour identifier d’éventuelles traces de méthane. Que l’atmosphère martienne contienne ou non des traces de ce gaz est, depuis des années, une question d’un grand intérêt car le méthane pourrait être un signe potentiel de vie, bien qu’il puisse également avoir une origine non biologique.
Selon Michael Meyer, responsable scientifique de la NASA pour l’exploration de Mars, « ce résultat important nous aidera à orienter nos efforts dans la recherche d’une possibilité de vie sur Mars. Elle réduit la probabilité qu’il existe aujourd’hui des microbes martiens producteurs de méthane, mais cela correspond à un seul type de métabolisme microbien. Comme on le sait, il y a de nombreux types de microbes terrestres qui ne génèrent pas de méthane ».
D’octobre à juin 2012, Curiosity a procédé à six analyses d’échantillons de l’atmosphère martienne pour y rechercher du méthane et il n’en a pas trouvé. Compte tenu de la sensibilité de l’instrument utilisé, le spectromètre TLS (pour « Tunable Laser Spectrometer ») et du fait qu’ils n’ont pas pu détecter ce gaz, les scientifiques estiment que la quantité de méthane dans l’atmosphère martienne, aujourd’hui, ne doit pas être supérieure à 1,3 parties par milliard. Cela ne représente pas plus qu’environ un sixième de certaines estimations antérieures. Les détails des résultats ont été publiés dans l’édition de jeudi de Science Express.
Démonstration en laboratoire du spectromètre TLS. Pour la démonstration le faisceau laser est en lumière visible alors qu’il est en infrarouge sur le modèle opérationnel. La chambre est remplie « d’air » martien et l’absorption est mesurée sur le trajet du faisceau sur une longueur d’onde correspondant au méthane ce qui donne la concentration de celui-ci. Le TLS fait partie de l’instrument SAM. L’instrument SAM est décrit par Alain Gaboriaud dans la vidéo http://fr.itweb.tv/Curiosity-presentation-de-SAM-par-Alain-Gaboriaud_v480.html. (Doc. NASA/JPL-Caltech)
L’auteur principal du rapport, Chris Webster du laboratoire JPL de la NASA à Pasadena, a déclaré : « Il aurait été passionnant de trouver du méthane, mais nous avons une grande confiance dans nos mesures et ce qui est vraiment important, ce sont les progrès de la connaissance. Nous avons pris des mesures à plusieurs reprises, du printemps à la fin de l’été martien, mais nous n’avons pas détecté de méthane. »
Webster est le chef de recherche principal pour le spectromètre TLS qui fait partie du laboratoire SAM de Curiosity. Cet instrument peut être réglé spécifiquement pour détecter des traces de méthane. Le laboratoire SAM peut aussi concentrer tout méthane existant pour en porter la quantité au niveau minimum détectable. L’équipe du rover va maintenant utiliser cette méthode pour vérifier l’éventuelle présence de méthane à des concentrations bien inférieures à une partie par milliard.
Le méthane, l’hydrocarbure le plus abondant de notre système solaire, comporte dans chaque molécule, un atome de carbone lié à quatre atomes d’hydrogène. Les précédents rapports qui indiquaient des concentrations de méthane ponctuelles allant jusqu’à 45 parties par milliard ce qui avaient éveillé l’intérêt compte tenu de l’éventualité que le méthane ait eu une origine biologique, étaient fondés sur des observations faites à partir de la Terre et de l’orbite de Mars. Les mesures effectuées par Curiosity ne sont pas compatibles avec de telles concentrations, même si le méthane s’était dispersé autour du globe martien.
« Il n’y a pas d’explication possible à la disparition rapide du méthane de l’atmosphère », a déclaré l’un des co-auteurs du document, Sushil Atreya de l’Université du Michigan (Ann Arbor). « Le méthane est un élément persistant. Il peut perdurer des centaines d’années dans l’atmosphère martienne. Sans utiliser un moyen quelconque pour l’extraire de l’atmosphère plus rapidement, nos mesures nous disent que le méthane ne peut pas être introduit dans l’atmosphère par un mécanisme quelconque, que ce soit biologique, géologique ou par dégradation par rayonnement ultraviolet de matières organiques déposées par la chute de météorites ou de particules de poussière interplanétaire ».
Atreya estime que la plus forte concentration de méthane qui pourrait être présente sans avoir été détectée jusqu’à présent par les mesures de Curiosité, s’élèverait à un maximum de 10 à 20 tonnes par an. Cela représente environ 50 millions de fois moins que la quantité de méthane entrant chaque année dans l’atmosphère terrestre.
Commentaire :
L’annonce de ces résultats est rude pour tous ceux qui espéraient qu’il y ait sur Mars une source de méthane d’origine biologique. Les possibilités de trouver une vie encore active s’amenuisent. Mais il ne faut pas se désintéresser du sujet.
Il reste d’abord la possibilité non négligeable de trouver des molécules organiques prébiotiques. Aussi loin on pourra remonter de la matière inerte vers la matière vivante (pensons par exemple aux molécules dites « nucléotides » avec lesquelles l’ARN et l’ADN sont écrites), autant nous aurons progressé vers la compréhension du phénomène et, compte tenu de l’ancienneté de sa surface, Mars est l’endroit idéal pour cette recherche. Dans cet esprit attendons les forages de Curiosity dans les argiles qui se trouvent au pied du Mont Sharp.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’absence de vie aujourd’hui ne veut pas dire absence de vie autrefois ou ailleurs qu’en surface. Elle a pu disparaître compte tenu de l’évolution défavorable de l’environnement. Elle a pu aussi se réfugier en sous-sol dans des poches sans communication avec l’extérieur (de telles poches existent sur Terre). C’est ces domaines que nous permettront de commencer à explorer les missions ExoMars et Mars 2020. Mais les forages de ces deux robots risquent d’être insuffisants car trop peu profonds (maximum deux mètres alors qu’il faudrait aller au moins jusqu’à cinq mètres).
Il reste enfin la possibilité de développement sur Mars de métabolismes non méthanogènes !
Le communiqué en anglais est disponible sur: http://www.jpl.nasa.gov/news/news.php?release=2013-285
Une présentat