Source : JPL
Communiqué de Presse 2011-242 du 4 août 2011 (par Guy Webster du JPL ; Steve Cole, du siège de la NASA et Daniel Stolte de l’Université d’Arizona).
Traduction Pierre Brisson
Des observations de Mars Reconnaissance Orbiter (« MRO ») révèlent qu’il est possible que de l’eau coule en surface de la planète pendant les mois les plus chauds.
Vue oblique d’écoulements constatés en saison chaude (Cratère Newton). Cette image résulte de la combinaison de prises de vue à partir de l’orbite de Mars et d’une modélisation 3D. Elle a été re-projetée pour montrer la pente comme on devrait la voir à partir d’un hélicoptère évoluant dans le cratère, sous un ciel martien de synthèse. Les éléments datent du 30 mai 2011. Ils ont été collectés par la caméra HiRISE de l’orbiteur MRO. Les couleurs ont été renforcées. On est en été, par 41,6 degrés de latitude Sud et 202,3 degrés de longitude Est. Crédit image : NASA/JPL-Caltech/Université d’Arizona.
Selon l’administrateur de la NASA, Charles Bolden, « le programme d’exploration de Mars de la NASA continue de nous faire avancer vers le point où l’on pourra savoir si Mars pourrait abriter la vie sous une forme quelconque. Cela confirme Mars comme une destination future importante pour l’exploration humaine ».
Des marques sombres, comme des doigts, apparaissent et s’étendent le long de certaines pentes martiennes, à partir de la fin du printemps jusqu’à l’été, disparaissent en hiver et reviennent le printemps suivant. Des observations répétées ont suivi les changements saisonniers de ces traits récurrents sur plusieurs pentes abruptes, à des latitudes moyennes de l’hémisphère Sud de Mars.
Détail d’une zone de la première image
Pour Alfred McEwen de l’Université d’Arizona, « un écoulement d’eau saumâtre est la meilleure explication que l’on ait, jusqu’à présent, pour expliquer ces observations ». A. McEwen est le responsable scientifique (« P.I. ») de la caméra HiRISE (pour « High Resolution Imaging Science Experiment ») de l’orbiteur MRO et l’auteur principal d’un rapport sur les écoulements récurrents, publié dans l’édition du 4 août 2011 du journal « Science ».
Certains aspects de ces observations intriguent toujours les chercheurs mais l’écoulement de saumure liquide explique les caractéristiques du relief mieux que les autres hypothèses. La salinité abaisse la température de congélation de l’eau. Les sites qui montrent des flux actifs deviennent suffisamment chauds, même à faible profondeur, pour permettre à de l’eau approximativement aussi salée que celle des océans terrestres de se trouver à l’état liquide alors qu’aux températures observées, de l’eau pure gèlerait.
« Ces lignes sombres sont différentes des autres marques observés sur les pentes martiennes » déclare Richard Zurek, responsable scientifique de la mission MRO (JPL-NASA). « Des observations répétées montrent qu’elles s’étendent toujours plus bas durant la saison chaude ».
Les traces dont on a les images ne font que 50 cm à 5 mètres de large sur des longueurs de plusieurs centaines de mètres. La largeur est beaucoup moindre que celle des ravines précédemment repérées sur les pentes martiennes. Cependant, on constate, en certains endroits, plus d’un millier de ces écoulements. Par ailleurs tandis que les ravines sont abondantes sur les faces froides orientées vers les pôles, on observe ces écoulements sombres sur des pentes plus chaudes orientées vers l’équateur.
Ravines et marques nouvellement observées dans un même cratère (flèches). Cette image met en évidence dans le même cratère, des ravines et des coulées récurrentes en saison chaude nouvellement observées aux latitudes moyennes de l’hémisphère Sud (photo prise le 27 Nov 2007 par la caméra HiRISE embarquée sur MRO). Les ravines sont sur la pente orientée vers le pôle Sud (flèche du haut) ; les écoulements nouvellement constatés, sont sur la pente orientée vers l’équateur (flèche du bas). Crédit image : NASA/JPL-Caltech/University of Arizona
Les images montrent que les écoulements s’allongent et se foncent sur des pentes rocheuses orientées vers l’équateur, de la fin du printemps au début de l’automne. La saisonnalité, la distribution en latitude et les changements de luminosité suggèrent qu’une matière volatile est impliquée mais on ne peut détecter précisément laquelle. Les conditions sont trop chaudes pour qu’il s’agisse de givre de gaz carbonique et, à certains endroits, pour de l’eau pure. Cela suggère l’action de saumures car elles ont des points de congélation plus bas. Les dépôts de sel que l’on a observés souvent sur Mars indiquent que les saumures ont été abondantes et ces observations récentes suggèrent que des saumures peuvent toujours, en certains endroits et à certaines époques limités, se constituer près de la surface.
Lorsque les chercheurs ont examiné les pentes marquées par ces écoulements avec le spectromètre CRISM embarqué sur l’orbiteur MRO (« CRISM » est l’acronyme pour « Compact Reconnaissance Imaging Spectrometer for Mars »), ils n’ont vu aucun signe d’eau. Les traces pourraient sécher rapidement ou bien elles pourraient correspondre à des écoulements en sous-sol immédiat.
Selon McEven, « les écoulements ne sont pas sombres parce qu’ils sont humides mais pour une autre raison ».
Un écoulement causé par de l’eau saumâtre peut arranger les grains du sol de manière différente ou adoucir l’irrégularité du sol de manière à en assombrir l’aspect. La raison pour laquelle les traces s’éclaircissent à nouveau quand la température chute est plus difficile à expliquer.
« C’est aujourd’hui un mystère mais je pense qu’il peut être résolu avec plus d’observations et des expériences en laboratoires » dit McEwen.
Ces résultats sont jusqu’à présent les meilleurs que les scientifiques aient pu obtenir pour trouver des preuves d’eau liquide à la surface de la planète. De l’eau gelée a été cependant détectée près de la surface en de nombreuses régions de latitudes moyennes et élevées. Des ravines d’apparence fraiche suggèrent des mouvements de terrains, peut-être facilités par l’eau, à des époques géologiques récentes. De supposées gouttelettes de saumure sont également apparues sur les structures de l’atterrisseur Phoenix. Si une étude plus approfondie de ces écoulements récurrents soutient l’hypothèse de la saumure, cela pourrait être le premier site où l’on aurait trouvé de l’eau liquide sur Mars.
MRO est géré par le JPL pour le compte de la Direction des Sciences de la NASA (Washington). Le Lunar & Planetary Laboratory de l’Université d’Arizona est l’opérateur d’HiRISE. La caméra a été construite par Ball Aerospace & Technologies Corp. (Boulder, Colorado). L’Applied Physics Laboratory de l’Université Johns Hopkins a fourni le CRISM et elle en est l’opérateur. Le JPL est une division du California Institute of Technology à Pasadena.
Commentaire :
Il ne faut pas confondre les écoulements objets de ce communiqué de presse avec les ravines précédemment observées. On se trouve face à un nouveau phénomène non précédemment remarqué (et donc peu fréquent). Il faut noter la prudence des rédacteurs du communiqué. Suivons la démarche scientifique, n’allons pas trop vite et ne tirons pas de conclusions hâtives. Pour le moment espérons seulement que ces traces d’écoulements soient bien des traces de passage de l’eau.
Pierre Brisson
Glace, sel et coulées en saisons chaudes
Cette carte de Mars montre les localisations relatives de trois types de phénomènes relatifs au sel et à l’eau gelée ainsi que celles d’un nouveau phénomène qui peut être en rapport avec à la fois le sel et l’eau.
Les couleurs de la carte sont codées pour montrer les concentrations de glace d’eau dans le sous-sol immédiat trouvées par spectromètre à rayons gamma et à neutrons, embarqué sur l’orbiteur MRO de la NASA. Le bleu aux latitudes élevées (Nord et Sud) indique des concentrations élevées de glace d’eau (déduite de la détection d’hydrogène) ; l’orange indique des concentrations plus faibles. On trouve un peu d’hydrogène, peut-être sous la forme d’eau captive, près de la surface, même aux latitudes moyennes.
Les carrés blancs, dans l’hémisphère Nord signalent de petits cratères d’impact récents qui ont révélé la présence de glace d’eau à proximité de la surface ce qui a validé ce qu’avait trouvé le spectromètre à neutrons. L’observation de ces cratères récents a été faite par les caméras Context et HiRISE embarquées sur MRO.
Les carrés rouges indiquent l’emplacement de dépôts supposés de chlorite d’après les observations de l’instrument THEMIS (Thermal Emission Imaging System) embarqué sur Mars Odyssey. Ces dépôts peuvent résulter de l’évaporation d’eau salée.
Les carrés bleus signalent l’emplacement d’un nouveau phénomène documenté en Août 2011 sur la base d’une suite d’observations effectuées par HiRISE. Ces observations montrent des marques relativement sombres apparaissant et s’étendant vers le bas des pentes durant les saisons chaudes. Les chercheurs formulent l’hypothèse que ces marques puissent résulter de l’action d’eau saumâtre.
Crédit image : NASA/JPL-Caltech/ASU/UA/LANL/MSSS.