Article de Philippe Coué issu du bulletin APM n°62 de Janvier 2015, rejoignez APM pour recevoir les bulletins dès leur parution.
Après la Lune, Pékin souhaite investir la planète Mars avant de répandre ses sondes dans tout le Système solaire. Retour sur une ambition qui s’affirme de plus en plus.
Mars est dans le collimateur de la Chine depuis la fin des an-nées 1990 avec les premières déclarations officielles à ce sujet. À cette époque, il était question de lancer un petit satellite pour effectuer une reconnaissance globale de l’astre. Proposé au budget du 9ème Plan quinquennal (2001-2006), le programme d’exploration de Mars fut probablement ajourné au profit du programme Chang’E et de la Lune, plus facile à atteindre et aux retombées politiques immédiates. Mais c’est bien la logique du programme lunaire – orbiter, atterrir et retourner des échantillons sur Terre – qui a été adoptée il y a quelques années par les planificateurs de Pékin.
Une « première fenêtre » s’était ouverte en 2007 lorsque la Russie proposa aux Chinois d’embarquer un petit orbiteur expérimental sur leur sonde Phobos-Grunt. Dénommé Yinghuo-1, ce démonstrateur (cf. Fig.1) aurait permis à Pékin de s’entraîner à la navigation autour de la planète rouge, de réaliser des liaisons dans l’espace lointain, d’étudier l’environnement spatial et d’observer les tempêtes de sable sur l’astre. Las, le 8 novembre 2011, Phobos-Grunt ne put s’élancer vers Mars en raison de la défaillance de son étage propulsif ; il termina son court périple avec Yinghuo-1 au fond du Pacifique quelques jours plus tard.
Cet échec fut immédiatement remplacé par une communication très positive indiquant qu’un orbiteur beaucoup plus performant pouvait être lancé en 2013. Mais il fallait se rendre à l’évidence que la priorité politique était plus que jamais orientée vers la Lune, avec en ligne de mire la présence de taïkonautes sur notre céleste voisine. Les langues commencèrent néanmoins à se délier à propos de Mars et plusieurs présentations et photographies démontraient que des travaux substantiels étaient conduits par l’Académie des sciences et l’industrie. Ainsi, on apprit qu’un orbiteur était bien en cours de développement et qu’il transporterait une ou plusieurs sondes pour expérimenter la rentrée atmosphérique et pour effectuer les premières mesures in situ. L’orbiteur martien chinois (cf. Fig.2) semblait dériver des deux premières sondes lunaires Chang’E tandis que plusieurs explorateurs cybernétiques étaient envisagés : des pénétrateurs ou un petit atterrisseur. Ce dernier devait atteindre la surface en étant amorti à l’arrivée par des airbags selon la formule qui a été utilisée par la NASA pour Mars Pathfinder et ses sondes MER. A la vérité, c’est bien un clone de Mars Pathfinder qui fut exposé dans des salons aérospatiaux en Chine (cf. Fig. 3). Récemment, on évoquait encore la réalisation de cette mission en 2016.
Mais depuis un an, un autre schéma est officiellement communiqué par les autorités de Pékin, un projet qui ressemble beaucoup à l’ExoMars européen avec un orbiteur et un rover très autonome et perfectionné. En 2014, les médias chinois ont justement présenté de manière ostentatoire des modèles de rover martien avec des maquettes très précises (cf. Fig.4) réalisées par les deux compétiteurs industriels traditionnels : l’Académie chinoise de technologie spatiale (Cast) et l’Académie de Shanghai de la technologie du vol spatial (Sast). Selon les canons de la propagande en vigueur en Chine cela pourrait signifier qu’il faut prendre en compte avec la plus grande attention cette dernière version du projet martien chinois, qui serait lancé d’ici 2020.
Par ailleurs, au dernier salon aérospatial de Zhuhai au mois de novembre, l’exploration de la planète rouge occupait, pour la première fois, une partie importante du stand consacré aux activités spatiales. Cette attraction inattendue semblait confirmer la réalité de cet orbiteur associé à un atterrisseur. Une maquette de ce dernier donnait les dimensions et révélait un grand nombre de détails techniques. A la vérité, la configuration de l’atterrisseur et son système de freinage par rétrofusées ressemblent à ceux des engins américains Mars Polar Lander et Mars Insight (cf. Fig.5). Cette posture dans un salon très international pouvait être considérée a priori comme une réponse chinoise aux Indiens qui ont placé avec succès leur premier orbiteur autour de Mars. Mais, en offrant cette visibilité à un projet aussi emblématique, les autorités chinoises ont clairement indiqué qu’il faudra désormais compter sur l’Empire du Milieu dans l’exploration de la quatrième planète.
La suite du programme martien chinois est même connue. En effet, à l’instar de la Lune, un retour d’échantillons vers la Terre est programmé dans les années 2020. De même, Pékin ne cache plus les scenarii d’une conquête habitée de la planète Mars après 2040. La mise en chantier d’une station orbitale dans quatre ans et l’installation des taïkonautes sur la Lune plus tard viseraient, en partie, à préparer ce grand voyage.
Dans tous les cas, les lanceurs qui permettront ces expéditions automatiques et/ou habitées seront bientôt en service (CZ-5 en 2015) ou sont en cours de développement (CZ-9 dans les années 2020)…
Philippe Coué.
Article issu du bulletin APM n°62 de Janvier 2015, rejoignez APM pour recevoir les bulletins dès leur parution.
INSCRIPTION WEBINAIRE#6 APM – Samedi 12 mars 2022 14:00 – 15:30 Vers une expansion chinoise dans le système solaire par Philippe Coué
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