Du 11 au 14 avril 2011 s’est déroulé comme tous les ans à Colorado Springs le Space symposium organisé par la National Space Fondation. Cette manifestation, la 27 ème cette année, réunit le monde du spatial US et international. Outre les sessions plénières sous forme de table ronde ou de discours de personnalités connues, le symposium se traduit par de très nombreuses réunions en coulisse et aussi par l’exposition de matériels. L’exploration n’est qu’un sujet parmi les autres mais Mars figure en bonne place sur l’image qui annonce le symposium de l’année prochaine.
L’affiche de la manifestation de l’année prochaine (doc. NSF). A droite l’un des bâtiments du complexe hôtelier Broadmoor où se déroule le symposium.
Le X37 A qui a effectué des vols planés en 2006 largué depuis le White Knight de Scaled Composites
L’exposition montrait quelques pièces rares comme le X37 dans sa version qui a servi aux essais de vols plané, ou comme la capsule Dragon de Space X lancée dans l’espace en décembre dernier par le deuxième Falcon 9. Elon Musk participait d’ailleurs lui- même à cette manifestation. On se rappelle qu’il a annoncé le 5 avril la capacité de Space X à lancer début 2013 une version lourde du Falcon 9, le Falcon 9 Heavy, capable de satelliser 53 t en orbite basse. Les contrats permettant à Space X de financer le développement de ce véhicule n’ont toutefois pas été identifiés à ce jour et font l’objet d’interrogations. Il reste aussi, pour le Falcon 9 de base, à atteindre les performances affichées sur le site internet de la société par des améliorations dont on peut supposer qu’elles sont en cours. La poursuite de l’aventure Space X va être intéressante à suivre dans les prochains mois. Il a été indiqué que la compagnie a maintenant atteint le niveau de 1300 personnes et l’on peut facilement évaluer les besoins financiers qui en découlent. Elon Musk a d’ailleurs annoncé son intention de procéder à une augmentation de capital par appel au marché à la fin de l’année en gardant le contrôle de sa société pour s’assurer qu’elle travaille « sur les technologies nécessaires à la création d’une civilisation autonome sur Mars ».
La capsule Dragon de Space X. En haut à droite on voit sur la capsule les traces de la rentrée, dissymétriques car la rentrée se produit avec un certain angle. La découpe en biais dans la protection thermique permet le dégagement des suspentes des parachutes dont le compartiment est localisé au bas de la capsule ce qui est une disposition originale. En bas à gauche le fromage de Brouère qui était le passager du vol de décembre. En bas à droite un gros plan sur une partie du système de contrôle d’attitude.
A gauche la chambre de combustion du moteur Merlin de Falcon 9. A droite une image du Falcon 9 Heavy (doc SpaceX). Avec 27 moteurs à la base il faudra que la probabilité de défaillance catastrophique (explosion, incendie) d’un moteur soit très faible ou que le système de containement soit très efficace pour que le lanceur ait une bonne fiabilité.
Le lanceur lourd est nécessaire pour l’exploration spatiale humaine au-delà de l’orbite basse. Les chinois viennent récemment d’afficher leurs projets. Aux USA le projet de la NASA est toujours en gestation. Apparemment la configuration de base n’a pas changé ces derniers mois : deux boosters de navette mais avec un segment de plus pour l’accélération au décollage, un corps central cryotechnique (hydrogène et oxygène liquide) équipé de 5 moteurs proches de ceux de la navette allumés peu avant les boosters (comme sur Ariane 5), un étage supérieur muni de 1 ou 2 moteurs J2X dont les premiers essais pourraient commencer cet été. La performance visée est de 130 t en orbite basse. La configuration définitive devrait être connue en juillet car de nombreuses variantes sont à l’étude.
Le lanceur lourd a toujours une configuration proche de l’ancien Ares 5 avec deux boosters dérivés de ceux de la navette, cinq moteurs cryotechniques au premier étage et un ou deux moteurs J2X au deuxième étage. (doc.ATK)
Mais ce lanceur ne sera pas disponible à temps pour les premiers vols Orion qui devraient avoir lieu sur un autre lanceur. Une maquette échelle 1 de la partie cabine d’Orion était présentée, à côté de l’un de ses concurrents, la capsule CST 100 de Boeing (maquette et premier article test structural). Le CST 100 n’est d’ailleurs pas un concurrent direct car destiné seulement à desservir la station avec des astronautes (programme CCDev). Il a une masse de 13 t et est conçu pour une rentrée atmosphérique à 8 km/s. Orion, d’une masse de plus de 20 t, a une capacité de vaisseau interplanétaire, avec retour atmosphérique à des vitesses supérieures à 11 km/s.
Maquette d’Orion
Maquette échelle 1 d’Orion à gauche et page de garde d’une brochure Lockheed Martin décrivant une mission vers Deimos au moyen du vaisseau Orion (doc. Lockheed Martin)
Maquette échelle 1 de la cabine du CST de Boeing avec, à coté, un premier modèle structural.
L’exposition présentait aussi la maquette échelle 1 du véhicule Cygnus de OSC, sorte de petit ATV destiné à envoyer du cargo à la station (programme COTS). Son concurrent est la capsule Dragon de Space X qui était exposée à proximité.
Le module Cygnus d’OSC, destiné au ravitaillement de l’ISS, et qui doit être lancé par le Taurus 2 dont le premier vol est prévu cette année.
Le stand NASA montrait deux maquettes de véhicules intéressant l’exploration : le MMSEV (Multi Mission Space Exploration Vehicle ou véhicule d’exploration spatial multi mission en français) et un rover planétaire pressurisé. Le MMSEV a pour objectif de supporter deux hommes pendant 15 jours ou plus pour des missions orbitales ou de type approche d’astéroïdes. Il est doté des ses propres moyens de propulsion (de taille limitée).
Le module MMSEV
Le rover pressurisé est de configuration déjà bien connue. Les scaphandres restent stockés à l’extérieur avec accès par porte dorsale comme les scaphandres russes. Cela permet de laisser les parties poussiéreuses à l’extérieur. Un modèle terrestre a été réalisé, il a donné lieu à des simulations dans des déserts US sous le nom de Desert RATS.
Maquette de rover pressurisé
L’exploration spatiale fera progresser la robotique et le domaine de l’interaction homme machine. Le Robonaut dont la maquette figure sur l’image de gauche a été livré par la navette à la station en 2011. A droite la vidéo montre des expérimentations minières automatiques conduites par la NASA dans la perspective d’opérations planétaires de même type.
R Bigelow présentait sur son stand une maquette à grande échelle de son module habitable gonflable Sundancer dont deux exemplaires à échelle réduite (Genesis I et II) sont actuellement en orbite autour de la terre ; il n’y a bien sûr personne à bord mais ils sont pressurisés et jusqu’à présent aucune fuite n’a été détectée. Le stand Boeing montrait aussi une station orbitale constituée de modules Bigelow desservis par des capsules CST 100. R Bigelow a annoncé qu’il visait un premier vol de module Sundancer en 2015. Il n’y a pas eu d’informations particulières lors de ce symposium sur le scénario d’expérimentation d’un tel module accroché à l’ISS, l’opération devenant maintenant possible depuis la prolongation de la station. On sait l’intérêt que ces modules gonflables présentent pour les véhicules qui feront le transfert Terre Mars ainsi que pour les bases martiennes en offrant de plus grands volumes aux équipages. Les concepts Bigelow prévoient la protection contre les radiations par installations de sacs remplis d’eau à l’intérieur du module tout le long des parois.
Et, concept plus étrange et sur la faisabilité duquel on peut s’interroger, R Bigelow envisage une station orbitale à 4 modules qui serait envoyée en orbite lunaire au moyen d’un train de 11 étages cryotechniques Centaur. Il propose même de déposer sur la Lune une telle base complète déjà assemblée !
En haut la session sur les marchés émergents met en scène de gauche à droite la présidente de Space X , Gwynne Shotwell, le président de Virgin Galactic, George Whitesides, et le président fondateur de Bigelow Aerospace, Robert Bigelow. Les modules Bigelow sont les principaux éléments de la station orbitale figurant sur les images suivantes et présentée sur le stand Boeing. Ce sont d’ailleurs des capsules Boeing CST 100 qui sont amarrées à la station.
Les modules gonflables sur le stand Bigelow. La maquette sur la photo du haut a, à peu près, la taille des modules Genesis actuellement en orbite.
(docs A. Souchier sauf mention contraire)