Retrouvez la vidéo de la conférence de l’Association Planète Mars avec Richard Heidmann et Aline Decadi, organisée par le Groupe Ile-de-France de la 3AF à la Mairie du XVe arrondissement à Paris le 12 Novembre 2019.
Description: Dans l’attente de disposer d’un lanceur lourd (près de 100 tonnes en orbite terrestre), des simulations d’entrainement à l’exploration Martienne sont aujourd’hui réalisées sur Terre. Ces simulations permettent de mettre en oeuvre des rovers, des drones, des outils de communication et de navigation et de tester des protocoles de sécurité ; les principaux résultats seront présentés.
Video Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=AcIp8IjdfHI
Gazette publiée après la conférence :
Pour les membres, se rendre ici: http://members.planete-mars.com/doc-publications-apm/
Pour les non-membres: rendez-vous ici : https://planete-mars.com/soutenez-apm/
Nous tenons à remercier très chaleureusement l’Association 3AF, en particulier le Groupe Ile de France pour leur accueil et l’organisation de cet événement conjoint que nous souhaitons être précurseur de nombreux à venir.
Bonjour,
J’ai regardé votre conférence et je connais votre association. J’ai 26 ans et j’espère que je serais encore là pour voir les premières missions humaines sur Mars mais en repensant à l’installation sur cette planète, je me demandais si – désolé pour la trivialité du propos – vous ne craignez pas d’être le moment venu les dindons de la farce ?
Je m’explique : il est peu probable que ce soit la science qui fasse qu’on enverra des êtres humains sur Mars puisque la seule façon de débloquer des budgets aussi énormes est qu’un pays ou un groupe de pays veule se confronter à quelqu’un d’autres. Pour prendre l’exemple historique, sans la Guerre Froide et la confrontation idéologique entre l’URSS et les USA, les missions Apollo (1969-72) n’auraient pas existé et l’Homme n’aurait jamais marché sur la Lune.
C’est une ambition politique qui fera que l’on pourra dépenser 1000 milliards de dollars dans un programme d’exploration martienne. Mais du coup, il est raisonnablement à craindre qu’une fois l’objectif atteint une fois, les politiques s’en détourneront et réduiront les budgets car ils ne verront plus du tout l’intérêt de continuer une chose aussi chère et aussi dangereuse. Idem d’ailleurs dans le grand public qui financera qu’il le veuille ou non le développement de ces missions.
Encore une fois, c’est l’exemple que ce qu’il s’est passé pour Apollo : une fois l’alunissage de d’Apollo 11 réussi, la course était gagnée par les USA. Les politiciens ont commencé directement à réduire les budgets et le grand public s’en ait désintéressé tout de suite. Les infrastructures des autres missions étaient déjà prêtes ou quasi-prêtes quand les coupes budgétaires ont commencé à se faire durement ressentir mais la NASA a dû tout de même se résoudre à annuler dès 1970 les trois derniers alunissages prévus au départ, Apollo 18, Apollo 19 et Apollo 20. Et l’engouement du public pour Apollo 11 s’est mué en une blasitude générale : Apollo 12 est suivi encore un peu mais le couac de la caméra couleur cassée par les deux astronautes (Pete Conrad et Alan Bean) a fait mauvais effet. Et pour Apollo 13 juste cinq mois plus tard, il n’y a pas eu de direct pour le lancement et les chaines de télé US n’ont pas retransmises le programme des trois astronautes depuis leur vaisseau en route vers la Lune. C’est triste à dire mais sans l’accident, les médias et le grand public ne se seraient jamais intéressés plus que ça à cette mission, qui n’était pourtant que la troisième à devoir se poser sur notre satellite. Et la situation ne s’est pas arrangée avec les missions suivantes Apollo 14, Apollo 15, Apollo 16 et Apollo 17 alors que c’étaient les plus longues, les plus complexes et les plus intéressantes sur le plan scientifiques.
Et après cela, on a tendance à considérer qu’avec Apollo, on a exploré la Lune et que c’est suffisant. C’est ce qui a été dit pendant des décennies et c’est ce qui a été répété par Barack Obama en 2010 lorsqu’il a annulé le programme Constellation de George W. Bush : « La Lune, on y est déjà allé ».
Donc à partir de là, surtout avec des missions très longues comme celles qui seront menées sur Mars, ne peut-on pas craindre que l’exploration martienne habitée subisse dans le futur le même sort et que le désintérêt massif qui suivra le premier pas sur la planète rouge entrave le projet que vous défendez de s’installer durablement sur cet astre ? Quand les astronautes auront réussi à revenir de Mars dans une grosse quinzaine d’années (si on est optimiste et qu’on en vient à espérer qu’une concurrence spatiale comme celle des années 1960 se reproduise), les politiques estimeront que « ça y est, c’est fait » et le grand public ne s’y intéressera plus. Surtout que les coûts de ce programme seront très vite dénoncés comme étant exorbitants et prenant des ressources qui pourraient être utilisées ailleurs. Dans une confrontation idéologique, c’est une question qui serait vraiment abordée une fois l’objectif atteint mais dans la réalité normale, dès les premiers développements, une partie des politiciens qui devront voter les crédits ne seront pas d’accord. Et ce d’autant plus que le commun des mortels considère déjà souvent que ce genre d’ambition est de l’argent « fichu en l’air pour des projets qui ne servent à rien ».
Alors avec des séjours d’un an sur la planète, forcément ce sera passionnant et ça constituera un grand bond en avant pour les connaissances que l’on aura sur la planète et la vie qui y a peut-être vu le jour il y a plusieurs milliards d’années. Mais je crains que les mentalités politiciennes et de la masse – pas dans un sens péjoratif – ne permettent de faire que quelques séjours, avant que le programme soit stoppé pour baisser les budgets. Et que comme la Lune on ne se dise qu’il faudrait y retourner que de nombreuses années après.
Surtout qu’on sait bien que ce que l’Histoire retiendra de l’Homme sur Mars ne sera pas ce qu’on fera. L’image qui sera gardée et écrasera tout, ce sera celle du premier pas d’un être humain (une femme espérons-le) sur cette planète. Mais une fois ça passé, les gens retourneront à leur vie en s’intéressant de moins en moins à ce qu’il peut bien se passer sur Mars. Exactement ce qu’il s’est passé avec la Lune où le triomphe d’Apollo 11 occulte absolument tout le reste (la plupart des gens peinent à citer les noms des dix autres astronautes qui ont marché sur la Lune après Armstrong et Aldrin et beaucoup ignorent même qu’il y a eu des missions sur notre satellite après ce 21 juillet 1969).
Alors nous autres, on est des passionnés, on connait tout ça donc on est « apte » à rendre leur place dans l’Histoire à tous ces hommes :
1er. Neil Armstrong (Apollo 11, juillet 1969)
2e. Edwin « Buzz » Aldrin (Apollo 11, juillet 1969)
3e. Charles « Pete » Conrad (Apollo 12, novembre 1969)
4e. Alan Bean (Apollo 12, novembre 1969)
—- James Lovell (Apollo 13, avril 1970)
—- Fred Haise (Apollo 13, avril 1970)
5e. Alan Shepard (Apollo 14, février 1971)
6e. Edgar Mitchell (Apollo 14, février 1971)
7e. David Scott (Apollo 15, juillet-aout 1971)
8e. James Irwin (Apollo 15, juillet-aout 1971)
9e. John Young (Apollo 16, avril 1972)
10e. Charles « Charlie » Duke (Apollo 16, avril 1972)
11e. Eugene « Gene » Cernan (Apollo 17, décembre 1972)
12e. Harrison Schmitt (Apollo 17, décembre 1972)
Il n’y a pas un seul premier sur la Lune mais bien douze premiers (et je rajoute toujours les deux moonwalkers malchanceux d’Apollo 13 parce qu’ils n’ont certes pas pu se poser mais ils avaient été désignés quand même pour ça et il est dommage de les effacer. De même que certains des premiers héros de l’aviation qui tentaient des choses mais n’ont pas réussi, ça n’enlève rien à leur caractère de pionniers.
Mais la majorité des gens qui ne s’intéresse pas à l’exploration spatiale plus que ça, ils ne s’en souviennent pas. Et il est à craindre que Mars subisse le même sort, fut-ce dans une vingtaine d’années.
Alors avec ces caractéristiques intrinsèques, on retournera peut-être sur Mars à la fin de ce siècle pour elle-même et non pas juste comme une étape sur le chemin d’un objectif plus lointain (les satellites de Jupiter et de Saturne, par exemple), ce qui est en train d’arriver à la Lune et empêchera probablement que les Etats-Unis y restent longtemps puisque l’argent mis pour la Lune sera forcément mis en concurrence avec celui qu’il faut mettre pour les développements nécessaires afin d’envisager d’envoyer des Hommes sur Mars. Artémis est prévu pour durer (pour l’instant du moins) jusqu’en 2030 avec sept missions d’alunissages mais au-delà de ça, ils ne continueront pas longtemps, surtout avec l’objectif de l’administration Trump d’atteindre Mars en 2033-35. Donc il est probable qu’à un moment donné les Etats-Unis relaisseront tomber la Lune après s’être contentés d’apprendre le plus vite possible ce qu’ils peuvent apprendre le plus rapidement pour le voyage martien afin que le peu de ressources financières disponibles puisse être employé directement pour la mission humaine sur la planète rouge.
Enfin bref, c’est bien long. Tout ça pour dire : avec ce que l’on sait du passé et des mentalités qui ne changent pas, comment envisagez-vous que le projet de votre association d’installer durablement des Hommes sur Mars puisse se faire un jour ?
Merci de l’attention que vous porterez à ce commentaire qui, je l’espère, reste quand même lisible malgré les digressions 🙂 .
Commentaires intéressants que je partage en grande partie. Je pense qu’il conviendrait pour Mars comme pour l’ISS de constituer des groupes d’astronautes de toutes les nationalités pour rendre la conquête vers Mars plus internationale dans l’intérêt de la survie de l’espèce humaine. Malheureusement cela pour des raisons géopolitiques ne se fera pas et les nations des USA et de la Chine continueront à agir de manière égoïste sans unir leur efforts pour des enjeux planétaires à moins que l’intelligence let la science des hommes l’emportent sur la politique !!!