Article de Robert Zubrin, publié 16/02/2018 dansThe Weekly Standard, ; Traduction Pierre Brisson
Le 6 février 2018, le lanceur Falcon Heavy de SpaceX a pris son envol, démontrant une capacité à emporter 60 tonnes en orbite basse terrestre tout en nous divertissant avec l’image d’une petite Tesla décapotable envoyée sur une trajectoire qui la mènera au-delà de l’orbite de Mars. Pour ajouter à ce coup d’éclat, les deux éléments latéraux du Falcon sont revenus au sol ensemble et avec grâce, sur leur plateforme de Cap Canaveral, tandis que le troisième élément a manqué de justesse son atterrissage sur une barge-drone stationnée au large du Centre spatial.
Pour réaliser à quel point cet accomplissement est extraordinaire, rappelons qu’en 2009 le comité d’évaluation de l’administration Obama composé des meilleurs experts de l’« establishment » et dirigé par l’ancien président de Lockheed Martin, Norm Augustine, avait déclaré que le programme lunaire de la NASA devait être annulé parce que le développement du lanceur lourd nécessaire prendrait 12 ans et couterait 36 milliards de dollars.
SpaceX a maintenant atteint cet objectif, en prenant la moitié du temps et en dépensant le trentième du coût estimés. Et, pour couronner le tout, le véhicule de lancement est réutilisable aux trois quarts.
C’est une révolution. Les détracteurs d’Elon Musk ont été complètement réfutés.
La Lune est maintenant à notre portée. Mars est maintenant à notre portée.
Certains peuvent objecter que le Falcon Heavy, tout en emportant deux ou trois fois la charge utile que peuvent emporter les systèmes de lancement concurrents, Delta et Atlas, à un sixième du prix par kg, est encore inadéquat pour permettre les missions humaines vers la Lune ou vers Mars. Ils se trompent. Bien que la capacité d’emport de 60 tonnes du Falcon Heavy ne soit que la moitié de celle de Saturn V, avec lequel nous envoyions des astronautes sur la Lune dans les années 1960, c’est suffisant. Une fusée capable d’emporter 60 tonnes en orbite peut transporter 12 tonnes de charge utile à la surface de la Lune, ce qui est suffisant pour construire une base lunaire de façon modulaire. Si cela ne tenait qu’à moi, j’enverrais un module d’habitat et un grand système de captation d’énergie solaire dans une région montagneuse près du pôle Sud de la Lune où ils seraient toujours exposés au soleil. À partir de là, la station pourrait émettre de l’énergie dans un rayon de plus de 100 kilomètres, permettant ainsi aux astronautes d’accéder aux dépôts de glace capturés dans les cratères en obscurité permanente qui se trouvent à proximité. L’eau obtenue pourrait être électrolysée pour obtenir des propergols pour fusées, fournissant aux astronautes les moyens de visiter la plus grande partie de la Lune en utilisant des véhicules de vol à propulsion hydrogène / oxygène.
De petites missions habitées d’exploration martienne avec des équipes de deux personnes pourraient être organisées en utilisant trois lancements Falcon Heavy par mission. Deux d’entre eux seraient utilisés pour (1) envoyer un véhicule terrestre de retour (ERV) vers Mars et le laisser en orbite martienne et (2) envoyer un véhicule ascensionnel à la surface. Le véhicule ascensionnel produirait son propre propergol méthane / oxygène à partir du CO2 atmosphérique et du pergélisol martiens en utilisant une chimie bien maîtrisée (NdT : réaction de Sabatier). Une fois cela fait, le troisième Falcon serait utilisé pour envoyer l’équipage à la surface de Mars dans son module d’habitat (le « hab »). L’équipage atterrirait près du véhicule ascensionnel. Il utiliserait son hab comme base pendant un an et demi, après quoi il remonterait avec le véhicule ascensionnel en orbite pour rejoindre l’ERV qui le ramènerait chez nous.
Ce n’est que le début. SpaceX est en train de développer les moyens nécessaires pour pouvoir ravitailler le deuxième étage du lanceur après qu’il ait atteint l’orbite. Une fois cette technologie maitrisée, la charge utile du Falcon vers la Lune ou Mars pourra tripler, ce qui lui donnera une capacité une fois et demie supérieure à celle de Saturn V. Avec un tel système, tout le système solaire intérieur sera largement ouvert à l’exploration et au développement.
Les possibilités abondent. Un système de fusées réutilisables qui peuvent envoyer 60 tonnes en orbite, peut également envoyer 60 tonnes de New York à Sydney en moins d’une heure. A titre de comparaison, un Boeing 737 a un poids à vide de 45 tonnes. Si le Falcon Heavy ou un système successeur de lancement à deux étages, peut être rendu entièrement réutilisable, alors un marché de lancements spatiaux entièrement nouveau peut être créé, permettant non pas une centaine de lancements par an comme c’est actuellement le cas mais des centaines par jour. Un tel marché conduirait à un abaissement radical du coût de la technologie spatiale, rendant enfin possibles tous les rêves de tourisme spatial, d’industrialisation et de colonisation qui étaient envisagés depuis l’aube de l’ère spatiale mais qui restaient hors de portée.
Mais ce qui a été montré mardi dernier, ce n’est pas simplement la puissance du Falcon Heavy, aussi utile et important que cela puisse être. Ce qui a été montré c’est la puissance de la créativité humaine et de l’initiative entrepreneuriale. « Ils » ont dit que ce n’était pas possible. SpaceX a montré que ça l’était. D’autres vont maintenant entrer dans le jeu.Le moment est venu d’ouvrir la frontière spatiale. L’Amérique ne devrait pas manquer cette opportunité.
excellente traduction d’un article que j’avais pu lire en anglais et que j’ai relu avec plaisir dans ma langue ! Merci!
Je ne savais pas que le second étage pourra être ravitaillé. Mais ce ravitaillement sera fait par une F9 ou la FH ? Bon, même si je pense que envoyer des hommes sur mars avec la FH me parait trop simple pour être réalisable et que c’est plutôt une fusée de la puissance de la BFR qu’il faudra (je me trompe peut-être). Or la perspective d’aller sur la Lune j’aimerai vraiment y croire avec la FH ! Mais après les déclarations de Elon Musk sur le sujet, je doute de voir dragon décoller un jour, qui est pourtant nécessaire pour pouvoir un jour envoyer des hommes sur la Lune avec la FH.
En fait l’idée d’Elon Musk est de préparer avec le FH ce qu’il veut faire avec le BFR. Il serait en effet plus intéressant de lancer le Falcon Heavy avec un minimum d’ergols dans le réservoir du second étage (question de masse au décollage de la Terre) et de le remplir au maximum pour donner l’impulsion interplanétaire (pour une réduction de temps ou un transport de masse plus importante). Il est un peu dommage de peser au départ de la Terre, sur la masse à déposer sur Mars avec des ergols qui peuvent être fournis après la mise en orbite. Je ne sais pas si EM pense utiliser un F9 ou un FH. Cela dépendra de la capacité du réservoir du FH par rapport à la capacité d’emport du F9.
Oui, on pourrait aller sur Mars avec le FH. Si vous voulez voir le détail, lisez le « papier » de Jean-Marc Salotti (membre du CA de l’APM et professeur à l’Université de Bordeaux), « Robust affordable, semi-direct Mars mission », paru dans Acta Astronautica d’Octobre/ novembre 2016 (vol. 127). Vous verrez qu’avec un SLS de première génération (70 tonnes en LEO) qui est du même ordre de puissance que le FH, on pourrait mener une telle mission au moyen de quatre lancements.
Le Dragon est un très bel « objet » et je ne vois pas pourquoi il serait abandonné mais il faut sans doute plus le voir pour la Lune que pour Mars. On voit mal l’utiliser pour Mars si la BFR peut être mise au point. Donc, soit le BFR rencontre des difficultés et on poursuit avec le FH et Dragon en attendant mieux, soit on adopte le BFR (à mon avis).
avec le FH et Dragon , les places sont limite a 4 cosmonautes , c’est bon pour la lune , avec la nouvelle fusée de space x il sera possible d’envoyer 100 personnes d’un coup sur mars .
je rêve sans doute….
Non vous ne révez pas! La BFR aura une plus grande capacité à tout point de vue. Cela permettra en particulier de remplir les réservoirs d’ergols en LEO avant l’injection sur une trajectoire transplanétaire et de descendre en surface de Mars par rétropropulsion.