L’utilisation des équipements de SpaceX doit nous permettre, à court terme, de réaliser des missions habitées sur Mars.
Robert Zubrin; Pioneer Astronautics; 15 mai 2011
Traduction Pierre Brisson
L’annonce récente, par l’entreprenante société SpaceX, qu’elle a l’intention de mettre sur le marché dans les deux ans, un lanceur lourd capable d’emporter plus de deux fois la charge utile que ce que permet n’importe quelle autre fusée en service aujourd’hui, pose une question passionnante: Peut-on atteindre Mars dans cette décennie?
Je crois que la réponse est oui. Dans cet article, je vais présenter un plan qui permettrait d’utiliser les systèmes de SpaceX qui vont bientôt être disponibles, pour mener à bien, dans le court terme, l’exploration de Mars par vols habités avec un développement technologique minimum. Tout d’abord, je présenterai les grandes lignes d’une nouvelle architecture de mission et un plan. Dans la section suivante, je discuterai de solutions technologiques alternatives possibles dans le cadre de l’architecture de mission précédemment décrite. Puis, dans la troisième section, je discuterai d’architectures de mission alternatives. Je terminerai par quelques observations d’ensemble portant sur la question d’une exploration continue de Mars et de l’établissement de l’homme sur cette planète.
Avertissement : Il convient de noter que l’auteur n’est pas un employé de la société SpaceX et n’a pas une connaissance détaillée des systèmes de SpaceX. Il faudra sûrement que les ingénieurs de SpaceX travaillent dur et fassent preuve d’ingéniosité pour développer des configurations et des systèmes qui pourront faire de ces idées une réalité. Néanmoins, il est évident que si une approche telle que celle recommandée ici est adoptée, les exigences et les capacités nécessaires peuvent être amenées à converger. Nous pourrions ainsi atteindre Mars dans un futur très proche.
1. Base de la mission
Voici comment cela pourrait se faire : Le lanceur lourd « Falcon-9 Heavy » de SpaceX aura une capacité de lancement de 53 tonnes en orbite basse terrestre. Cela signifie que si un étage supérieur classique, chimique, fonctionnant à l’hydrogène /oxygène est ajouté, ce lanceur lourd pourrait avoir la capacité d’injecter environ 17,5 tonnes sur une trajectoire de transfert vers Mars, de placer 14 tonnes en orbite martienne et de déposer 11 tonnes à la surface de Mars. SpaceX a également développé et est en train de faire la démonstration d’une capsule pour équipage connue sous le nom de « Dragon » qui a une masse d’environ 8 tonnes. Bien que sa mission actuelle soit destinée à transporter des équipages (jusqu’à 7 astronautes) à la Station Spatiale Internationale, le système du bouclier thermique du Dragon est surdimensionné et il est capable de résister à une rentrée dans l’atmosphère non seulement de vaisseaux provenant d’une orbite terrestre mais aussi de trajectoires interplanétaires. Le Dragon est assez petit pour un vaisseau interplanétaire mais il est conçu pour une durée de vie de plusieurs années et si on réduit son équipage de 7 à 2 personnes, il doit être suffisamment spacieux pour des astronautes de la bonne trempe.
En utilisant ces équipements de base, une mission vers Mars pourrait être accomplie en lançant successivement trois Falcon-9 Heavy. Le premier mettrait en orbite martienne une capsule Dragon sans pilote avec un étage de propulsion chimique kérosène / oxygène d’une puissance suffisante pour revenir sur Terre. Ce serait l’ERV (« Earth Return Vehicle » c’est-à-dire « véhicule de retour sur Terre »).
Le deuxième lancement déposerait à la surface de Mars une charge utile de 11 tonnes composée d’un MAV (« Mars Ascent Vehicle » c’est à dire « véhicule de remontée de Mars ») qui utiliserait un seul étage de propulsion fonctionnant au méthane / oxygène, d’un petit réacteur chimique automatisé, de 3 tonnes de matériel d’exploration de surface et d’un générateur d’électricité de 10 kilowatts qui pourrait être soit nucléaire soit solaire. Le MAV atterrirait avec ses réservoirs d’ergols remplis de 2,6 tonnes de méthane mais sans les 9 tonnes d’oxygène liquide nécessaires pour le brûler. Cet oxygène pourrait être produit en 500 jours en utilisant le réacteur chimique pour craquer le dioxyde de carbone qui compose 95 pour cent de l’atmosphère martienne. Puisque le réacteur et le générateur pèsent ensemble environ 2 tonnes, l’utilisation de cette technologie pour produire l’oxygène nécessaire in situ, plutôt que le transporter, permettrait de gagner beaucoup de masse et offrirait l’avantage supplémentaire de fournir à l’équipage de l’énergie abondante et de l’oxygène en quantité illimitée à son arrivée. Les 11,6 tonnes de méthane et d’oxygène sont suffisants pour propulser une cabine d’équipage de 2 tonnes (soit l’équivalent de la masse sèche du véhicule de remontée lunaire utilisé lors des missions Apollo) de la surface martienne jusqu’à l’orbite haute Martienne ou elle retrouverait l’ERV.
Une fois ces éléments en place, le troisième lancement aurait lieu. Il injecterait une capsule Dragon avec un équipage de deux astronautes sur une trajectoire martienne directe. La capsule emporterait 2,5 tonnes de produits consommables, ce qui est une quantité suffisante, si les systèmes appropriés de recyclage d’eau et d’oxygène sont employés, pour maintenir en vie deux personnes pendant un maximum de trois ans. Compte tenu de la capacité de charge utile, un véhicule terrestre léger et plusieurs centaines de kilos d’instruments scientifiques pourraient également être embarqués.
Il faudrait six mois pour que l’équipage atteigne Mars, après quoi il ferait atterrir sa capsule Dragon près de la MAV. Il passerait ensuite l’année et demie suivante à explorer Mars. En utilisant son véhicule « automobile » pour se déplacer et la capsule Dragon comme son habitat et son laboratoire, il pourrait rechercher à la surface martienne les preuves fossiles de vie passée qui pourrait avoir existé lorsque la Planète rouge possédait des étendues d’eau liquide stable en surface. Allant plus loin, il pourrait mettre en place des appareils de forage pour extraire des échantillons d’eau souterraine dans lesquels une vie microbienne native pourrait avoir persisté jusqu’à ce jour. S’il trouvait l’une ou l’autre, il prouverait que la vie n’est pas un phénomène spécifique à la Terre mais qu’il est généralisé dans l’univers. Il permettrait de ce fait de répondre à une question que les hommes se posent depuis des millénaires.
À la fin de ses 18 mois de séjour en surface, l’équipage s’installerait dans le MAV, décollerait et rejoindrait l’ERV. Ce vaisseau le reconduirait dans l’environnement terrestre au bout d’un voyage de six mois. Après quoi il rentrerait dans l’atmosphère et amerrirait dans l’océan.
2. Alternatives techniques dans le cadre de l’architecture de mission.
a. MAV et systèmes associés.
Dans le plan décrit ci-dessus, le méthane / oxygène est proposé comme système de propulsion pour le MAV en important de la Terre la totalité du méthane alors que tout l’oxygène serait produit sur Mars à partir de l’atmosphère. Cette méthode a été préférée à toute autre impliquant l’hydrogène (comme matière première pour la fabrication de propergol ou comme carburant lui-même) car elle élimine le besoin de transporter de l’hydrogène cryogénique de la Terre ou de le stocker à la surface de Mars ou encore de l’extraire de la glace d’eau du sol martien. Si de l’hydrogène terrestre pouvait être transporté pour faire du méthane, on pourrait économiser environ 1,9 tonnes de masse. J’ai préféré transporter du méthane plutôt que d’utiliser du kérosène / oxygène pour remonter de Mars, avec du kérosène provenant de la Terre et de l’oxygène de Mars parce que le méthane offre de meilleures performances (Isp 375 s vs Isp 350 s) que le kérosène et que son choix rend le système plus évolutif. En effet, une fois que l’eau martienne deviendra utilisable, le méthane pourra facilement être fabriqué sur Mars ce qui permettra d’économiser 2,6 tonnes de masse, livrées sur Mars, par mission (correspondant à la masse du méthane), ce qui peut se comparer à environ 3 tonnes dans une configuration où l’on devrait apporter du kérosène. Cela dit, le choix d’utiliser du kérosène / oxygène pour remonter de Mars au lieu d’oxygène/ méthane est possible dans les limites des capacités de transport en discussion. C’est donc une option alternative viable, qui permettrait de réduire les coûts de développement mais qui limiterait la charge utile et l’évolutivité.
b. ERV et systèmes associés.
Un système oxygène / kérosène est proposé pour l’injection sur la trajectoire de retour vers la Terre (« Trans-Earth Injection » ou « TEI »). Un système méthane / oxygène offrirait une capacité accrue s’il était disponible. L’amélioration des performances serait modeste cependant, puisque le delta-V pour le TEI à partir d’une orbite très elliptique autour de Mars est seulement de 1,5 km / s. L’hydrogène / oxygène est rejeté pour le TEI afin d’éviter la nécessité de stocker l’hydrogène sur une longue durée. L’estimation du besoin d’insérer une masse de 14 tonnes en orbite martienne est basée sur l’hypothèse de l’utilisation d’un aérofrein auxiliaire d’une masse de 2 tonnes pour réaliser l’essentiel du freinage de delta-V. Si le système peut être configuré de sorte que la capacité propre d’aérofreinage de la capsule Dragon puisse jouer un rôle dans cette manœuvre, la masse injectée en orbite martienne pourrait être augmentée. Si on décide que le delta V de ~ 1 km / s requis pour capture minimale en orbite Martienne doit être obtenu par l’intermédiaire d’une propulsion, cette masse pourrait être réduite jusqu’à 12 tonnes (en supposant une propulsion kérosène / oxygène). Ce serait encore suffisant pour permettre la mission. L’orbite utilisée par l’ERV est une orbite assez lâche de 250 km / 1 sol. Cela minimise le delta V pour la capture et le retour tout en maintenant l’ERV dans une relation synchrone avec le site d’atterrissage. Le volume habitable de l’ERV pourrait être considérablement augmenté en utilisant un module gonflable auxiliaire, tel que discuté dans l’annexe.
c. Vaisseau habitat (« Hab »).
J’ai choisi le Dragon pour habitat primaire et pour l’ERV parce qu’il est disponible. Ce n’est pas idéal. L’espace habitable du Dragon seul après l’atterrissage, semble être d’environ 8 mètres carrés (80 pieds carrés), un peu plus petit que les 100 pieds carrés d’un petit appartement standard à Tokyo. Un espace d’habitation supplémentaire et un back-up logistique important pourraient être obtenus par l’atterrissage à l’avance sur le site de la mission d’un Dragon supplémentaire chargé de fournitures et de matériel supplémentaires. Une protection contre les éruptions solaires pourrait être fournie pendant le voyage aller en plaçant correctement les provisions ou en prévoyant l’utilisation d’une protection personnelle remplie d’eau de type « sac de couchage. » Pour les concepts d’utilisation de structures gonflables pour accroître considérablement l’espace de vie pendant le vol et / ou après l’atterrissage, voir la note en annexe.
3. Alternatives à l’architecture de mission sélectionnée
a. Retour direct.
Dans un monde idéal, le retour direct à partir de la surface de Mars en utilisant des ergols produits in situ est ce qu’il faudrait choisir. Ceci, bien sûr, est la base du plan Mars Direct et toutes choses étant égales par ailleurs, c’est ce que je préférerais. Toutefois, dans l’hypothèse d’une mission à court terme, utilisant des systèmes qui pourraient être disponibles avec un développement technologique minimum, ce n’est pas possible. Par exemple, pour le retour direct d’une capsule Dragon de la surface martienne en une seule étape avec une propulsion hydrogène / oxygène dont les éléments seraient produits à partir de l’eau martienne, il faudrait environ 50 tonnes de propergol. Cela nécessiterait une puissance de production de 50 kilowatts (jour et nuit), ce qui, dans l’hypothèse où un réacteur nucléaire ne serait pas disponible, signifie qu’il faudrait une surface de panneaux solaire d’environ 5000 mètres carrés. Un tel dispositif pèserait probablement au moins 10 tonnes, ce qui ferait exploser le budget masse de la mission et serait également difficile à déployer en mode automatique. En outre, en supposant une concentration d’eau de 4% en masse dans le sol martien, l’obtention de 50 tonnes d’eau nécessiterait l’extraction minière de 1200 tonnes de sol, ce qui est rédhibitoire. Utiliser de l’eau sur Mars en combinaison avec le CO2 atmosphérique pour produire du méthane / oxygène à la place de l’hydrogène / oxygène permettrait de réduire le besoin en puissance d’environ 40% et l’exigence d’extraction minière de 60%, mais le plan demeurerait irréalisable dans les limites des systèmes disponibles. Ainsi, l’utilisation d’un véhicule léger de type LEM pour remonter de la surface de Mars et faire rendez-vous avec un Dragon placé en orbite très elliptique de Mars est nécessaire si les exigences de masse de la mission et les capacités de transport doivent converger.
b. Double rendez-vous
Une alternative au plan décrit ici pourrait être de faire voler l’équipage dans le même Dragon que celui utilisé pour l’ERV (un « vaisseau mère ») et de faire se poser sur Mars un autre Dragon pour mettre à disposition de l’équipage un habitat de surface. L’équipage aurait alors rendez-vous avec le MAV et descendrait sur Mars près de cet habitat où il vivrait 1,5 année, après quoi il réutiliserait le MAV pour remonter à l’ERV. Cette architecture est possible, en principe, mais moins bonne que celle choisie parce qu’elle nécessiterait deux rendez-vous orbitaux par mission au lieu d’un seul, ne permettrait pas de préparer les ergols de propulsion avant le lancement de la capsule habitée et ferait atterrir l’équipage séparément d’une capacité substantielle d’habitation ou de support vie important, sans aucun avantage compensateur.
4. Observations générales
L’objectif approprié d’un programme de mission habitée sur Mars devrait être une exploration approfondie suivie d’un établissement de l’homme sur la planète. Cela ne peut être fait que si les coûts sont maintenus bas. Ce plan crée une architecture de mission d’un coût suffisamment faible pour permettre une exploration soutenue. Les lancements de Falcon-9 Heavy se feront au prix de 100 millions de dollars chacun et les Dragons seront sans doute encore moins chers. En adoptant une telle approche, nous pourrions envoyer des expéditions sur Mars à la moitié des coûts de mission actuellement nécessaires pour lancer un vol de navette spatiale. En outre, les Dragons employés dans la mission seraient réutilisables, l’un restant sur le site pour contribuer à la croissance de la base Martienne et l’autre revenant sur Terre. On notera qu’aucune infrastructure orbitale, aucune opération avancée orbitale, aucun système de propulsion avancé ou même aucun système d’énergie nucléaire de surface (bien que le générateur Topaz de 10 kilowatt dont la démonstration a été faite par le programme soviétique conviendrait parfaitement) ne seraient nécessaires pour que la mission soit possible. Cela, outre le fait que la mission pourrait être menée en utilisant une fusée qui sera bientôt disponible, minimiserait les coûts et le temps de développement et déplacerait le calendrier possible de la mission d’un avenir indéterminée à un futur presque présent.
Pour l’établissement de bases permanentes sur Mars, on aura besoin d’un transport bon marché avec aller simple. En outre, des cargaisons plus importantes en termes de masse et de dimension devront être livrées. Cela nécessitera le développement d’un lanceur lourd véritable avec une coiffe d’au moins 8 mètres et de préférence 10 mètres et des capacités de lancement de plus de 100 tonnes en orbite. En outre, si les coûts doivent baisser, la « réutilisabilité » est souhaitable. Cependant cette réutilisabilité doit être mise en perspective. La partie la plus importante d’un système de transport spatial réutilisable est l’étage inférieur puisqu’il représente la masse la plus importante (donc offrant les plus grandes économies potentielles de réutilisation). Y ajouter de la masse (pour la rendre réutilisable) ne provoque aucune augmentation de masse pour les étages supérieurs. D’autre part, rendre les étages supérieurs ou les systèmes de transfert interplanétaire réutilisables ne permet d’économiser qu’une petite quantité de matériel mais provoque l’augmentation de la masse des étages inférieurs. Ainsi, la réutilisabilité doit être mise en œuvre en allant des étages inférieurs aux étages supérieurs plutôt que le contraire (comme on l’a malheureusement fait pour la navette spatiale.)
Grâce à l’architecture de mission décrite ici ainsi qu’aux Falcon-9 Heavy et Dragon bientôt disponibles, les premières missions habitées pourraient être lancées et un avant-poste initial pourrait être établi sur Mars au cours de la présente décennie. Avec l’arrivée d’un véhicule de transport lourd capable de déposer sur Mars (sans retour) des modules habitables d’un diamètre de ~ 9 m dans la classe des 30 tonnes de masse, l’établissement (subventionné) de l’homme sur Mars pourrait commencer, avec les vols retour, qui resteraient nécessaires, assurés par un système du type F9H / Dragon. Si le lanceur lourd peut évoluer vers la réutilisabilité, en commençant par l’étage inférieur, les frais de transport aller simple vers Mars pourraient être abaissés davantage et finiraient par atteindre le point où les individus disposant de moyens assez ordinaires seraient en mesure de payer leur voyage et de s’aventurer librement pour commencer une nouvelle vie sur un monde nouveau.
Annexe: Notes concernant diverses questions à propos de la mission
1. Effets de l’absence de gravité sur la santé
Il n’est pas nécessaire d’exposer l’équipage à une gravité nulle. Une gravité artificielle peut lui être fournie en attachant le Dragon à l’étage de transfert ver Mars par un filin, comme il est recommandé dans le plan de base de Mars Direct.
2. Rayonnements
L’exposition de l’équipage aux rayons cosmiques est exactement la même que celle à laquelle seraient soumises toutes autres missions martiennes crédibles. Elles utiliseraient toutes une trajectoire de type « conjonction » de 6 mois, à la fois parce que c’est la durée où l’on atteint un rendement décroissant (le «genou de la courbe » où l’accroissement de delta-V commence à présenter plus d’inconvénients que le gain en temps de voyage) et parce que c’est la seule trajectoire qui offre une orbite secours de retour sur Terre automatique (après deux ans de voyage). En considérant la mission de base, la dose de rayons cosmiques totale ne serait pas supérieure à celle déjà reçue par une demi-douzaine de cosmonautes et astronautes qui ont participé à des missions de longue durée à bord de Mir ou de l’ISS, sans qu’on ait signalé qu’elles aient induit des effets sur la santé résultant du rayonnement (les taux de rayons cosmiques reçus sur l’ISS sont 50% de ceux reçus en espace interplanétaire). Le champ magnétique de la Terre ne protège pas efficacement contre les rayons cosmiques. En fait, avec la présence permanente d’un équipage de 6 personnes, le programme actuel de l’ISS va infliger l’équivalent de 30 années x hommes de doses encourues lors d’un voyage interplanétaire, pour l’ensemble des équipages de la prochaine décennie. Il s’agit d’un ordre de grandeur de plus que ce qui sera reçu par l’équipage de la mission proposée ici. Il y a par ailleurs suffisamment de consommables à bord pour qu’ils puissent être utilisés comme un blindage contre les éruptions solaires.
3. Aérocapture
La méthode préférée pour se faire capturer par Mars est l’aérocapture plutôt que l’entrée directe. Cela signifie que le bouclier thermique du Dragon, qui a une certaine capacité de portance, peut suffire. Il s’agit d’un problème complexe mais un calcul « sur un coin de table » indique que la taille du bouclier du Dragon est dans la bonne fourchette. Ainsi, considérons un Dragon chargé avec une masse d’entrée de 17.000 kg, un diamètre de bouclier effectif de 4 mètres, un coefficient de traînée de 1, arrivant avec une vitesse d’entrée de 6 km / s à une altitude de 33 km où la densité atmosphérique de la planète Mars est de 0,8 g/m3. En posant que la traînée est égale à la masse multipliée par la décélération, on peut voir que le système va décélérer à une vitesse de 42 m/s2, soit un peu plus de 4 g. On peut donc effectuer une décélération de 1 km / s en environ 25 secondes pendant lesquelles on se déplacera d’environ 140 km. Cette décélération est suffisante pour que le vaisseau spatial soit capturé à partir d’une trajectoire interplanétaire dans une orbite très elliptique, faiblement liée à Mars. Si le périastre n’est pas relevé, l’engin ré-entrera encore et encore, en abaissant progressivement l’apoastre de son orbite, jusqu’à ce que l’apoastre souhaité pour les opérations en orbite soit atteint ou que le vaisseau spatial soit prêt à entrer plus avant dans l’atmosphère pour atterrir. Ceci dit, si un plus grand aérofrein est nécessaire, on peut en créer un en ajoutant une jupe en tissu souple ou en matériau gonflable au bouclier de base du Dragon.
4. EDL (Entrée, Descente et Atterrissage)
En utilisant simplement son bouclier thermique pour la décélération, le Dragon aurait une vitesse terminale de l’ordre de 340 m / s à basse altitude au-dessus de la surface de Mars (densité de l’air de 16 g/m3). On pourrait donc soit le doter d’une capacité de rétrofusée d’un delta-V de 600 m / s pour atterrir entièrement par propulsion (une masse de 20% en supposant une propulsion stockable ou RP/O2 avec Isp ~ 330 s) ou nous pourrions utiliser un drogue chute pour le ralentir (un drogue chute de 20 m de diamètre le ralentirait à ~ 70 m / s) puis utiliser une rétrofusée beaucoup plus petite pour l’atterrissage.
5.Volume habitable
Le volume habitable de la capsule Dragon est certes inférieur au niveau optimal. Toutefois, il convient de noter qu’avec 5 mètres cubes par membre d’équipage, il est 2,5 fois plus important que les 2 mètres cubes par membre d’équipage dont disposaient les membres des équipages Apollo. Les comparaisons alternatives incluent les 9 mètres cubes par membre d’équipage de la navette spatiale ou les 8 mètres cubes par membre d’équipage d’un U-Boat allemand (Type VII, le « cheval de bataille » de la flotte) durant la Seconde Guerre mondiale. Ce serait inconfortable mais finalement supportable par une équipe vraiment motivée par le voyage.
Toutefois ces limites peuvent être améliorées. Le Dragon dispose d’un espace vide de 14 mètres cubes sous son bouclier thermique. Dans cet espace / soute, on pourrait plier un module d’habitat gonflable qui, une fois gonflé, pourrait avoir jusqu’à 8 m de diamètre et peut-être 10 m de long, offrant ainsi 3 niveaux d’utilisation avec un volume ajouté de 502 mètres cubes et une surface totale au sol égale à 1,5 fois les bases de simulation MDRS ou FMARS de la Mars Society qui ont prouvé leur adéquation à des équipages de 6 personnes. Après injection en trajectoire martienne (NdT : après avoir quitté l’orbite de parking terrestre), le Dragon sortirait de la section de la fusée contenant la charge, se retournerait puis reviendrait accoupler son écoutille d’amarrage à celle du module pneumatique. Il ferait alors sortir le pneumatique de la soute, comme le module de commande Apollo avait tiré le LEM. Le pneumatique pourrait alors être gonflé. L’autre extrémité du module gonflable serait attachée au filin relié à l’étage TMI devant servir à la création d’une gravité artificielle.
En arrivant à proximité de Mars, le module gonflable pourrait être largué avant aérocapture, avec le filin et l’étage TMI. Alternativement, et de manière optimale, le filin et l’étage TMI seuls serait largués mais le module gonflable serait dégonflé, replié dans sa soute et conservé pour redéploiement en tant qu’habitat après l’atterrissage.
Un espace de vie supplémentaire pourrait également être fourni au sol en utilisant un quatrième lancement de Dragon, préalablement au départ de l’équipage, chargé de provisions et d’équipements y compris un ou plusieurs modules gonflables qui pourraient être mis en place par l’équipage après l’atterrissage.
5. Risque général
L’architecture de mission présentée est beaucoup plus sûre que toute autre qui repose sur des systèmes complexes énormes nécessitant des assemblages orbitaux car le contrôle de qualité de tels assemblages n’est pas comparable à ce qui peut être accompli au sol. Il serait préférable d’avoir un équipage de 4 personnes, mais si nous voulons mener à bien cette mission avec des Falcon 9 Heavy, un équipage de 2 personnes est tout ce que nous pouvons nous permettre. Bien que la taille de l’équipage ne présente pas un degré de redondance par ailleurs souhaitable, elle offre a contrario l’avantage d’exposer un plus petit nombre de personnes aux risques lors de la première mission. Il est vrai que ne pas voler du tout serait plus sûr, mais si on veut arriver sur Mars, on doit partir pour Mars.
Commentaire: Cette nouvelle proposition dont les aspects quantitatifs sont à confirmer, comme le dit lui même Robert Zubrin, a l’avantage de relancer à la baisse les évaluations du tonnage à envoyer en orbite terrestre pour entreprendre une mission martienne. Depuis la proposition de mission Mars Direct, impliquant 3 lancements lourds, les projets connus, en particulier de la NASA (DRM, DRA), avaient proposé des lancements plus nombreux (jusqu’à 7 dans la DRA 5). Là il ne s’agit plus que de 3 lancements d’une fusée que l’on peut qualifier de mi lourde. La proposition pose aussi, à nouveau, la question de la taille minimale de l’équipage compatible avec une bonne probabilité de succès de la mission. Enfin cette proposition vise aussi à montrer que la plupart des technologies nécessaires pour de premières missions martiennes sont pratiquement disponibles dès aujourd’hui.
A projets grandioses moyens gigantesques dans les années 50 (souvenons-nous de Mars Project de W. Von Braun). Ce qui est cocasse c’est qu’au fil des décennies les vaisseaux d’exploration ont progressivement rétréci, tandis que le calendrier de leur réalisation était repoussé à des dates toujours plus lointaines, plus incertaines. Avec la dernière proposition de Robert Zubrin nous avons sans doute atteint le plancher en termes de réduction de moyens. Si les vaisseaux gigantesques proposés par W. Von Braun n’étaient guère raisonnables, les solutions proposées par R. Zubrin, comparativement dérisoires, me paraissent plutôt hasardeuses. Cela s’apparente à du low cost. Est-ce vraiment adapté pour une mission aussi ambitieuse? Ceci dit peut-être que Copenhagen Suborbitals a aussi dans ses cartons un projet martien… encore plus économique?
Soit les utopistes nous enterrrent sur Terre, soit une poignée de courageux prepare le chemin de vie avec les moyens du bord.Courage!!!
Zubrin a raison, c’est possible, mais c’est pas raisonnable.
Von Braun était raisonnable , mais c’était plus possible.
Vince Cosmic veut poser l’ISS sur PHOBOS. Possible,raisonnable
et pas cher!
Réponse à Spirit:
Il n’y a pas je ne sais quel « concours » pour savoir quel sera le projet le plus économique. La triste réalité c’est que les agences ne veulent pas dépenser d’argent pour l’exploration par vols habités de l’espace lointain et que, devant cette situation, Robert Zubrin propose une solution, en utilisant « les moyens du bord ». Ce qui est remarquable c’est que son projet tienne la route même si c’est à la marge.
Réponse à Vince Cosmic:
Le but n’est pas d’aller explorer l’Espace profond pour le plaisir de l’explorer. Aller sur Phobos n’est pas la même chose qu’aller sur Mars. Ce serait certes plus facile (on ne descendrait pas dans le puit de gravité martien) mais ce serait beaucoup moins intéressant et n’oubliez pas que, sans protection par l’atmosphère martienne, l’équipage serait beaucoup plus exposé aux radiations qu’à la surface de Mars. De même, dans un environnement de micro-gravité, le problème de lutte contre la perte de muscles et la décalcification se poserait de manière aigüe; ce ne serait pas du tout pareil sur Mars.
Pas mal…mais dangereux!La capsule Dragon est trop petite pour le voyage. Nous aurons un lanceur lourd : profitons-en pour assembler un vrai vaisseau uniquement spatiale avec la technologie que nous possédons : 2 éléments type station ISS tournent autour d’un noeud de raccordement. Le tout propulsé par un étage situé au centre(raccordé au noeud centrale) et de l’autre côté, la capsule dragon : il ne reste qu’à faire le plein et c’est parti. Le fret voyage séparément(vol allé simple). Le vaisseau est réutilisable.
@ Pierre Brisson:
Apollo a lassé car les gens se sont dit: Nous, on ira JAMAIS…
Je suis membre de l’association parce que je veux coloniser Mars.
Christophe Colomb n’est pas allé en Amérique à deux dans une barque. Il nous faut de gros vaisseaux spatiaux, le plus gros qu’on ait c’est l’ISS….
Votre approche est trop nerd. Le plaisir d’explorer, c’est le tourisme, voilà qui intéresse le grand public. Personne ne va à la plage pour analyser le sable. Les cailloux on s’en fout!
Les cailloux on s’en fout!
Nous on veut vivre partout!
A Vince Cosmic:
Je comprends votre désir de voyage; ceci dit il faut que ce soit techniquement possible et que quelqu’un paye. Sur le plan technique c’est, grâce à des gens comme Robert Zubrin, déjà possible sur le papier. Pour l’argent, c’est une autre affaire. Si vous avez la solution dites le nous.
A Ankwaris: Pourquoi faire tourner les deux éléments? pour créer une gravité artificielle? Dans ce cas il faudrait les éloigner de plusieurs centaines de mètres pour que la gravité soit de l’ordre de celle qu’on aurait sur Mars et pour que le différentiel entre la tête et les pieds soit supportable. La structure serait donc totalement instable en orbite (terrestre ou martienne).
Comment entretiendrait-on la navette restée en orbite?
Il faudrait à chaque vol prévoir la descente sur Mars et la remontée ainsi que la redescente sur Terre.
Etc…
Donc beaucoup de points à développer et beaucoup d’argent pour créer une navette spatiale réutilisable.
La solution c’est le tourisme.
Ce ne sont pas les ascensions de l’Everest avec 50% de mortalité
et centaines d’amputations qui donnent envie d’aller à la montagne.
Non, ce sont les images de paisibles chalets et verts paturages.
Pour l’instant les mission vers Mars ont 50% d’échecs de mémoire.
Je pense que 2 macchabés sur Mars n’aideront en rien, au contraire.
Un touriste mort dépense moins d’argent qu’un touriste vivant.
Pour commencer il faudrait savoir si on peut vivre sans séquelles osseuses à 1/3G.
Il faut donc une station orbitale à 1/3G pour essayer.
Si oui, il faudra construire Casinos, chalets, pistes de ski et remonte-pentes sur
le Mont Olympe.
Je n’ai pas oublié les radiations, mais nous connaissons leurs effets
et nous savons comment nous en protéger.
Bonjour! Dans cette nouvelle version de mars direct, il est question d’un réacteur produisant de l’oxygène à partir du CO2 mais sans combinaison avec l’hydrogène.A ma connaissance le craquage thermique n’est pas possible. Un procédé très experimental d’electrolyse avec du carbonate fondu a été publié sur internet (Research & technology 1982)mais il produit en même temps du CO. Que fait-on pour l’éliminer? Quelle réaction propose Robert Zubrin?