L’Europe vient de réussir le premier atterrissage en douceur sur une comète ; les quasi précédents ont été l’atterrissage de la sonde américaine Near Shoemaker sur l’astéroïde Eros le 12 février 2001 avec émission ensuite pendant 16 jours et le touch and go de la sonde japonaise Hayabusa le 19 novembre 2005, sur l’astéroïde Itokawa.
L’atterrissage sur la comète Churyumov Gerasimenko présente quelques similitudes avec l’atterrissage sur Phobos visé par la mission ESA Phootprint. Phootprint est une mission qui suivrait les deux missions ExoMars de 2016 et 2018, mais qui n’est pas encore formellement décidée. Avec un lancement en septembre 2024 au moyen d’une fusée Ariane 5, Phootprint se placerait en orbite martienne en août 2025. Il y aurait ensuite un an d’opérations à proximité de Phobos avant l’atterrissage. Pendant le séjour sur Phobos, 100 g d’échantillon de sol seraient prélevés avant un retour vers la Terre, l’atterrissage (en crash landing sans parachute) étant prévu en Australie dans la région de Woomera.
Le programme martien de l’agence spatiale européenne ESA pour les années à venir : Mars Express (en cours), les deux missions ExoMars, Phootprint et la participation à une opération en coopération internationale de retour d’échantillons. La mission Phootprint n’est pas encore formellement décidée. Cette planche ne comporte pas toutes les missions martiennes à participation européenne ; il manque en particulier la mission de maitrise d’oeuvre américaine de 2016 In Sight à laquelle la France contribue avec un sismomètre et l’Allemagne avec un système de mesure du flux thermique en provenance du sous sol. (Doc. ESA)
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Chruryumov Gerasimenko |
Phobos |
Dimensions (km) |
6,5 x 3,2 |
26,8 x 22,4 x 18,4 |
Gravité (g) |
0,0001 |
0,00057 |
Vitesse de libération (m/s) |
1 |
11,4 |
Période de rotation (h) |
12,40 |
7,65 |
Période orbitale |
6,44 ans autour du soleil |
7,65 h autour de Mars |
Densité (kg/m³) |
400 |
1880 |
Comparaison des caractéristiques de la comète Churyumov Gerasimenko et de Phobos. Par comparaison aux deux autres petits corps sur lesquels un atterrissage a eu lieu, la gravité à la surface d’Eros est de 0,00059 g, très proche de celle de Phobos, et à la surface d’Itokawa de 0,0001 g pour une vitesse de libération de l’ordre de 20 cm/s
L’atterrissage sur Churyumov Gerasimenko comme l’atterrissage sur Phobos relève plutôt de la technique du rendez vous que d’un atterrissage avec freinage comme sur un corps céleste de grandes dimensions. La pesanteur en surface est extrêmement faible : 1/10000ème de g (pesanteur terrestre) pour la comète et environ 6 fois plus pour Phobos. Le tableau ci-dessus donne les vitesses de libération pour les deux corps. La vitesse de libération est aussi celle avec laquelle on arrive sans freinage en tombant depuis « l’infini ». Elle est de 1m/s pour Churyumov Gerasimenko et de 11,4 m/s pour Phobos (41 km/h). Par comparaison Curiosity a été déposé sur Mars, avec son système de Skycrane, à 0,75 m/s. L’atterrissage de Philae sur la comète n’a pas été freiné, en revanche un atterrissage sur Phobos peut demander un léger freinage final.
Avec sa masse de 100 kg Philae pèse 10 gf (0,1 N) sur la comète. Il pèserait 57 gf (0,57N) sur Phobos. La mission russe Phobos Grunt qui visait aussi un retour d’échantillon de Phobos avait échoué au départ de la Terre en 2011. Son atterrisseur aurait pesé 400 gf (4N) sur Phobos. Avec d’aussi faibles poids, il faut que les vitesses latérales à l’atterrissage soient particulièrement faibles pour éviter un renversement ou que des dispositifs d’ancrage rapides soient utilisés. A son arrivée sur Churyumov Gerasimenko, Philae devait actionner un propulseur, induisant une poussée vers le bas, le temps de s’accrocher au sol au moyen de deux harpons lancés à 70 m/s par pyrotechnie qui peuvent descendre jusqu’à 2,5 m de profondeur ; les câbles qui les relient à la sonde devaient ensuite être rembobinés pour plaquer le véhicule. En parallèle de cette opération d’ancrage, des broches disposées en bout de chacun des trois pieds devaient se visser dans le sol, mues par l’énergie cinétique d’arrivée de la sonde.
Premières phases de l’approche de Phobos telles qu’elles étaient prévues pour Phobos Grunt: les orbites sont synchronisées puis lorsque Phobos est proche le véhicule mesure la distance par altimètre laser. (Docs. Lavochkin)
Phases finales de l’approche : à partir d’une distance de 4 km un altimètre Doppler complète les informations d’altitude et de vitesse puis, en phase finale d’approche, des images vidéo permettent la sélection d’une zone propice à l’atterrissage. (Docs. Lavochkin)
Au moment du contact avec le sol de Phobos, Phobos Grunt devait allumer, comme Philae, un moteur pour plaquer l’engin au sol ; cependant il n’est pas mentionné dans la documentation de système d’ancrage et on n’en voit pas non plus sur cette maquette présentée au salon du Bourget en 2009. Mais il est vrai que le poids de Phobos Grunt aurait atteint la valeur appréciable de 400 gf ! (Doc. A. Souchier)
Une maquette de Philae sur le stand de l’agence spatiale allemande DLR au salon du Bourget 2013. Les deux harpons pyrotechniques sont localisés vers la jonction des trois pieds sous le corps de la sonde. Au premier plan se trouve le pénétrateur qui fait partie de l’expérience MUPUS. (Doc. A. Souchier)
Le système d’ancrage par broches au bout de chacun des trois pieds d’atterrissage de Philae. C’est la vitesse d’impact (rétraction des pieds) qui actionne la rotation des broches. (Doc. A.Souchier)
L’incertitude a régné quelques heures après le premier contact entre Philae et la comète. Les harpons ont-ils fonctionné correctement ? Le sol s’est-il avéré impropre à l’accrochage ? La sonde a rebondi deux fois avant de se stabiliser, deux heures après le premier contact et à un kilomètre du point initial, apparemment très inclinée sur le coté (mais pas autant que ne le montre cette image). Sous le pied, la tige est une antenne de l’expérience Consert de sondage de la comète sous 100 MHz. (Doc. ESA/Rosetta/Philae/CIVA)
Zoom sur le pied qui est peut être en contact avec le sol (doc. ESA/Rosetta/Philae/CIVA)
Détail du centre bas de l’image montrant des surfaces relativement lisses (doc. ESA/Rosetta/Philae/CIVA)
Détail du centre de l’image montrant une surface très granuleuse (doc. ESA/Rosetta/Philae/CIVA)
Nul doute que l’expérience de Rosetta Philae pourra être utilisée lors de la mission Phootprint, même si la pesanteur sur Phobos est 6 fois plus forte que sur Churyumov Gerasimenko et si l’approche de Phobos doit se dérouler dans des conditions un peu différentes puisque l’opération s’effectuera en orbite autour de Mars, dans son champ de gravité.
Panorama 360° englobant, à droite, la première image diffusée. A gauche, à 45° on aperçoit, illuminé, un deuxième pied. Dans l’image du bas, tout en haut à gauche, le troisième pied est visible, à peine éclairé. (doc.ESA/Rosetta/Philae/CIVA)
L’image en haut à gauche, une fois traitée, montre un joli liseré de rocher, qui peut être en surplomb. La tâche très brillante en bas est l’un des pieds. (Doc. ESA/Rosetta/Philae/CIVA)
A 15 km de distance Rosetta a pu photographier la perturbation du sol de la comète, liée au premier atterrissage de Philae, comme on le voit sur cette image gif animée au centre gauche bas, à coté du rocher en position quasi centrale. Ce rocher mesure environ 4 m de large. L’image couvre environ 130 m de coté. Philae a ensuite rebondi pour un trajet d’un kilomètre parcouru à 38 cm/s pendant 1h50 avant son deuxième rebond de 7 mn. L’image présentant les traces laissées par le premier impact a été prise 1 mn 26 s après celui-ci. Philae est encore dans le champ de l’image après son rebond (point clair), ainsi que son ombre, à droite et en dessous du rocher. (Doc. ESA/Rosetta/NAVCAM)
De son coté Philae, à 40 m d’altitude, a pris cette image où l’on voit à droite le roc d’environ 4 m, visible sur l’image précédente, à proximité duquel il va faire son touch and go (doc. ESA/Rosetta/Philae/CIVA)
La caméra OSIRIS à bord de Rosetta a pu suivre la descente de Philae (trois encarts de gauche), jusqu’à son premier atterrissage (en haut). Une nouvelle image (encart en haut à droite) montre Philae lors de son premier rebond, en cours de dérive, 9 mn après le premier contact. Le point d’atterrissage final n’a pas encore été repéré. (Doc. ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA)
Par comparaison à Churyumov Gerasimenko, le sol de Phobos parait beaucoup moins accidenté, même si l’échelle est différente de celle des vues ci-dessus de la comète : la distance entre les deux points rouges qui sont les zones d’atterrissage qu’aurait visées Phobos Grunt, est d’environ 1,2 km. Cette image a été prise par la sonde européenne Mars Express. La résolution sur l’image originale est de 4 ,4 m par pixel (contre 1,3m par pixel pour l’image Rosetta).
Zoom sur les sites d’atterrissages visés par Phobos Grunt. Le petit cratère exactement entre les deux points rouges mesure 35 m de diamètre. (Doc. ESA/DLR-FU Berlin (g. Neukum))