W. H. Gerstenmaier, responsable du « Human Exploration and Operations Mission Directorate » a présenté le 28 mars au NASA Advisory Council, l’état des réflexions NASA sur la feuille de route devant conduire aux premières missions humaines à destination de Mars. Cette présentation semble constituer une première réponse de la NASA à la demande de l’Authorization Act voté par le congrès et avalisé par le président en mars dernier, qui demandait un plan NASA pour la fin de l’année.
Le plan présenté comporte 5 phases:
-Phase 0: recherches et essais sur l’ISS; appréciation de la disponibilité de ressources lunaires
-Phase 1: conduite de missions dans l’environnement lunaire, assemblage du Deep Space Gateway (DSG) ou Portail pour l’Espace Profond et du Deep Space Transport (DST) ou système de Transport pour l’Espace Profond
-Phase 2: achèvement du système de transport pour l’espace profond et conduite des vérifications de missions martiennes
-Phases 3 et 4: missions vers le système martien (en particulier Phobos) et la surface de Mars
Les 5 phases conduisant aux missions humaines martiennes (doc. NASA)
Une description des différentes phases (doc. NASA)
La phase 1:
Cette phase consiste principalement en l’assemblage de la station Deep Space Gateway
En phase 1, rendez-vous d’un vaisseau Orion (avec module de service européen) avec la station Deep Space Gateway dans l’environnement lunaire. La station (avec Orion amarré) peut accueillir 4 personnes pour 42 jours. La station DSG est équipée d’un module de puissance et propulsion électrique de 40 kW. (Doc. NASA)
Les premiers vols du SLS selon le plan NASA
Le premier vol du SLS doit envoyer un vaisseau Orion sur une orbite Distant Retrograd Orbit ou DRO (voir plus loin). La NASA étudie toujours la possibilité qu’il y ait des astronautes à bord mais la mission est en principe inhabitée. Le deuxième lancement de SLS envoie la sonde Europa Clipper directement vers Jupiter sans assistance gravitationnelle. Le troisième lancement (EM-2) envoie le module de service du DSG sur une trajectoire qui apparemment fait plusieurs allers retours Terre Lune. Un vaisseau Orion fait partie de la charge utile car le schéma mentionne 4 astronautes. Le module de service DSG a une masse de 8 à 9 t. Il est équipé de propulseurs électriques de 12 kW mais aussi de propulsion chimique. A l’issue de la mission ce module de service est sur une orbite autour de la Lune. Il n’est pas prévu d’amarrage entre Orion et le module de service du DSG. Le 4 ème vol (EM-3) envoie Orion et le module habitat du DSG (masse au maximum de 10 t) en orbite halo autour de la Lune, l’appellation orbite halo indiquant qu’il s’agit d’une orbite autour d’un point de Lagrange du système Terre Lune. Apparemment l’assemblage de la station DSG commence lors de cette mission. Le 5ème vol (EM-4) envoie le module logistique équipé d’un bras robotique canadien (masse au maximum de 10 t) et un vaisseau Orion vers la station DSG. La démonstration est faite par l’ensemble, de changements d’orbites autour de la Lune. Les missions EM-3 et 4 sont suivies de vols de ravitaillement sous traités à des sociétés privées (missions CSF pour Cislunar Support Flight). Le 6 ème vol (EM-5) envoie un sas (masse au maximum de 10 t) et un vaisseau Orion vers la station DSG . Il y a aussi démonstrations de changement d’orbite autour de la Lune. On est alors en 2026.
A partir du DSG les américains peuvent aussi, le cas échéant, conduire des opérations à destination du sol de la Lune tel qu’essai du Mars Ascent Vehicule (MAV). La capacité d’accès au sol lunaire est mentionnée dans le document mais pas l’éventualité d’un essai de MAV.
La mission EM-1 (doc. NASA)
La mission EM-3 (doc. NASA)
La mission EM-4 (doc. NASA)
Les phases 2 et 3
La phase 2 voit l’achèvement du système de transport « Deep Space » DST, dont en principe l’élaboration a commencé lors de la phase 1 (d’après la 1ère planche) bien que ce ne soit pas indiqué dans le détail des missions.
La phase 2 commence par un vol commercial CSF de raviraillement de la DSG. Un autre vol CSF est effectué avant EM-8 et un autre avant EM-10.
Le DST est à propulsion chimique et électrique. Sa masse est au maximum de 41 t. (Doc. NASA)
Les missions de EM6 à EM-11. EM-6 est un lancement purement cargo du Deep Space Transport accompagné par le lancement EM-7 d’un vaisseau Orion et d’un module logistique pour une mission d’environ 200 j amarré au DSG en orbite halo autour de la Lune. Lors des missions EM-8 et 9, un module logistique et ergols est envoyé vers le DST ainsi qu’à nouveau un vaisseau Orion. Le DST et Orion effectuent une mission d’une année, en principe amarré à la station DSG. L’option d’une mission séparée de la station DSG est aussi étudiée. La version block 2 (nouveaux boosters) du SLS est mise en service pour cette mission EM-9. Les missions EM-10 et 11 voient à nouveau le lancement d’un module de ravitaillement du DST et d’un vaisseau Orion pour une mission vers Mars (probablement à destination de Phobos), le DST retournant à la station DSG en fin de mission. Le DST est dimensionné pour 3 missions martiennes et pour supporter, pour chaque mission, un équipage de 4 astronautes sur 1000 j. (Doc. NASA)
L’envoi d’une charge utile vers Mars ou vers toute autre planète en visant un passage intermédiaire par une orbite autour de la Lune est plus pénalisant qu’un départ direct depuis une orbite basse terrestre. Mais à chaque mission martienne les 40 t du DST ne redescendent pas en orbite basse terrestre avant d’être renvoyées vers Mars. Le DST revient à la station DSG. C’est là que peut résider le gain apporté par l’orbite lunaire. Il peut y avoir aussi de plus nombreuses fenêtres de lancement vers Mars à raison d’une fenêtre tous les 29 jours (durée d’un tour de la Lune sur son orbite) alors que la précession des orbites basses terrestres fait tourner lentement le plan d’orbite: 50 j pour un tour sur une orbite à 400 km de la Terre et inclinée de 28° (cas d’un lancement depuis les USA). Ainsi un vaisseau assemblé en orbite terrestre basse ne se trouvera à peu près dans le plan de l’écliptique (incliné à 23°), plan dans lequel circulent les planètes dont Mars donc dans une situation favorable pour un élancement vers Mars, que tous les 50 j. C’est un peu juste vis à vis de a durée des fenêtres martiennes. Et l’inclinaison de l’orbite par rapport à l’écliptique ira jusqu’à 51° (28 +23°) tous les 50 jours. Le plan de l’orbite lunaire, a contrario, ne varie que de 5 à 5,28°en inclinaison par rapport à l’écliptique. Cet argument, dont la validité reste à vérifier, n’est pas avancé dans la présentation.
Les missions EM-6 et EM-7 (doc. NASA)
Pour mémoire les premières missions humaines martiennes visées par la NASA concernent des mises en orbite autour de Mars (doc. NASA)
Une première mission prenant Phobos comme objectif permettrait une meilleure protection contre les radiations qu’une orbite libre autour de Mars (doc. NASA)