A la Conférence Goldschmidt 2013, rassemblement annuel prestigieux des géophysiciens du monde entier, qui cette année a eu lieu à Florence, le Professeur Steven Benner du Westheimer Institute for Science &Technology (Gainesville, Floride), a fait une présentation sur la possibilité que les prémices de la vie aient commencée sur Mars avant de se développer sur Terre.
Sa théorie repose sur l’idée qu’au début de l’histoire du système solaire, l’eau aurait recouvert entièrement la Terre et en partie seulement la planète Mars, ceci sous des conditions d’oxydations comparables propres aux atmosphères primitives. Cela aurait permis à certains éléments, notamment le molybdène et le bore, de s’oxyder fortement, en l’occurrence en molybdates et en borates, permettant la catalyse et la transformation de certaines molécules organiques en ribose, un composant important de l’ARN (précurseur de l’ADN). Vu autrement, ces roches oxydées auraient permis d’éviter que ces matières organiques ne se transforment en goudron. Ensuite l’environnement sec aurait pu permettre aux bio-polymères de subsister suffisamment longtemps pour se complexifier et s’assembler alors que l’eau leur aurait été terriblement toxique.
On pense effectivement que si les astéroïdes ont apporté aux planètes intérieures du système solaire les éléments volatiles et l’eau qui leur avaient manqués pendant leur période d’accrétion (du fait de leur proximité au soleil), ces éléments leurs ont été fournis lors de l’approche puis du retrait de Jupiter qui a perturbé les nuages d’astéroïdes situés au-delà de la ligne de glace du système. Dans cette seconde phase de la création de nos planètes, Mars comme la Terre a donc été abondamment « arrosée » mais compte tenu de sa plus faible gravité, elle l’a été dans une moindre mesure que la Terre.
Par ailleurs la jeune Mars a possédé pendant plusieurs centaines de millions d’années un manteau magmatique suffisamment visqueux pour que ses mouvements de convection fassent subir à sa croute suffisamment mince une tectonique des plaques permettant son recyclage et le rejet par volcanisme dans l’atmosphère de riches éléments gazeux. Le phénomène de brassage a permis à cette époque l’oxydation des minéraux comme en témoignent les roches basaltiques du cratère Gusev (antérieures à 3,7 milliards d’années) et pourquoi pas du molybdène et du bore.
Ensuite, Mars ayant une masse trop petite, a perdu la plus grande partie de ses éléments volatiles et son atmosphère n’étant plus assez dense, la présence d’eau liquide en surface est devenue exceptionnelle. Cet appauvrissement est survenu très vite et peut-être avant même -4 milliards d’années pour revenir par phases plus ou moins longues à l’occasion d’épisodes volcaniques, à commencer par celui du grand bombardement tardif (« LHB »).
L’hypothèse que fait Steven Brenner c’est que certains éléments précurseurs de la vie, auraient quitté le « bateau » Mars « à bord » d’astéroïdes avant que les conditions locales ne viennent arrêter ou freiner considérablement le processus (possibilités qu’il ait continué en sous-sol). On sait évidemment que cela est possible puisque nous avons reçu d’incontestables météorites martiennes (les « SNC ») résultant d’éjections de roches martiennes causées par de violents impacts.
Comme le disent certains astrobiologistes, la piste est « intéressante ». Elle pourrait par exemple expliquer la raison pour laquelle on n’ait trouvé sur Terre aucune trace incontestable antérieure à -3,4 milliards (mais les roches plus anciennes sont extrêmement rares sur Terre).
Ceci dit la possibilité que la vie terrestre résulte d’un processus purement terrestre ne peut être exclue sur ces seules constatations et réflexions. Il reste trop peu de roches très anciennes sur Terre et on ne peut totalement exclure que le processus d’oxydation dans un environnement sec ne se soit produit sur les pentes de quelques « Mont Ararat » primordial ayant échappé aux flots.
Seule la découverte de prémices de vie martienne ou de traces de vie complètement élaborée, passée ou présente sur Mars, pourrait permettre« accessoirement » de résoudre ce problème de la planète d’origine, l’intérêt principal restant celui de la compréhension des premières étapes du processus de vie.