5. Un exemple de conception des logements
5.1. Configuration d’ensemble
Ce concept est basé sur la fabrication de modules élémentaires de forme cylindrique hexagonale, de 6 m de longueur et 3 m de côté d’hexagone. Les faces (planes) de ces cellules sont constituées par l’assemblage de 4 panneaux en verre plan trempé, de dimensions 3 m x 1,5 m et d’épaisseur 30 mm. Une mince couche de plexiglass supplémentaire procure un filtrage UV. Le verre trempé, au moins 5 fois plus résistant que du verre ordinaire (du fait des précontraintes de surface introduites par la trempe), est monté en double couche, ce qui permet de s’affranchir des risques qui pourraient résulter d’une blessure du matériau (impact)5. Ces plaques sont montées sur un bâti en acier comprenant 6 arêtes longitudinales (ici en rouge) pour reprendre l’effort de pression sur les extrémités de l’assemblage final multitranche (effort proche de 1200 kN par hexagone) et des cornières longitudinales et méridiennes de 3 m. Certaines de ces cornières servent de support aux feuillures, ces interfaces entre les vitrages et la structure conçues pour permettre la transmission des efforts de pression et assurer l’étanchéité, tout en autorisant les déplacements induits par les déformations et les dilatations. Enfin les extrémités hexagonales de ces modules sont préparées pour faciliter l’assemblage de ceux-ci dans les conditions d’étanchéité requises.
Les logements sont constitués par l’assemblage de tranches comprenant chacune 4 de ces modules, disposés comme montré ci-dessous et affectés respectivement : au logement proprement dit (1 cellule, ici en bleu), au couloir de circulation (1 cellule, orange) et aux serres alimentaires (2 cellules).
5. A ce propos, on cite souvent comme argument pour l’enfouissement le risque que présenteraient les micrométéorites pour ces enceintes. C’est un faux problème car la densité de l’atmosphère martienne au sol équivaut à celle régnant sur Terre à une altitude (35 – 40 km) bien inférieure à celle où les micrométéorites se sont évaporées (vers 80 km) en étoiles filantes. Seuls des objets plus gros, mais bien plus exceptionnels, doivent être pris en considération dans l’évaluation des risques.
Chaque logement serait en principe terminé au niveau bleu par une cloison de séparation avec le logement voisin. Mais ces cloisons seraient repositionnables, permettant de moduler la longueur des « appartements ». La cellule d’habitation proprement dite, de 6 m de hauteur et 30 m² de surface en plan, est séparée en 3 niveaux :
- une « cave » où seront implantées les servitudes techniques, les divers circuits fluides et électriques, et entreposés les équipements des occupants, dont leurs combinaisons de sortie ;
- un étage d’habitation principal, avec accès à une cabine douche et toilettes ;
- une mezzanine « sous les combles ».
Dans cette configuration de base, on dispose ainsi de 60 m² de surface habitable et de 60 m² en plan de surface de serre, probablement à même d’héberger 120 à 150 m² de surfaces cultivées. Ce qui correspond aux besoins minimaux pour 2 personnes, dans la mesure où on admet qu’une partie de l’alimentation (10% ?) serait en tout état de cause importée. Une douzaine de ces unités seront connectées en une aile de bâtiments desservie par un couloir commun, accédant lui-même à une porte de connexion au reste de la colonie. Cette porte, normalement fermée, est destinée à limiter les conséquences d’une dépressurisation en un lieu quelconque de la colonie. Elle devra être dimensionnée pour autoriser le passage d’équipements encombrants. A l’autre extrémité de la ligne de logements, un sas permettra d’accéder directement à l’extérieur.
Toutes les cellules de toutes les tranches de l’ensemble constitué sont à iso-pression (0,5 atmosphère) et les plaques de verre ne sont pas nécessaires entre les cellules ; par contre l’ossature structurelle doit être maintenue, et même renforcée en l’absence de plaque. Cependant on voudra probablement garder les rangs de serres isolés du rang d’habitat, pour des raisons sanitaires. La disposition retenue vise à procurer une position agréable aux occupants, dégagée des éléments d’infrastructure (serres et couloir) et avec vue non seulement sur le paysage mais également sur les plantations.
5.2. Une protection radiative efficace
Pour procurer une protection efficace aux résidents, sans avoir à les transformer en taupes, on propose d’avoir recours à l’eau et à « l’effet casquette », déjà mentionné. L’eau constitue, après l’hydrogène liquide et avec le polyéthylène (CH2n), un des matériaux protecteurs les plus efficaces (voir le graphique NASA ci-après) ; les pans du « toit » de l’habitat et la façade arrière sont couverts de caissons en plexiglass (fixes) contenant une épaisseur de 50 cm de glace d’eau, ce qui réduit pratiquement d’un facteur 5 la dose provenant des directions correspondantes. Le plan de façade sud du module d’habitation est muni de caissons semblables mais relevables et (pour cette raison) moins épais (30 cm, réduction d’un facteur 4). Pour les serres, les avis d’experts diffèrent sur la capacité de survie des cultures à un SPE intense (le manque de données serait pourtant facile à combler par des expériences en laboratoire…) ; nous nous sommes rangés du côté des optimistes, mais il serait toujours possible de munir les faces sud des modules de serre de caissons relevables. Pour l’habitat, outre le rôle d’abri anti-SPE, le panneau mobile de façade permet de choisir : soit de chercher une protection maximale, mais sans visibilité de l’extérieur (uniquement la lumière du jour à travers la glace) ; soit de profiter du paysage (au travers du vitrage) en utilisant « l’effet casquette » (voir l’illustration ci-dessous).
Sur Mars, Curiosity a mesuré des doses, en l’absence de toute protection, analogues à celles reçues dans la Station Spatiale (où on a fait séjourner des astronautes pendant un an). On peut considérer que les dispositions ici décrites éliminent le problème pour le temps passé dans les habitations.
Il faudra expédier sur la planète l’ensemble de ces postes d’élaboration des panneaux, spatialisés, prêts à l’emploi et intégrés sur les bâtis de modules-ateliers connectables. On a essayé d’estimer l’échelle de cette réalisation (voir partie 7) ; c’est un point critique pour la faisabilité de principe du projet. La cadence de production n’est certes pas à une échelle terrestre, mais le besoin étant d’une tranche de 6 m par quinzaine, cela conduit à 18 x 4 = 72 panneaux, soit 5 pièces par jour.
5.3. Quelques données de dimensionnement
pression interne | 500 hPa |
surface hexagone | 23,4 m2 |
Panneaux (verre) | |
---|---|
surface | 3 x 1,5 m2 |
épaisseur | 3 cm (2×1,5) |
masse | 337 kg |
poids sur Mars | 128 kg |
TOTAL par tranche | 24 T |
arêtes longitudinales des hexagones (acier ordinaire) | |
effort longitudinal (par arête) | 200 kN |
résistance en traction | 300 MPa |
masse volumique | 7,85 g/cm3 |
section de l’arête (coeff. sécurité : 3) | 20 cm2 |
masse sur 6 m (tranche) | 94 kg |
cornières vitrages : profilés acier en T dont les branches horizontales comportent un socle démontable permettant le montage en feuillure des vitrages | |
résistance en flexion | 100 MPa |
masse sur 3 m | 35 kg |
renfort hexagone de jonction : (estimation forfaitaire) | 100 kg |
équipements importés : sanitaire, électricité, ventilation, meubles de confort, 300 kg par tranche | 300 kg |
dispositifs de relevage des caissons écrans (2) | 100 kg |
La masse de pièces d’acier à produire par tranche (rappel : de 6 m de longueur) serait donc de :
- 17 arêtes : 1,6 T
- 18 fois 6 + 2 fois 4 cornières, soit 116 pièces : 4,0 T
- 4 renforts de jonction hexagonale : 0,4 T
TOTAL : 6,0 T (rappel : par quinzaine de jours)
Et l’importation d’équipements, sur une période synodique (50 tranches, pour l’accueil de 100 résidents supplémentaires) : 20 tonnes, sur 6 vols,
PAR VOL : ~ 3,3 T (~ 6,5 % de la capacité cargo).
Nota : si la demande de 3 T d’acier par semaine s’avérait difficile à satisfaire, on pourrait importer les arêtes et cornières de la Terre, en passant à une réalisation en composite carbone, beaucoup plus légère.
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Bonjour,
Avez-vous pu considérer l’influence du refroidissement par radiation uniquement versus un refroidissement par convection dans la manufacture du verre dans l’atmosphère martienne? Alternativement, il serait peut être possible d’utiliser des soufflantes à haute vitesse, malgré la faible densité de l’atmosphère martienne, pour créer une certaine convection?
Bjr, non je n’ai pas envisagé la convection forcée, mais je sais qu’un industriel anglais avait étudié la question pour la source froide d’un générateur électronucléaire martien. Leur conclusion n’était pas encourageante. Il faut réaliser que si la production de plaques de verre sur Mars demandera la mise en place de moyens assez lourds, la cadence, par contre, resterait modeste (10 à 15 m² par jour), dans l’hypothèse d’une phase de construction de 20 ans. Les plaques pourront donc refroidir lentement (sauf si l’obtention des caractéristiques l’en empêchait).
Pour le verre, des plus petites surfaces, par exemples ces carreaux de 200mm x 200mm, permettent de réduire considérablement les efforts structuraux sur le verre, essentiellement en remplaçant le verre en flexion par du métal en tension. Pensez-vous que ceci permettrait de réduire le coût des serres, ou est ce que le nombre additionnel de joints et d’étapes de fabrication va canceller les gains?
Bonjour,
J’aimerais utiliser l’image de InSitu ressources pour un article de Marspedia. J’ai une image similaire mais je trouve que votre graphique est plus clair et plus approprié.
https://marspedia.org/List_of_ISRU
Bonjour,
vous avez mon accord, sous réserve qu’apparaisse clairement la mention : Copyright R.Heidmann