Choisir un site sur Mars pour y poser un engin, statique ou mobile, n'est pas une mince affaire. C'est du reste avant tout une affaire d'ingénieurs plutôt que de scientifiques. Ainsi, la NASA qui reste finalement la seule agence spatiale au monde à avoir posé avec succès autant d’engins sur la planète rouge (VL1, VL2, MPF, MER-A et MER-B) a choisit pour la première fois, de poser sa nouvelle sonde (Phoenix Mars Lander) très haut en latitude Nord. En fait, la région visée est équivalente à la latitude du centre du Groenland ou à celle de Mourmansk sur Terre.
Le site d’atterrissage de PML se situe entre 65°N et 72°N et entre 230°E et 250°E, à une altitude comprise entre 3 600 m et 4 400 m. Nous sommes en pleine zone polaire boréale où des terrains et reliefs particuliers ont été façonné par le climat spécifique qui règne ici depuis des millénaires…
Nous sommes plus précisément à quelques kilomètres à l’Ouest du cratère d’impact Heimdall, du nom d’un dieu de la mythologie nordique. La région est en fait une zone de contrastes et les terrains sont tantôt très plats, tantôt parsemés de buttes témoins résiduelles, de lambeaux de plateau fortement dégradés par l’érosion, de collines, de terrains chaotiques, de cratères d’impact à éjectas lobés…
Les ingénieurs ont donc privilégié une zone considérée comme « sure » pour la phase d’atterrissage, bien que Phoenix n’utilisera pas la technologie des airbags validée par les sondes Pathfinder, Spirit et Opportunity, technologie relativement peu compatible avec des terrains chaotiques… Non, pour Phoenix, l’arrivée finale se fera grâce à des rétrofusées, comme ce fut le cas pour les Viking Landers 1 et 2 (et pour Mars Polar Lander qui échoua dans cette phase délicate précisément).
Ainsi, la zone choisie est relativement lisse, recouverte de terrains plats, jonchés de peu de blocs et autres rochers susceptibles de faire basculer la sonde une fois posée au sol. Cette région au relief quasiment inexistant, a en fait été façonnée par les retraits et avancées successifs de la calotte polaire Nord et de ses langues de glaces, lentement, au fil du temps. L’ensemble donne donc un relief assez déprimé, même si les formes et formations géomorphologiques pourraient se révélées tout à fait exceptionnelles à étudier. On pense à des paysages et héritages glaciaires et périglaciaires où les glaces mais aussi les alternances de gel/dégel, les cycles saisonniers, les phases de dépôts et de sublimation… ont modelé un paysage unique, jamais encore observé !
Et même si nous n’observerons pas de glace carbonique, il n’est pas impossible que l’on découvre des sols polygonaux, des moraines, des dunes léopards, des dunes de sables plus ou moins prises dans les glaces ou dans un cortex induré, des craquelures, des gélifracts… et qui sait peut-être même des glaces résiduelles plus ou moins claires, plus ou moins pures…
L'atterrissage de Phoenix aura lieu après le retrait de la calotte polaire Nord, à la fin du printemps dans l'hémisphère Nord, à Ls=77°, quand les rayons du Soleil commenceront à frapper une surface moins froide, dégelée après un très long et rigoureux hiver… Nous arriverons donc là à un moment fondamentale du cycle saisonnier de notre voisine, juste quand les régions polaires se transforment rapidement et se mettent à chanter ! Cela tombe bien d'ailleurs, car la sonde Phoenix embarque à son bord … un microphone !
© Texte : Gilles Dawidowicz/APM.
© Images : NASA.