Jusqu’au 18 septembre le touriste parisien peut découvrir un étrange module spatial muni de hublots posé devant le Petit Palais. Il s’agit en fait d’un prototype de refuge de haute montagne conçu en 1938 par Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret, architectes et designers connus, collaborateurs de Le Corbusier. Ce module, « le refuge tonneau », n’avait pu être construit avant guerre (même si un pré prototype avait été assemblé au col du Mont Joly). Le refuge exposé a été réalisé par l’association « Refuge Tonneau Perriand-Jeanneret ACTE / Alex / CAUE74 » selon les plans d’origine et installé à Paris en avril. Plusieurs versions avait été imaginées par les architectes avec des capacités de 8 à 48 personnes. Cette réalisation permet de rappeler qu’il y a quelques analogies entre refuge de montagne ou polaire et les habitats planétaires: volume limité pour un maximum de personnes, isolation thermique, zone « sas » d’entrée pour se déséquiper et limiter l’entrée de la neige (montagne) ou des poussières (planètes) et, si possible, une installation et un montage facilité (ce que visait en particulier le refuge tonneau). A une échelle considérablement plus grande la base franco italienne antarctique Concordia illustre cette ressemblance architecturale et d’aménagement avec les futurs habitats planétaires.
Un module spatial posé à Paris: le refuge tonneau de Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret (doc. A. Souchier)
Maquette de la station antarctique Concordia au Musée des Arts et Métiers en 2008 lors de l’exposition « Atmosphère…le climat révélé par les glaces » (doc. A. Souchier)
L’habitat de simulation MDRS de la Mars Society dans le désert de l’Utah (doc. A. Souchier/équipage MDRS 43). Voir une analyse des zones fonctionnelles d’un habitat planétaire: 2008.17 Reflexions sur les habitats planétaires ed 3
La structure extérieure du refuge tonneau est constituée de panneaux assemblés par des sangles. Peut on imaginer l’assemblage par les futurs astronautes martiens d’habitats de plus grandes dimensions que celles envisagées dans les études de missions (en général module de 8 m correspondant au diamètre de l’étage supérieur d’un lanceur lourd) ? Ou bien même de monter l’habitat de 8 m sur place à partir de panneaux transportés de manière plus compacte, facilitant ainsi l’entrée dans l’atmosphère? Il faudrait alors une membrane interne (un liner) pour obtenir l’étanchéité, membrane qui n’aurait pas besoin de résister aux efforts de pression au contraire des modules gonflables imaginés pour des habitats de grande dimension et dont l’expérimentation a commencé en orbite avec les deux modules de R. Bigelow. Le liner n’aurait pas besoin non plus de tenir au rayonnement ultra-violet et autres agressions présentes sur un sol planétaire.
A propos de structure gonflable, il se trouve qu’à proximité du refuge tonneau, le Grand Palais expose, dans le cadre de « Monumenta 2011 », une oeuvre de l’artiste Anish Kapoor, le Léviathan, énorme volume gonflé de 72000 mètres cube et 34 m de haut. La visite commence d’ailleurs par l’intérieur. La surpression qui tient cet édifice n’est que de 5 millibar alors qu’une structure gonflée d’habitat planétaire serait au moins à 200 millibar, soit 40 fois plus. A 5 millibar la structure de 2 mm d’épaisseur est déjà très rigide. Lors de l’un des films grand public sur une mission martienne de ces dernière années, on voyait une serre gonflable, annexe d’un habitat, dont les parois battaient dans le vent d’une tempête martienne. Complètement impossible avec une structure gonflée à 200 millibar et avec la faible densité de l’atmosphère martienne qui divise par 8 les efforts du vent !
La structure gonflable de 72000 mètres cube « Le Léviathan », un volume correspondant à celui d’une base planétaire de plusieurs centaines de personnes! (doc. A. Souchier)