La mission Curiosity met une fois de plus en évidence le rôle du Jet Propulsion Laboratory dans l’exploration du système solaire et de l’exploration de Mars en particulier. Une occasion pour rappeler l’histoire et les réalisations de cet organisme prestigieux, plus ancien que la NASA elle-même…
L’histoire du Jet propulsion Laboratory commence dans les années 30. Le professeur Theodore Von Karman était alors le directeur du laboratoire aéronautique Guggenheim du célèbre Caltech (California Institute of Techonology. Des étudiants et membres de son équipe entamèrent des expérimentations au sol de moteurs fusée dans une zone désertique proche du Caltech, l’Arroyo Seco, un canyon asséché à Pasadena. La première mise à feu date du 31 octobre 1936. Pendant la guerre Von Karman convainc l’armée d’utiliser des fusées d’appoint pour le décollage des avions (les fameux JATO, Jet Assisted Take Off). Le Caltech achète les terrains de l’Arroyo Seco et y installe des bancs d’essai et ateliers. C’est là que le JPL est toujours situé de nos jours. Dès que le programme de V2 est connu par les services de renseignement, avant la fin de la guerre, l’équipe Von Karman est appelée à la rescousse pour des analyses techniques. L’équipe propose alors un programme de recherche et développement de missiles. C’est à cette époque que l’appellation « Jet Propulsion Laboratory » apparait. Forte de 100 personnes l’équipe procède à ses premiers lancements dans le désert californien. La fusée Private a une portée de 18 km. En 1945 le groupe, dont la taille approche maintenant 300 personnes, lance des fusées depuis White Sands au Nouveau Mexique. L’altitude de 60 km est atteinte. Le JPL développe non seulement la propulsion mais aussi le guidage, les télémesures, les radars et même un ordinateur primitif pour station sol. Leurs efforts aboutissent au missile Corporal dont le 1er lancement a lieu en mai 1947.
Le site du Jet Propulsion Laboratory. (doc. DR)
En novembre 1957 le JPL entreprend la construction du premier satellite US, Explorer 1, qui vole 3 mois plus tard le 31 janvier 1958. Jusque là le JPL agissait sous la juridiction de l’armée, mais la NASA est créée fin 1958 et le 3 décembre le JPL passe sous responsabilité NASA. Pendant la compétition spatiale russo-américaine, le JPL va acquérir sa notoriété médiatique avec de nombreux succès et de nombreuses premières dans le domaine de l’exploration planétaire. En 1964 et 1965 les sondes Ranger prennent des photos rapprochées de la Lune avant de s’y écraser, les sondes Surveyor 1, 3, 5, 6 et 7 se posent en douceur sur la Lune (mais le Luna 9 russe les a devancé de peu). Mariner 2 passe près de Vénus le 27 août 1962. C’est la première sonde spatiale qui peut étudier de près une planète. Elle révèlera les conditions phénoménales de pression et température régnant à la surface de Vénus. Après Vénus, Mars : en 1964 Mariner 4 frôle la planète et en prend des photos rapprochées qui montrent les cratères martiens. Il fait aussi réviser à la baisse les évaluations de pression atmosphérique au sol.
Les missions de survol des deux planètes proches de la Terre continuent : Mariner 5 près de Vénus en 1967, Mariner 6 et 7 près de Mars en 1969. Et en 1971 Mariner 9 devient le premier satellite artificiel d’une autre planète. Il corrige l’impression donnée par les premières sondes d’une Mars morte et semblable à la Lune en montrant la richesse des formations géologiques de la planète. Mariner 10 inaugure la technique des assistances gravitationnelles : grâce à un passage près de Vénus en février 1974, il peut survoler deux fois Mercure en mars et septembre de la même année.
Au milieu des années 70 le JPL manage le programme Viking qui comprend deux atterrisseurs martiens et deux orbiteurs. Il construit lui-même les orbiteurs. Le 4 juillet 1976 Viking 1 réussit son atterrissage en douceur suivi quelques jours plus tard par Viking 2. Ce sont les premiers atterrissages vraiment réussis sur la planète même si le Mars 3 russe avait auparavant survécu 20 s à son atterrissage mais sans envoyer aucune information. Toujours plus loin dans le système solaire, Voyager 1 et 2 survolent Jupiter et Saturne (1979-1981), Voyager 2 continuant vers Uranus (1986) et Neptune (1989). Les sondes ont maintenant quitté le système solaire et devraient pouvoir communiquer avec la Terre jusque vers 2025. Depuis février 1998, Voyager 1 a dépassé la sonde Pioneer 10, et est maintenant, et pour longtemps, l’objet terrien le plus loin de nous.
En août 1990 Magellan est mis en orbite autour de Venus. Il accomplit une longue mission, en particulier de cartographie radar, avant de rentrer dans son atmosphère en octobre 1994. Galileo, après avoir survolé les astéroïdes Gaspra et Ida, se met en orbite autour de Jupiter le 7 décembre 1995. Galileo avait auparavant largué une sonde kamikase qui entre dans l’atmosphère de Jupiter. Galileo étudie pendant 8 ans les satellites principaux Io, Europa, Ganymède et Callisto et le monde des nombreux petits satellites tournant autour de Jupiter. Il est précipité dans l’atmosphère de Jupiter le 21 septembre 2003 pour être sûr de ne pas contaminer, lors d’un impact dans le futur, l’un de ces satellites.
La principale salle de contrôle de mission. (doc. NASA/JPL)
Mars Global Surveyor et Mars Pathfinder sont lancés en novembre et décembre 1996. Mars Pathfinder se pose en douceur le 4 juillet 1997, 21 ans après Viking 1. Depuis les deux Viking aucune sonde n’avait à nouveau atterri sur Mars. Mars Pathfinder débarque un micro rover, Sojourner, et pour la première fois « on a roulé sur Mars ». En septembre 1997 Mars Global Surveyor se met en orbite. Il restera opérationnel pendant 9 ans. En Octobre 2001 Mars Odyssey est mis en orbite autour de Mars. Il fonctionne toujours et doit servir de relais pour l’envoi vers la Terre des premières informations en provenance du grand rover Curiosity. Les deux rovers Spirit et Opportunity quittent la Terre en juin et juillet 2003 et atterrissent avec succès en janvier 2004. Leur durée de vie garantie est de trois mois mais Spirit opèrera jusqu’au 22 mars 2010 tandis qu’Opportunity fonctionne toujours et a maintenant parcouru plus de 34 km.
Cassini Huygens est envoyé vers Saturne en octobre 1997. Il se satellise en juin 2004 et libère une sonde européenne qui se pose en douceur sur Titan, le plus gros satellite de Saturne, en janvier 2005, une première mondiale pour l’Europe. Cassini est toujours en opérations.
Mars Reconnaissance Orbiter se met en orbite autour de Mars en 2006. Il est toujours actif. Avec Mars Odyssey et l’européenne Mars Express, il est l’un des trois engins terriens opérationnels autour de Mars. Equipé d’une optique de type satellite de reconnaissance, il envoie de images très détaillées, capables de montrer les rovers Spirit et Opportunity au sol. Il envoie d’ailleurs en 2008 une image de la sonde Mars Phoenix Lander en train de descendre sous parachute avant son atterrissage dans une zone de latitude élevée dans l’hémisphère Nord de Mars. Phoenix opèrera pendant 5 mois et montrera la présence de glace dans le sol.
Et bien sûr le JPL est en charge du programme de rover MSL Curiosity.
Le JPL a été responsable de nombreuses autres missions dans le système solaire : Ulysses (étude du soleil), Deep Space One (essai d’un moteur ionique, survol de l’astéroïde Braille et de la comète Borelly), Stardust (collecte de particules de la comète Wild-2 rapportées sur Terre), Genesis (collecte de particules du vent solaire rapportées sur Terre), Deep Impact (bombardement de la comète Tempel 1), instrument microonde à bord de la sonde européenne Rosetta à destination de la comète Churyumov Gerasimenko, Dawn (Vesta et Céres), Grail (orbiteurs lunaires).
Mais le JPL est aussi responsable de missions qui étudient la planète Terre comme de satellites astronomiques qui regardent au-delà du système solaire.
C’est le JPL qui a développé et qui opère le Deep Space network, le réseau de stations tout autour de la Terre (Mojave Desert en Californie, Espagne, Australie), qui autorise un contact permanent avec toutes les sondes actives dans le système solaire (et maintenant même au-delà).
Sur le site du JPL travaillent environ 5000 personnes. Le budget annuel managé est de l’ordre de 1,6 milliard de dollars. Le docteur Charles Elachi en est le directeur depuis 2001.
Welcome to the JPL (doc. NASA/JPL)