Cet article est initialement paru dans le Bulletin APM n°84 publié en juillet 2020. Chaque trimestre, les membres de l'association reçoivent un bulletin avec des articles et dossiers exclusifs. Vous retrouverez ci-dessous un extrait de celui-ci, disponible en version complète pour les membres.
La communauté scientifique martienne a, depuis longtemps, fait sienne la devise « Follow the water » (suivez la piste de l’eau), la présence d’eau liquide apparaissant indispensable pour l’émergence d’une vie. Ce slogan a guidé la progression des investigations menées par les missions successives, avec un succès indéniable en matière de logique, d’économie de moyens et de résultats.
Sur Mars, à l’heure actuelle, l’eau n’existe pratiquement pas à l’état liquide en raison de la pression atmosphérique très basse, 6 millibars en moyenne, sur la journée et l’année, à l’altitude moyenne (« Datum ») qui correspond par ailleurs à la ligne de la dichotomie crustale qui sépare de façon très contrastée les hautes terres du Sud (jusqu’à 3 ou 4 km au-dessus du Datum), des basses terres du Nord (4 à 5 km en dessous du Datum en moyenne). Cette pression est aussi celle du point triple de l’eau (611 Pa) c’est-à-dire le point du diagramme de phase de l’eau pure où peuvent coexister ses phases liquide, solide et gazeuse. A cette pression la glace d’eau pure a tendance à se sublimer, c’est-à-dire à passer directement de la phase solide à la phase gazeuse lorsque la température monte au-dessus de 0°C. Ceci dit la pression en dessous de cette altitude moyenne monte au-dessus de 6 millibars et dans ces conditions, compte tenu des très fortes dénivellations à la surface de Mars, on peut trouver un peu d’eau liquide dans les basses terres du Nord ou dans le Bassin d’Hellas au Sud (région la plus basse de Mars à – 8 km du Datum en moyenne, pression de 11 millibars maximum) mais les possibilités sont très limitées. Au mieux, dans ces régions privilégiées, elle bout à quelques tout petits degrés au-dessus de 0°C (2° ou 3°C ?) et elle gèle un peu en dessous de 0°C (-10 à -15°C ?) grâce à une très forte salinité (perchlorates). Le résultat de la sublimation quasi générale de l’eau de surface qui tendrait à évoluer en phase liquide à un moment ou un autre de la journée et /ou de l’année, est que Mars est partout aride, les endroits les plus humides étant comparables aux endroits les plus secs du Désert d’Atacama.
Cependant on a pu observer la présence de glace d’eau un peu partout en surface de Mars. D’abord, même depuis la Terre, les deux calottes polaires (glace d’eau au Pôle Nord et au Pôle Sud, glace d’eau et glace carbonique en surface) offrent leurs surfaces réfléchissantes à tout observateur disposant d’un télescope de puissance moyenne. Dans les latitudes élevées, la sonde PHOENIX nous a aussi montré que là où elle s’était posée (68° Nord) la glace était immédiatement accessible (elle a été découverte sous quelques cm de régolite sous la sonde, dégagée par la force de la rétropropulsion lors de l’atterrissage et la pelle de l’engin l’a mise à jour un peu plus loin, sans effort). Ensuite, avec les radars embarqués sur plusieurs orbiteurs (notamment MARSIS de Mars Express, de l’ESA, puis SHARAD – Shalow Radar – à bord de MRO – Mars Reconnaissance Orbiter, de la NASA, qui fonctionne à plus hautes fréquences) on a découvert plusieurs banquises enterrées, même en zone intertropicale (Medusa Fossae), et, en latitudes moyennes de l’hémisphère Nord, entre 40 et 50°, dans l’Ouest d’Utopia Planitia (près d’Isidis Planitia), une vaste région (quelques 375000 km2) de buttes (« mesas ») à forte teneur en eau. En janvier 2018, une étude a mis en évidence l’existence de véritables falaises de glace a des latitudes assez élevées (55°) dans l’hémisphère Sud. Par ailleurs, de petits cratères d’impact créés aux altitudes moyennes dans les basses terres du Nord montrent, à l’occasion, de petites surfaces blanches qui disparaissent dans un temps relativement court ; il s’agit incontestablement de glace d’eau proche de la surface et qui se sublime une fois découverte, plus ou moins vite en fonction de l’importance du volume. Enfin l’analyse radar de SHARAD a révélé une diélectricité faible, comme attendu, se renforçant en profondeur, dans toute la région des basses terres du Nord (zone de basse altitude occupant environ 40% de l’hémisphère Nord et réceptacle probable d’un ancien Océan), ce qui indique la présence d’eau actuelle ou ancienne (porosité du sol après sublimation).
Il y a donc beaucoup de glace d’eau sur Mars, mais ce qui intéresse ceux qui y préparent l’installation de l’Homme (en particulier certaines équipes de la NASA), ce sont les latitudes basses et moyennes de l’hémisphère Nord car ce n’est qu’à ces latitudes que l’on peut envisager d’utiliser le rayonnement solaire pour obtenir de l’énergie (ne serait-ce que complémentaire à l’énergie nucléaire) et éviter des hivers trop rudes et trop longs (sur une année de 630 jours, ils le sont aux latitudes élevées, surtout dans l’hémisphère Sud compte tenu de l’excentricité de l’orbite de la planète !). C’est dans l’hémisphère Nord également que l’on trouve les conditions les plus favorables pour l’atterrissage (vastes plaines lisses et plates d’altitudes basses à proximité de l’équateur et en latitude moyenne, qui impliquent plus de temps disponible pour le freinage, moins de risques de déstabilisation lors du contact au sol, moins de consommation d’énergie car moindre déviation de la trajectoire « naturelle » du vaisseau, qui se place au-dessus de l’équateur par attraction « naturelle » de la planète).
Or, une étude récente, dirigée par Sylvain Piqueux (CalTech) et publiée dans les « Geophysical Research Letters » en décembre 2019, révèle qu’il existe une vaste région de l’hémisphère Nord au climat acceptable, où cette eau est abondante et serait très facilement accessible.
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