Le 10 septembre, une éruption solaire hors du commun a donné lieu à une éjection de masse coronale (Coronal Mass Ejection, « CME ») dont les particules ionisées ont balayé les planètes telluriques de notre système en causant des aurores boréales au contact des atmosphères et quelques perturbations des systèmes électroniques ou même simplement électriques. Ce qui est très particulier, c’est que cette éruption se soit produite en période de moindre activité solaire par rapport au pic qui a eu lieu en 2013 (le cycle de onze ans a commencé en janvier 2008) et aussi que sa force est inhabituelle (événement « X », sur une échelle A, B, C, M, X), le plus fort depuis 12 ans, d’autant plus que le cycle était réputé « calme ».
Après la Terre, le vent de l’éruption a frappé Mars et ce d’autant plus durement que la planète ne possède pas de champs magnétique puissant comme celui que la Terre génère avec sa dynamo interne. L’orbiteur MAVEN de la NASA (en place depuis 2014) et le rover Curiosity (dans le cratère Gale depuis 2012), ont pu observer et surtout mesurer les effets du phénomène. Une aurore 25 fois plus lumineuse que jamais observée et un niveau de radiations plus de 2 fois plus élevé ont été enregistrés (instrument RAD – pour Radiation Assessment Detector – à bord de Curiosity, dans le Cratère Gale).
Les aurores martiennes provoquées le 12 et 13 septembre par l’éruption solaire du 10 septembre (doc. NASA/University of Colorado Boulder-LASP)
L’observation par Maven de l »évolution des aurores martiennes dues à l’événement du 10 octobre (doc. NASA/Univ.of Colorado)
Des aurores 25 fois plus lumineuses que celles observées jusqu’à présent (doc. NASA/Univ.of Colorado)
Les détections au niveau de Mars par Maven et Curiosit. L’échelle des temps couvre du 11 au 15 septembre. Les valeurs proviennent, à bord de Maven (courbes du haut), du Solar Energetic Particle Instrument dans deux catégories d’énergie. En bas la courbe rouge marque la réaction de l’instrument RAD de Curiosity en micrograys par jour. Ce sont surtout les protons énergétiques (la courbe bleue ne fait pas la distinction entre les 80 et 220 MeV) qui atteignent le sol, l’atmosphère atténuant ceux de basse énergie. (Doc. NASA/JPL-Caltech/Univ. of Colorado/SwRI-Boulder/UC Berkeley)
Des phénomènes comme celui-ci peuvent expliquer l’état actuel de l’atmosphère martienne. Au début de l’histoire de la planète, elle avait une épaisseur du même ordre que celle de la Terre (plusieurs atmosphères) mais la gravité plus faible de Mars n’a pu la retenir et l’absence de champ magnétique global a laissé passer de telles tempêtes qui ont accéléré le phénomène normale de pertes dans l’espace. Très vite (vers -4 milliards) elle était sans doute réduite à quelques millibars. Les grandes périodes d’activité volcanique la reconstituèrent partiellement (sans doute quelques dixièmes d’atmosphère) mais à chaque fois les mêmes facteurs (faible gravité et vents solaires plus ou moins forts) entrèrent en jeu pour la réduire. Avec l’assoupissement progressif du volcanisme de la planète, on est arrivé au 6 millibars actuels.
On ne peut donc être surpris par l’irradiation de la planète qui vient d’être constatée, si ce n’est son « timing ». Il faut bien entendu en tirer les leçons et d’abord, pour ce qui concerne les perspectives d’exploration par missions humaines puis d’établissement de colonies.
Les particules ont une vitesse d’autant moins grande qu’elles sont plus massives mais elles sont d’autant plus dangereuses (1) qu’elles sont plus massives et / ou plus nombreuses, (2) que l’impulsion initiale qui les a diffusées a été plus forte et (3) que la distance à la source est plus proche. Les radiations galactiques qui sont les plus énergétiques causent le plus de dommage individuellement mais un grand nombre de protons solaires percutant en même temps une cible sont tout autant dangereux. La seule différence c’est qu’on peut utiliser un bouclier contre une averse de protons (en leur opposant d’autres protons par exemple ceux de l’hydrogène contenu dans la glace d’eau ou dans le polyéthylène) alors qu’on ne peut rien faire contre les radiations galactiques qui perceront n’importe quel bouclier suffisant pour repousser les radiations solaires.
La bonne nouvelle c’est que les radiations galactiques sont constantes et que leurs doses immédiates et cumulées sont compatibles avec un séjour de longue durée de l’homme sur Mars (en évitant évidemment de rester toute la journée en EVA pendant des mois, ce qui ne sera pas nécessaire). La deuxième bonne nouvelle c’est que les radiations galactiques sont repoussées par le vent solaire et que donc elles sont moins intense en période de forte activité solaire (cycle de onze ans). Cela revient à dire qu’on devra s’établir dans les régions où l’atmosphère est la plus épaisse, qu’on devra privilégier les EVA (missions longues) en périodes de haut de cycle solaire et qu’il faudra penser à se protéger des tempêtes solaires (qui n’émettent pratiquement que des protons), en plaçant un peu partout des abris que pourront utiliser les astronautes en déplacement hors de la base. Compte tenu de la vitesse des protons (dépendant de la force de la tempête solaire), les hommes vivant sur Mars disposeront de plusieurs heures pour se protéger mais pas de plusieurs jours. La météo martienne comprendra donc nécessairement une rubrique « activité solaire » et il faudra admirer les aurores martiennes comme celle, magnifique, qui a envahi le ciel de Mars, à partir des écrans de télévision, à l’intérieur des bases ou des abris.