L’Airbus Zéro G de Novespace était au Salon du Bourget. Faut-il encore l’appeler Zéro G d’ailleurs puisqu’il sortait d’une campagne de vols paraboliques recréant la pesanteur lunaire à 1/6 ème de G et la pesanteur martienne à 0,38 G ? Des visites étaient organisées toutes les heures ce qui a permis la prise des photos suivantes le 22 juin 2011.
L’Airbus Zéro G au salon 2011
La partie avant de l’Airbus avec les sièges utilisés pour le décollage et l’atterrissage. A gauche une console utilisée par les ingénieurs de bord lors des paraboles. Une autre zone de sièges est installée à l’arrière.
Le pilotage de l’Airbus pendant une parabole demande l’intervention de trois personnes. A gauche le pilote ne commande que le tangage de l’appareil. Pour ce faire un faux manche est installé sur le manche de pilotage, qui ne permet pas la commande de roulis. Le copilote à droite est, lui, chargé de commander le roulis (ou plutôt de le garder à zéro) mais il ne faut pas qu’il perturbe le contrôle fin exercé en tangage par le pilote. Il agit donc sur le manche au moyen de deux lacets fixés au deux cotés du manche. Enfin il ne faut pas qu’il y ait non plus de composante horizontale résiduelle dans l’axe de l’avion. Or au début et à la fin de la parabole l’avion va nettement plus vite qu’au sommet de la parabole. Une troisième personne règle donc les manettes de gaz de manière à ce que les moteurs compensent directement la trainée de l’avion qui varie avec la vitesse.
Le faux manche (rouge) ajouté sur les commandes en place gauche pour ne piloter que le tangage (photos au salon 1999)
Les paraboles « martiennes » ont des contraintes un peu différentes des paraboles zéro G. En effet lors d’une parabole zéro G aucune portance n’est demandée aux ailes ; toute portance se traduirait par un résidu de gravité. Le risque de décrochage qui survient quand la vitesse est trop faible ou l’incidence trop grande, n’existe pas. Il est demandé seulement que l’avion reste au dessus de ce qu’on appelle la vitesse minimale de manœuvre, celle qui garde une certaine efficacité aux gouvernes et permet d’orienter l’avion. C’est au sommet de la parabole que la vitesse de l’avion est la plus faible et qu’il faut rester au dessus de la vitesse minimale de manœuvre.
Dans une parabole martienne à 0,38 G, on va demander une petite portance aux ailes, environ le tiers du poids de l’avion et les contraintes de vitesse minimale sont donc différentes. Toutefois la durée de la phase 0,38 G va pouvoir être plus longue que la durée de la phase 0 G en parabole normale.
A bord un écran d’ordinateur montre les principales phases d’une parabole avec les paramètres de vol. Ici en début de parabole, l’avion est incliné à 48°, sa vitesse est de 210 nœuds, son altitude de 25400 pieds. La phase de zéro G est sur le point de commencer ; l’accélération est encore de 0,4 G (pratiquement la pesanteur martienne). Le profil d’accélération est indiqué en bas à droite. Lors de la ressource la gravité est restée légèrement inférieure à 1,8 G.
C’est tout au long de la partie de la trajectoire en forme de cloche (la « parabole ») que la gravité est réduite. Le public croit souvent que la phase de gravité réduite se produit lorsque l’avion descend. C’est faux ; la phase de gravité réduite s’étend sur la partie montante comme sur la partie descendante de la parabole. D’ailleurs partie montante et partie descendante ont la même durée. A noter aussi, pour encore compliquer la réflexion que la dénomination parabole n’est pas exacte ; c’est la trajectoire qui serait suivie si la Terre était plate. En fait l’avion décrit un bout d’ellipse, l’apogée d’une ellipse, comme le ferait un satellite artificiel dans les mêmes conditions de vitesse si il n’y avait pas d’air. Mais sur une si faible distance il n’y a pas vraiment de différence avec une parabole ! Enfin pour compliquer encore et accéder à la « vraie » trajectoire dans l’espace inerte, il faut prendre en compte la rotation de la Terre qui, à la latitude de la France, tourne sous nos pieds à environ 1000 km/h de l’Ouest vers L’Est. La vitesse de l’avion au sommet de la parabole est d’environ 600 km/h. Si la parabole est effectuée en allant vers l’Est, la vitesse vraie est de 1600 km /h vers l’Est. Si la parabole est effectuée vers l’Ouest, la vitesse vraie est de 400 km/h…vers l’Est ! Autrement dit l’avion suit son petit tronçon d’orbite très momentanée de satellite … en marche arrière ! Dans tous les cas, l’orbite sur laquelle il est placé, est une orbite qui a son périgée très loin à l’intérieur de la Terre, à moins de 1000 km du centre et on comprend bien qu’au bout d’une vingtaine de secondes il est sage d’interrompre le processus par une ressource qui ramène l’avion à l’horizontale.
Fin de l’ensemble ressources et parabole. Le vol est redevenu horizontal, la vitesse est de 300 nœuds, l’altitude de 19900 pieds. La courbe à droite montre bien les deux phases de ressource à 1,75 G et la période de zéro G entre les deux.
Les expériences conduites à bord les 7,8 et 9 juin lors des campagnes de paraboles lunaires et martiennes étaient les suivantes (voir notre article du 11 juin) :
1 L’orthostasis au delà de la Terre (ORB – Allemagne)
2 Les altérations dans le contrôle cardiovasculaire autonome sous g partiel (ESAT-SCD:SISTA/COSIC/DOCARCH – Belgique)
3 Influence d’une gravité réduite sur l’orientation visuelle humaine par le test de la tige et du cadre (ISU – France)
4 L’érosion des couches de poussière par effet de serre à l’état solide et par thermophorèse (Université de Duisburg-Essen – Allemagne)
5 Rôle de la gravité dans le contrôle des mouvements des membres supérieurs (CNRS-Université Paris Descartes – France)
6 Dextérité de manipulation en microgravité (UCL, Institut de Neurosciences, COSY – Belgique)
7 Analyse du calcium et des espèces réactives à l’oxygène dans des cultures de cellules d’Arabidopsis Thalania sous gravité réduite (Université de Tuebingen, Institut de médecine de microbiologie et infection – Allemagne)
8 La gravité partielle et la décompensation vestibulaire chez le rat (UFR de médecine – France)
9 Recherche sur les flux thermiques locaux lors d’un cycle de bulle sous faible gravité (Université technologique de Darmstadt – Allemagne)
10 La Nintendo Wii comme système d’entrainement pour le contrôle d’équilibre sous gravité réduite (Université Albert Ludwig de Freiburg, Institut du sport et des sciences sportives – Allemagne)
11 La cryogénie en faible gravité (Air Liquide – Division des Techniques Avancées – France)
12 Le comportement de grains fluidisés par le son sous gravité réduite (PMMH/ESPCI – France)
13 Le système mécanique de préparation et distribution d’échantillons d’Exomars (Kayser-Threde GmbH – Allemagne)
Ces expériences sont localisées dans la partie centrale de l’avion divisée en trois zones par des filets.
La zone centrale où sont localisées les expériences avec, tout au fond, la zone arrière de sièges
Sur l’écran de télévision Jean-François Clervoy au plafond de l’Airbus pendant une parabole
L’expérience n°1 « Orthostasis » était restée à bord lors du salon et sa table servait même de support de présentation.
L’expérience « Orthostasis » et son panneau explicatif
Le panneau ORB décrit de la manière suivante l’expérience « orthostasis » : « L’un des principaux challenges pour la santé et le bien être des astronautes de retour de l’espace et d’une période d’apesanteur est le déconditionnement de leur système cardiovasculaire. Les risques associés proviennent de processus complexes d’adaptation à l’absence de gravité qui incluent une décroissance du muscle cardiaque et de son élasticité, des changements dans la distribution des fluides et leur régulation par le système nerveux. D’un point de vue pratique la recherche cardiovasculaire a été l’un des domaines principaux de recherche en physiologie spatiale depuis des décennies. Lors de leur évolution biologique sous l’influence de la gravité terrestre de 1 g, les humains ont pu accéder à la marche debout en maintenant un flux suffisant de sang depuis les jambes jusqu’au cerveau. Cependant des séjours prolongés dans des environnements de gravité partiel ou nulle affaiblissent le système cardiovasculaire, effets semblables à ceux vus chez des patients qui subissent de longues périodes alitées (âge ou blessures). Avec des vols prévus de durée accrue et spécialement durant des missions vers Mars ou la Lune, un système cardiovasculaire non entrainé constitue une menace pour la santé des astronautes. Lors des missions actuelles de nombreux astronautes présentent des signes de presque collapse cardiovasculaire juste après leur retour sur Terre. Comme la gravité martienne n’est que de 1/3 de la gravité terrestre, de tels symptômes pourraient survenir avec un certain délai après l’arrivée sur Mars. L’astronaute pourrait alors être déjà impliqué dans des tâches critiques post atterrissage quand il serait atteint par un évanouissement avec conséquences sur le succès de la mission et rique de blessures et de dommages. Il est ainsi nécessaire pour les futures missions vers Mars et la Lune de comprendre le comportement du système cardiovasculaire humain dans ses environnements de gravité partielle. Nous nous proposons d’étudier quelques réponses clé cardiovasculaires, juste après l’entrée dans un environnement de gravité partielle. Lors d’une campagne de vols paraboliques à gravité partielle conjoint ESA/CNES/DLR, nous avons l’opportunité unique de récréer ces conditions.
Les trois objectifs principaux de l’étude ORB sont :
1) De décrire les réponses du système cardiovasculaire humain en gravité partielle (lunaire ou martienne)
2) D’étudier les modifications des paramètres cardiovasculaires pendant une manœuvre de passage à la station debout
3) De valider les paramètres cardiovasculaires prédits par modèle mathématique avec les données obtenues sur cette expérimentation en vol
Nous émettons l’hypothèse que se mettre debout sous conditions de gravité partielle martienne ou lunaire entrainera une réponse plus réduite que celle observée sous la gravité terrestre et qu’un modèle mathématique modifié pourra prédire ces réponses cardiovasculaires au passage à la station debout dans ces environnements.
En conclusion, les résultats de l’expérience ORB seront une base pour la recherche future en adaptation cardiovasculaire sur le long terme dans un effort de prédiction et prévention d’incidents cardiovasculaires dans les environnements de gravité partielle de Mars et de la Lune ».
L’expérience ORB en vol (doc. ESA / Nadjejda Vicente)
Pour mémoire la campagne de début juin comportait une expérience relative à la mission ExoMars. Des échantillons représentatifs des caractéristiques de sol martien ont été placés dans le système de collecte Sample Preparation and Distribution System (SDPS) pour vérifier le dosage, la propreté et la contamination croisée. Notre collègue de l’ESA, Anne Pacros, qui avait participé aux missions de simulation MDRS 23, 40 et 43 dans l’habitat Mars Desert Research Station de la Mars Society, faisait partie de l’équipe d’expérimentation.
L’expérience sur le système mécanique de préparation et distribution d’échantillons d’ExoMars à bord de l’Airbus début juin (doc. ESA)
(Photos A. Souchier sauf mention contraire)