Nora Noffke, spécialiste en biosédimentologie et en géobiologie, est une chercheuse enseignante au département «Oceans, Earth, and Atmospheric Sciences » de l’université Old Dominion, en Virginie. Elle avance l’hypothèse (« hypothesis article ») que les blocs de grès constituant le site « Gillespie Lake » de la zone Yellowknife Bay, explorée en Décembre 2013 par Curiosity, pourraient être en fait des vestiges fossilisés de microbiolites générés par des tapis microbiens dans un milieu lacustre peu profond (voir plus loin). Cet article a été publié dans la revue Astrobiology de janvier 2015.
Arshwin Vasavada, nouveau responsable scientifique de la mission MSL (il a remplacé John Grotzinger), a réagi à l’article en déclarant qu’il ne voyait rien qui ne pouvait être expliqué par un processus naturel et que,du point de vue de la NASA, les faciès de Gillespie Lake devaient résulter de l’érosion, sans intervention de phénomènes biologiques.
Que faut-il penser de cette controverse ?
Les scientifiques de la NASA comprennent sans aucun doute des professionnels qualifiés mais Nora Noffke l’est aussi. Elle a particulièrement étudié la sédimentologie fossile dans les roches de Pilbara en Australie du Nord-Ouest, en équipe avec d’autres chercheurs renommés du monde entier.
Les roches de Gillespie Lake présentent des ressemblances frappantes avec des microbiolites fossiles.
Les roches sédimentaires à Gillepsie Lake dans Yellowknife Bay (doc. NASA/JPL-Caltech)
Le banc rocheux sur lequel Nora Noffke détecte des traces qui pourraient résulter d’une action biologique (doc. NASA/JPL-Caltech)
Une vue plus contrastée de la surface de la plaque rocheuse (doc. NASA/JPL-Caltech)
Malheureusement aucun forage n’a été effectué par Curiosity et aucun échantillon n’a été prélevé et analysé. On ne peut donc raisonner sur aucune vue de lamelles superposées par l’éventuel processus biologique ni sur aucune composition chimique particulière.Dommage ! Il faut espérer que Curiosity « tombe » à nouveau sur ce type de roche et que ses « pilotes » décident d’en faire l’analyse. La réaction d’Arshwin Vasavada est cependant assez peu encourageante et semble-t-il, très « légère ».
Pour mieux comprendre : les microbiolites sont des structures détritiques laissées par une action biologique de tapis microbiens, du même genre que celle qui génère les stromatolithes. On ne voit pas les restes fossilisées des microbes mais ce que leur action a laissé. Ceci dit cette action est caractérisée et on peut donc en déduire l’intervention de microbes.
Dans le cas de Gillespie Lake, Nora Noffke pense que des tapis microbiens se sont étendus sur le site dans des périodes d’humidités et que la sécheresse venant des écoulements d’eau ont séparé le tapis en plusieurs dalles avec des retombées vers les chenaux (aspect « nappés » des dalles). D’autres épisodes aqueux ont générés d’autres couches de tapis, etc… Les dernières couches ont pu être déformées par des poches de gaz (structures légèrement bombées) et certaines couches, plus attaquées que les autres, par des petits tas de détritus en cônes ou « roulés » (lambeaux de tapis déchirés et retournés par l’eau ou le vent). On constate assez clairement ces vestiges sur les photos de Curiosity choisies par Nora Noffke pour illustrer son article.
Venant après les résidus carbonacées de la météorite de Tissint, les molécules organiques complexes identifiées par Curiosity dans le mudstone de Cumberland et les émissions de méthane, on a ici un indice de plus orientant notre réflexion vers la probabilité d’un début de processus de vie sur Mars.
Affaire à suivre !
Voir un article sur le sujet ici