Conclusion
Cet examen conduit à considérer que la réflexion de SpaceX sur son projet MCT, du moins sur la base de l’état des révélations qui permettent d’essayer de s’en faire une idée, n’a pas encore atteint la maturité permettant d’assurer la cohérence et la faisabilité technique du concept. Quelques constats marquants soulignent cette situation.
En premier lieu, la préférence affichée pour un lanceur monobloc présente une sévère limitation en termes de relâchement des conditions du freinage atmosphérique de la navette, propre à conduire à une solution de protection thermique réellement réutilisable ; SpaceX disposerait-elle d’une technologie avancée de PT permettant de supporter ces conditions ? Ou bien envisagerait-elle une voilure de navette déployable ? Il est vrai que cette configuration peut s’imposer pour des raisons de simplicité architecturale, de conception structurale et aérodynamique et de mise en œuvre.
En second lieu, compte tenu de la difficulté à imaginer un lanceur à plus de 60 Raptor au décollage, nos estimations montrent que l’objectif d’une charge utile de 100 tonnes sur Mars apparaît, sauf innovation supplémentaire, difficile à atteindre. En effet, même dans les conditions opérationnelles les plus favorables (Mars au périhélie à l’arrivée, transfert de Hohmann) et avec des caractéristiques techniques plutôt optimistes (indices structurels, pourcentage de propergol pour récupération, impulsion spécifique au vide et rapport poussée/poids des moteurs), nous n’atteignons pas l’objectif des 100 tonnes. Les calculs donnent 95 tonnes pour une navette à fort coefficient balistique, 85 pour une navette à coefficient balistique réduit avec retour « retardé », et 82 pour cette même formule mais avec retour « immédiat ». Revenir à 100 tonnes, y compris pour Mars à l’aphélie, avec un transfert plus rapide et en prenant des marges plus conséquentes pour le dimensionnement structurel et les quantités de propergol demanderait d’accroître encore la masse au décollage et donc le nombre des moteurs.
Enfin, la prise en compte d’un retour « immédiat », hypothèse cohérente avec les déclarations qui présentent ce projet comme offrant la perspective d’un « business », conduit à alourdir le véhicule, et à réduire la masse de CU, ainsi que son volume puisque les réservoirs deviennent plus encombrants. L’effort en DV rapporté à l’Isp atteint par ailleurs un niveau inusité rendant le projet vulnérable aux incertitudes sur les hypothèses de dimensionnement.
Ce dernier point à lui seul conduit à penser que tout n’est probablement pas dit ou bouclé. SpaceX a-t-elle d’ores et déjà une botte secrète ? Nous devrions en apprendre plus fin 2015.
Richard Heidmann
heidmann.r@orange.fr
Très intéressant!. Selon de dernières déclarations, un ravitaillement en LEO serait prévu avant la TMI. Vous pourriez aussi l’intégrer à votre étude? Il n’est peut-être pas utile d’envisager la « navette » comme lieu principal de vie pendant le transit mais simplement comme un « lander », pour déposer passagers et fret? Cela réduirait sa masse. L’étage de transit ou Space HAB pourrait être constitué par le réemploi d’un étage de la BFR, à l’image de Skylab et son volume impressionnant ou bien un module gonflable Bigelow? Autre question, si SpaceX peut ramener à l’avenir sur Terre, un deuxième étage de Falcon avec PT et rétropropulsion, alors il sera aussi possible de le faire sur Mars non? En tout cas cela est passionnant, merci.
Merci pour votre apport à la réflexion. C’est utile car pour l’instant j’aboutis à une conclusion mitigée, le projet n’est pas totalement satisfaisant. En particulier, immobiliser le vaisseau 18 mois sur Mars ne me paraît pas vraiment raisonnable. Mais un retour immédiat est doublement pénalisant : le DV est accru de près de 2 km/s et la rentrée sur Terre se produit vers 14 km/s au lieu de 11 (l’idéal serait donc de fournir encore un DV de freinage de 3 km/s). Dans ces conditions, toute solution permettant cette augmentation de perfo – sans complication opérationnelle trop défiabilisante ou coûteuse – serait à envisager . A nos neurones !
Concernant la descente des passagers dans un plus petit vaisseau spécial, je ne suis pas sûr qu’on y gagne car on recherche à tout prix à abaisser le coefficient balistique, donc cet bulle quasiment vide de 1600 m3 que constitue l’hab de transit est bienvenu en EDL.
Si le Mars Colonial Transporter n’ assurait que des liaisons orbite terrestre – orbite martienne on pourrait imaginer le coupler avec un « taxi Dragon v3 » capable d’ effectuer des liaisons orbite-sol-orbite martienne.
En tous les cas MCT est un projet vraiment passionnant, merci de continuer à nous informer de son avancement.
c’est effectivement envisageable. Mais ce n’est pas apparemment la voie choisie par SpaceX qui semble vouloir faire atterrir « the whole thing ».
Effectivement, de prime abord, ils ne pourront pas gagner sur tout les tableaux. 1 seule fusée gigantesque, 1 seul vaisseau (habitat-lander Terre/Mars), objectif idéal de 100 tonnes de CU au sol, poser sur Mars « the entire thing », retour rapide avec trajectoire d’opposition, création d’une ligne régulière Terre!/Mars etc… Leur réponse en fin d’année sera surement déroutante. Musk a affirmé qu’il ne font pas de révolution mais bien de l’évolution. Je pense, mais ce n’est qu’un ressenti personnel, qu’ils exploitent des idées restées longtemps dans les cartons. Regardons peut-être du coté des idées écartées par les agences spatiales d’il y a quelques décennies? L’atelier humide par exemple afin de gagner en DV? SpaceX ne semble pas avoir d’inhibitions et c’est très stimulant.
Bravo pour cette analyse !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Mais quelque petits truc à redire. Déjà 600/700t de charge utile en orbite basse n’est pas énorme. La Nasa en effet prévoyait pour l’après Apollo, plusieurs lanceurs (Sea Dragon/Nexus/Rombus) TSTO/SSTO entièrement réutilisable capable de 1000t de charge utile en LEO. Il y avait même le projet ORION qui prévoyait jusqu’à 8 millions de tonnes en LEO.
Ensuite utiliser des dépôts de carburant en LEO/point de Lagrange L1 et/ou L2/LMO + plus production ISRU de carburant à la surface de Mars serait nettement plus efficace.
En assumant que le MCT est le second étage du BFR avec une capacité à atterrir sur Terre pour être réutilisable, et avec des dépôts de carburant en LEO/points de Lagrange/LMO + ISRU à la surface de Mars + aérocapture, le DV maximale entre 2 ravitaillement est de 4.1km/s (pour décoller de Mars et se mettre en orbite) ce qui est inférieur au DV d’un second étage de fusée. Donc avec cette stratégie, le MCT peut amener autant de charge utile sur la surface de Mars que en LEO. Et en plus l’atterrissage sur Mars peut se faire entièrement en rétropropulsion sans besoin de système de freinage aérodynamique.
Les dépôts de carburant serait d’abord ravitailler depuis la Terre mais ensuite pourrait être ravitailler depuis la Lune/Mars et les astéroïdes.
Concernant la charge utile en LEO et donc à la surface de Mars du BFR et donc du MCT, 1000t me parait un bon objectif car Elon Musk parlait de 100 astronaute amener à la surface de Mars par vol et donc avec 10t de matériel par astronaute cela fait 1000t et enfin ça serait aussi bien que les projets post-Apollo de la Nasa ce qui est un minimum au vu des ambitions de Elon Musk.